Par Blaise Pantel (*)
Au sud du Chili, chaque année et pendant les mois d’été, c’est-à-dire principalement en janvier et en février, l’on constate les dégâts causés par la multiplication des incendies de forêts. Les problèmes liés à l’exploitation industrielle du pin et de l’eucalyptus, qui font du Chili un important producteur et exportateur de bois, ont toujours été dénoncés par les communautés autochtones et les organisations écologistes : accroissement de l’érosion des sols, diminution importante des nappes phréatiques, contamination des sous-sols, sècheresse, etc., dans une région historiquement réputée pour l’abondance de ses précipitations.
Cette
année encore, au début du mois de janvier, plusieurs incendies se sont
déclarés au sud du pays touchant même la Patagonie et le très connu parc
touristique Torres del Paine. Or, cette fois-ci, sept brigadiers
forestiers [1]
ont malheureusement trouvé la mort lors d’un incendie de forêt dans la
région de l’Araucanie, proche de la ville de Carahue, région historique
du peuple mapuche, peuple autochtone le plus important du pays [2].
Cet incendie a touché une exploitation forestière de l’entreprise Mininco, une des plus importantes du pays. Or, celles et ceux qui connaissent ou s’intéressent à la situation mapuche au Chili savent très bien que nombre de communautés sont en conflit ouvert depuis des décennies avec les entreprises forestières, dénonçant la spoliation à laquelle les mapuches ont été victimes et revendiquant publiquement des territoires aujourd’hui occupés par ces entreprises qui exploitent de manière industrielle le pin et l’eucalyptus.
Les mapuches montrés du doigt
Le jour même de cet incendie meurtrier, le Président Piñera [3] lâcha une « bombe » médiatique et politique en signalant « l’intentionnalité criminelle » de cet incendie. Son Ministre de l’Intérieur, Hinzpeter, réputé pour ses déclarations choques et peu mesurées, lui emboîta le pas en signalant que le gouvernement invoquera la Loi Antiterroriste pour rechercher les coupables et appliquer toute la force de la loi. Enfin, le Gouverneur de la région de l’Araucanie, Molina, venait terminer la boucle de cette gesticulation médiatique en rappelant que l’organisation mapuche appelée la Coordination Arauco-Malleco [4] avait revendiqué une « attaque » quelques jours précédents ce dramatique incendie. L’effet subliminal recherché était clair : montrer du doigt les mapuches et les communautés ou organisations les plus actives de ces dernières années pour expliquer les causes de cette catastrophe nationale.
Évidemment, ces accusations à demi cachées de la « responsabilité mapuche » ont soulevé une vague d’indignation de la part de communautés et d’organisations mapuches ainsi que de bon nombre d’organisations de défense des droits humains et autochtones au Chili [5]. Car c’est un véritable « cocktail explosif » lorsque l’on parle d’incendies, de Loi Antiterroriste et d’entreprises forestières dans le sud du pays appelé aussi la « zone rouge » du fameux « conflit mapuche ». Mais encore, l’action d’un avocat mapuche, Loncón, qui déposa une plainte conte le Ministre de l’Intérieur Hinzpeter pour avoir responsabilisé sans aucun antécédent le peuple mapuche, obligea le Ministre de l’Intérieur à justifier et à expliquer ses propos face à la justice chilienne. Dans un document de six pages, ce dernier signala qu’en aucun cas il responsabilisait les mapuches de cette tragédie et qu’il se gardait bien d’avoir des propos discriminatoires à leurs égards.
Quelques semaines plus tard, le gouvernement à travers la figure du Gouverneur ainsi que l’entreprise forestière déposèrent chacun une plainte criminelle en invoquant la Loi Antiterroriste. Au jour d’aujourd’hui, les investigations sont en cours. Évidemment, il n’y a pas eu de questionnement sur l’industrie forestière, la possible responsabilité de cette dernière dans l’incendie du fait de la fabrication de charbon comme il a été signalé à un moment donné, ou encore sur les impacts environnementaux de cette industrie comme possible cause endogène de la prolifération des incendies de forêts au sud du pays.
