Les Mapuches
expliqués aux enfants...
Dessin de Juana Calfunao
Par Ana Guevara (Anthropologue)
Les Mapuche vivent au Chili, dans la région de l'Araucanie, à l'ouest
et à l'est de la Cordillère des Andes, et au-delà de la frontière, en
Argentine. Ce dossier a été réalisé par Ana Guevara, Universitaire à l'EHESS et au Collège de France. Mapuche veut dire "les gens de la terre". Ils étaient appelés Araucans (Araucanos en espagnol). On les connaît aussi comme "el pueblo indómito", c'est-à-dire "le peuple indomptable".
Dans quels pays et dans quel milieu naturel vivent-ils ?
Les Mapuche vivent au Chili, dans la région de l'Araucanie, à l'ouest
et à l'est de la Cordillère des Andes, et au-delà de la frontière, en
Argentine. Ces régions ont un climat tempéré, comme en Europe, mais qui
peut être très rigoureux, avec des pluies et vents violents, autant
qu'un soleil de plomb.
Suivant les régions, on peut vivre de l’élevage
des moutons, des bovins et des chevaux, ou bien de la culture et de la
pêche.
Dans la montagne pousse une espèce particulière de pin qui peut
atteindre 50 mètres de haut et vivre 1000 ans. Il porte le nom de la
région, l'araucaria, et son bois sert à la construction. Il donne des
fruits comestibles et on récolte sa sève.
Combien sont-ils ?
Environ 600 000 Mapuche vivent au Chili, et
200 000 en Argentine. Les trois quarts d'entre eux sont en ville et
recréent des communautés avec leurs fêtes et leurs traditions.
Quelles langues parlent-ils ?
Tous parlent espagnol et leur langue, le mapudungun,
a cessé d'être parlée petit à petit. Maintenant, de plus en plus
d'écoles sont bilingues et les enfants réapprennent à communiquer en
mapudungun avec leurs grands-parents.
Quels animaux vivent autour d'eux ?
Le puma est un félin qui rôde autour des pâturages à la recherche de nourriture. Les éleveurs l'appellent "lion" et le chassent. Ils exposent sa dépouille à l'entrée de leurs fermes, pensant qu'elle a le pouvoir de les protéger.
Photo © Ana Guevara
Le nandou, une petite autruche qui court vite, se plaît sur les
plateaux herbeux. Le condor, l'oiseau qui vole le plus haut, surveille
le pays et repère ses proies de son œil perçant.
Que mangent-ils ?
Ceux qui sont éleveurs d'ovins consomment de la viande de mouton, en
général grillée sur des tranches de pain, même au petit déjeuner. L'été,
on mène les troupeaux sur les pâturages des hauts plateaux où l'herbe
est abondante, et l'hiver on les redescend à l'abri dans les vallées.
Ceux qui vivent en bordure de l'océan Pacifique consomment plutôt du poisson et du cochayuyo, une algue séchée que l'on prépare en salade ou en soupe.
Le muday est une boisson à base de blé que l'on fait fermenter avec un peu de salive.
Le catuto est un pain de blé. Les enfants foulent le grain
avec les pieds, puis les femmes le broient dans un mortier (une pierre
creuse). On cuit la pâte dans une marmite sur le feu et on confectionne à
la main de petits pains plats qui se conservent longtemps.
Quels sont leurs croyances et leurs rites ?
Les Mapuche de la campagne vivent en petites communautés d'une dizaine de familles qui élisent chaque année un lonko, un chef. Chaque personne, homme ou femme, peut venir prendre la parole aux assemblées réunies autour du lonko.
Les machi, chamanes-guérisseurs,
jouent un grand rôle pour soigner les maladies, obtenir de bonnes
récoltes, protéger les troupeaux ou faire une pêche fructueuse. Ils
connaissent toutes les plantes médicinales, et leurs recettes secrètes
commencent à avoir du succès (lire l'article de décembre 2005, "Des
herbes si précieuses").
Ngenechen est leur dieu principal, entouré de nombreuses divinités parmi lesquelles se promènent les esprits des ancêtres.
Quelles sont leurs fêtes ?
La grande fête, le nguillatun, a lieu tous les ans et réunit
toute la communauté. Ceux de la ville viennent depuis des centaines de
kilomètres. En remerciement à la terre pour les récoltes et les bonnes
pêches, on tue des moutons, des poules à donner en offrande aux dieux et
on prie pour que l'année suivante soit fertile. Les cérémonies durent
deux à quatre jours.
On reste ensemble à dormir dans un grand abri en U spécialement
reconstruit tous les ans. Il est ouvert vers l'est et peut accueillir
des centaines de personnes. On exécute 4 danses par jour, dirigées par
le machi ou le lonko. En même temps, des cavaliers galopent autour de la
maison commune. La terre tremble, comme à l'époque des guerres où l'on
dansait pour dire au revoir aux hommes avant qu'ils partent au combat
contre l'envahisseur. Dans les banlieues des villes est né le style "mapunk" qui donne aux fêtes un style nouveau (voir l'article de décembre 2005 : "Des Indiens branchés").
Quelles œuvres d'art produisent-ils ?
Les Mapuche sont des orfèvres réputés pour leurs bijoux en argent
fabriqués à partir de pièces de monnaie espagnoles. Leurs châles,
couvertures et ponchos en laine tissée et teinte avec des pigments
naturels sont aussi très recherchés. Ils produisent aussi des poteries
et des ustensiles de cuisine en bois sans décoration. Leur art est
toujours très sobre.
Ils ont des instruments de musique particuliers : le kultrun, un tambour en bois peint avec les 4 points cardinaux qui figurent aussi sur leur drapeau, et la trutruka, une trompette très longue. Les adultes apprennent aux enfants à en jouer la nuit pendant la fête de nguillatun.
Quels sont leurs problèmes dans le monde actuel ?
Les Mapuche ont une solide réputation de guerriers redoutables depuis l'arrivée des colonisateurs espagnols.
Leur résistance à l'envahisseur est racontée dans une épopée célèbre, La Araucana.
Ils capturèrent et tuèrent le conquérant espagnol Valdivia, et pour
terrifier l'ennemi, ils se fabriquèrent des flûtes avec les tibias de
leurs victimes. Ils sont le seul peuple d'Amérique qui ait pu arrêter la
conquête. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, ils réussirent à conserver leurs terres face aux Huincas,
les "voleurs", mot qui désigne ceux qui ne sont pas Mapuche. Puis ils
furent vaincus, leurs terres confisquées, obligés de vivre dans des réserves. C'est un combat de tous les jours pour essayer de rester sur leurs terres et d'y avoir des droits.
Aujourd'hui, les Mapuche refusent les grandes entreprises de pêche,
d'élevage de saumon et de mouton, comme Benetton en Argentine. Les
grandes plantations d'eucalyptus et de sapins, comme le pin d'Orégon qui
pousse ici dix fois plus vite qu'en Amérique du Nord, peuvent faire la
fortune des Blancs aux dépens des Mapuche. Ils se battent pour ne pas
être expulsés de chez eux au profit de ces grandes entreprises. (Voir
l'article de juin 2010 : "Des pulls Benetton aux Mapuche"
Source : Survival International