D’autre part, l’on ne peut que souligner la persistance d’un discours au Chili qui consiste à vouloir appliquer « toute la rigueur de la loi » et la continuité de discours ou de méthodes depuis une vingtaine d’années qui ont consisté à criminaliser la contestation et la mobilisation mapuche. De la Concertation à Piñera, il y a une tendance évidente, et qui a été dénoncée, de stigmatiser les mapuches comme des terroristes qui mettent en péril l’État de droit et la tranquillité des citoyens du sud du pays. Dans beaucoup de cas, l’on constate que cette criminalisation est liée aux enjeux des industries énergétiques, chimiques et forestières du sud du pays.
Retour sur l’image d’un pays en plein développement économique
Car le Chili a acquis depuis la fin de la dictature et la fameuse « transition démocratique » du début des années 90 une image d’un pays qui a tourné la page de ces années les plus noires et qui est considéré comme le « tigre » de l’Amérique latine : développement économique avec une augmentation constante de son PIB, diminution de la pauvreté et de l’extrême pauvreté, stabilité institutionnelle, faible corruption, [] etc. Aussi, le Chili a été considéré comme le laboratoire du capitalisme nord-américain avec l’application des doctrines des Chicago Boys, économistes qui furent chargés de créer le modèle néolibéral chilien : privatisation de l’éducation, de la santé et du système de retraite ; protection sociale et protection du travail minimale ; privatisation des ressources naturelles (rivières et fleuves, mer, minéraux et sous-sols) pour ne citer que quelques exemples.
Le Chili est devenu un important producteur mondial de matières premières et industrielles comme le cuivre dans les mines du nord du pays, le bois et les plantations forestières dites exotiques au sud (pin et eucalyptus) incluant l’industrie de la cellulose, le saumon avec le développement de l’industrie piscicole en rivière, lac et mer. De plus, la production énergétique chilienne a ciblé son développement dans l’énergie hydro-électrique et explorant de nouvelles sources d’énergie comme la géothermie.
En réalité, l’image d’un modèle économique triomphant et d’une transition démocratique réussie, qui a culminé avec l’intégration du pays à l’OCDE en 2010, cache de graves inégalités, des situations d’exclusion, de discrimination et de violation des droits humains et autochtones, ainsi que d’importants impacts sociaux environnementaux à grande échelle. À la fois les peuples autochtones et la société civile du pays ont manifesté ces dernières années une forte critique et un refus de l’imposition d’un modèle économique nuisible pour l’environnement, lucratif pour quelques-uns, qui empêchent une participation effective de la citoyenneté dans la prise de décision, et qui aggravent la situation de dépossession territoriale à laquelle sont soumises les communautés locales et autochtones.
Les débuts de la criminalisation mapuche au Chili
C’est dans ce contexte que pendant les vingt dernières années, en particulier le peuple mapuche et des organisations de droits humains et écologistes de la société civile chilienne, ont développé des mobilisations et une dénonciation constante de ce modèle économique basé sur l’extraction des ressources naturelles avec d’importants impacts environnementaux, sociaux et culturels. L’on constate l’imposition d’une logique de marché et de privatisation des ressources naturelles qui mettent en danger les écosystèmes existants, tout comme les habitants de ces territoires lesquels, en grande partie, sont des autochtones.
Dans ce contexte, le peuple mapuche a été et est toujours un acteur fondamental pour la défense de territoires menacés, revendiquant des droits ancestraux sur les ressources naturelles que la législation chilienne livre en concession aux particuliers et aux grandes entreprises industrielles et énergétiques nationales et étrangères [7]. Déjà, au début des années 90, une organisation mapuche appelée la Conseil de Toutes les Terres faisait grand bruit au Chili par l’occupation symbolique de plusieurs territoires et mettant en avant les revendications territoriales des communautés autochtones.
A cette époque, le Chili n’avait pas encore adopté la Loi Indigène et le retour à une certaine démocratie générait une peur de voir revenir ces autochtones prêts à récupérer leurs terres spoliées (Toledo, 2007). La réponse de l’État ne se fît pas attendre et ces « délinquants » mapuches furent traduit devant la justice. C’est le cas connu sous le nom des 144, c’est-à-dire le nombre de mapuches trainés devant la justice. Même si certains politiques exigeaient l’application de la Loi de Sécurité Intérieure de l’État, c’est bien l’appareil juridique pénal ordinaire qui fut utilisé pour criminaliser ces dizaines de mapuches (par exemple pour usurpation ou encore association illicite). Le cas fut amené à la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme [8] (Toledo, 2007).
Par la suite, un conflit important connu sous le nom de Ralco, dans la région du Bío-Bío au sud du Chili, marque un précédent dans les relations entre l’État et les mapuches. C’est un exemple emblématique de comment une entreprise transnationale [9] fut bénéficiée par l’État chilien pour construire une méga centrale hydroélectrique qui inonda des terres mapuches, avec ses cimetières, générant un véritable assassinat culturel ou ethnocide programmé pour ces communautés et des conséquences écologiques irréversibles dans ce territoire. Bien que la Loi Indigène fût promulguée en 1993 avec la création d’une institution publique, la CONADI, censée représenter et protéger les droits autochtones ainsi que leurs terres, ce sont bien les intérêts économiques qui furent privilégiés au détriment des droits autochtones. Ce conflit marque une rupture entre les peuples autochtones et l’État chilien où la CONADI a perdu toute sa crédibilité et sa légitimité [10]
Enfin, les événements de Lumaco du premier décembre 1997, au sud du pays, servirent de prétexte aux autorités de l’époque pour définitivement criminaliser un mouvement mapuche qui c’était peu à peu radicalisé dans ses demandes et ses modes d’action. La destruction par incendie de trois camions d’entreprises forestières déclencha une réaction violente de la part des autorités et des lobbys économiques : les mapuches sont des terroristes pouvait-on lire dans les journaux ! C’est à partir de ce moment là que la Loi de Sécurité Intérieure de l’État est invoquée pour condamner des représentants mapuches et qu’est exigée l’application de la Loi Antiterroriste. Face à des organisations mapuches plus radicales et des discours liés à l’autodétermination, l’autonomie, la récupération des territoires spoliés, les autorités chiliennes ainsi que les entreprises privées décidèrent d’utiliser tout l’arsenal juridique à leur disposition.
La montée en puissance de la criminalisation mapuche
Comme l’on peut constater, le « conflit mapuche » s’est peu à peu judiciarisé. Tant est si bien qu’au début des années 2000 ce sont des centaines [11] de mapuches qui sont amenés devant les tribunaux civils, mais aussi militaires [12]. Dans le cadre d’affrontements avec les Carabiniers dans des manifestations ou des occupations de terres, les mapuches doivent faire face à un durcissement de la répression. Alors que dans les années 2000, le système judiciaire chilien voit s’implanter une réforme pénale de grande ampleur, c’est bien dans le cadre de cette réforme que va être favorisée la criminalisation de la mobilisation mapuche et l’utilisation de la Loi Antiterroriste (González Palominos, 2011).
D’une judiciarisation du « conflit mapuche » sous le gouvernement d’Aylwin (1992), à l’utilisation de la Loi de Sécurité Intérieur de l’État sous Frei (1997) puis de la Loi Antiterroriste sous Lagos (2000) et sous Bachelet (2008), c’est véritablement une montée en puissance de la criminalisation de la mobilisation mapuche qui s’opère. À cela s’ajoutent de constantes violences policières qui font l’objet de multiples rapports et de multiples dénonciations à l’échelle internationale.
Utilisant la fameuse politique « du bâton et de la carotte » avec d’un côté des politiques d’assistanat et folkloriques basées sur le clientélisme, véritable face cachée de la corruption au Chili, et de l’autre côté une politique répressive violente et disproportionnée, l’État chilien a décidé donc, avec l’appui des entreprises privées, d’utiliser des lois héritées de la dictature militaire. Que se soit la Loi de Sécurité Intérieure de l’État ou la Loi Antiterroriste, se sont des instruments juridiques qui ont été utilisés pour faire taire les revendications mapuches et stigmatiser des centaines de dirigeants comme terroristes.
Plusieurs cas emblématiques ont alors fait connaître le Chili sous un autre angle : celui des Lonkos [13], celui de Poluco Pidenco et celui de Victor Ancalaf [14]. Les condamnations, entre cinq et dix ans de prison, se sont référées à la menace terroriste, l’association illicite ou l’incendie terroriste. Alors que de nombreux vices ont été dénoncés pendant cette période, c’est bien sous la gouvernance du socialiste Ricardo Lagos que ces mapuches ainsi qu’une militante chilienne furent condamnés.
Sous la conduite de procureurs dédiés exclusivement au thème mapuche, c’est bien l’utilisation de la Loi Antiterroriste qui a fait débat : garde à vue prolongée, prison préventive pendant les investigations qui prennent parfois un voir deux ans, utilisation de « témoins sans visage » c’est-à-dire où la défense ne peut contre-interroger le témoin du fait de leur « protection » pour les bienfaits du procès, peines alourdies etc. C’est un véritable arsenal médiatique, politique et judiciaire qui a été utilisé pour réprimer la mobilisation et la contestation mapuche. Il faut aussi signaler que dans beaucoup d’autres cas, après avoir fait parfois deux ans de prison préventive, nombre de mapuches ont été déclarés innocents faute de preuve.
C’est aussi donc une politique de dissuasion qui a été menée par les gouvernements successifs de la Concertation dans le but de stigmatiser des dirigeants autochtones et de rassurer les puissants. C’est aussi donc une politique de dissuasion qui a été menée par les gouvernements successifs de la Concertation dans le but de stigmatiser des dirigeants autochtones et de rassurer les puissants lobbys économiques du pays lobbys économiques du pays. Peu à peu s’est construit un « droit pénal de l’ennemi » autour de la figure du mapuche (Villegas Díaz, 2008) ainsi que de leurs partisans.
Les recommandations de l’ONU sur l’utilisation de la Loi Antiterroriste
Entre les tribunaux militaires, les mapuches condamnés pour terrorisme, les violences policières, nombreux sont les organismes nationaux et internationaux qui ont dénoncé la répression policière et judiciaire des mapuches au Chili et condamné l’utilisation de la Loi Antiterroriste. À cela s’ajoutent les cas de jeunes mapuches tués lors de mobilisation de récupération de terres et où l’impunité a été en général de mise dans ce genre de situation [15].
En effet, du fait de la constitution de réseaux d’appuis qui se sont développés ces dernières décennies particulièrement en Europe, du travail de dénonciation sur internet des organisations mapuches et des rapports détaillés élaborés par plusieurs organismes de défense de droits humains et autochtones, force est de constater qu’il y a une meilleure visibilité de la situation mapuche à travers le monde. D’autre part, la constante criminalisation des peuples autochtones en Amérique latine, en Afrique et en Asie, fait que les organismes internationaux de protection des droits humains et des droits autochtones ont commencé à suivre de prêt la situation des peuples autochtones à travers le monde. Le développement du système international de protection des droits autochtones a vu la création de plusieurs organismes spécifiques sur ces questions ainsi que le développement d’un droit international autochtone.
En 1989, l’Organisation Internationale du Travail modifiait sa Convention antérieure pour approuver la Convention 169 concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, premier instrument international qui reconnait des droits importants aux peuples autochtones. Par la suite et avec l’année internationale des peuples autochtones (1993) et la décennie internationale des peuples autochtones déclarée par l’ONU (1995-2004), c’est la création d’un Rapporteur Spécial sur les questions autochtones qui voyait le jour en 2001, puis le Forum Permanent en 2002, enfin le Mécanisme d’Experts en 2008. Finalement, l’adoption para l’Assemblée Générale des Nations Unies le 13 septembre 2007 de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones après presque trois décennies de travaux marque définitivement une avancée sur la reconnaissance des droits des peuples autochtones à l’échelle internationale [16].
La visite du Rapporteur Spécial Rodolfo Stavenhagen au Chili en 2003 marque inévitablement un précédent. Cette mission officielle, qui fut d’ailleurs très médiatisée à l’époque, a permis de rendre visible d’importantes critiques sur la politique autochtone chilienne et d’installer un certain nombre de recommandations sur la scène publique. Ce n’était pas une organisation partisane qui les formulaient, mais bien un Rapporteur Spécial des Nations Unies avec toute la légitimité que lui incombait son mandat et en tant qu’expert de la question autochtone.
Son rapport [17] fut net et précis quant aux violations des droits humains et autochtones dans le pays. Il critiqua l’application de la Loi Antiterroriste dans le contexte de la mobilisation et de la contestation mapuche, appelant même à une amnistie des prisonniers mapuches. Dans le même sens, le Comité des Droits Économiques, Sociaux et Culturels [18] en 2004 et le Comité des Droits de l’Homme [19] en 2007 formulèrent des recommandations équivalentes à celles du Rapporteur Spécial, c’est-à-dire l’exigence de la non-application de la Loi Antiterroriste, une meilleure définition de la notion de terrorisme dans la législation chilienne [20] et la nécessité de reconnaitre les droits des peuples autochtones en accord avec la législation internationale en la matière [21].
Mais encore, en 2007, le Comité des Droits de l’Enfant [22] se préoccupait déjà de la situation des enfants mapuches victimes de violences policières lors des descentes de police dans les communautés. Les années suivantes, la situation n’a fait qu’empirer avec l’application de la Loi Antiterroriste à des mineurs mapuches, situation qui a été maintes fois dénoncée par des organismes locaux et qui a fait l’objet d’un rapport à la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme [23].
Finalement, en 2009, toute une série d’organismes des Nations Unies ont examiné la situation des droits humains et autochtones dans le pays, c’est-à-dire le Comité Contre la Torture, le Comité pour l’Élimination de la Discrimination Raciale et le Conseil des Droits de l’Homme avec le nouveau mécanisme d’Examen Universel. Dans leurs recommandations, ces organismes sont unanimes quant à l’utilisation de la Loi Antiterroriste dans le cadre de la mobilisation mapuche et réitèrent la non-application de cette loi ainsi que sa réforme urgente. De plus, ils coïncident sur la persistance de graves problèmes au Chili sur la question du respect des droits humains et autochtones. Dans le même sens, le Rapporteur Spécial James Anaya effectua une visite officielle en avril 2009 dans le but de faire le suivi des recommandations du Rapporteur Spécial antérieur, Rodolfo Stavenhagen, et réaffirma, entre autre, l’urgence de réviser la situation pénale des prisonniers mapuches en garantissant une procédure régulière, chose que la Loi Antiterroriste ne permet pas [24].
Les grèves de la faim comme mode d’interpellation
Alors que la Présidente Michelle Bachelet s’était engagée à ce que son gouvernement n’utilise pas la Loi Antiterroriste, cette promesse ne fut malheureusement pas respectée. Il est vrai que durant les deux premières années de son mandat, cette loi ne fut pas utilisée. Cependant, de nouveaux délits furent créés dans la législation chilienne comme par exemple le vol d’animaux ou abigeato, ce qui a permis de continuer avec la judiciarisation des demandes territoriales mapuches ainsi que la criminalisation du mouvement autochtone en général.
Face à la persistance et la continuité de pratiques judiciaires et policières en contradiction avec les discours du gouvernement chilien dans les instances internationales, plusieurs grèves de la faim ont été menées par des militants chiliens ou prisonniers mapuches. Rappelons celle de Patricia Troncoso [25] en 2007 et début 2008 qui dura 112 jours pour exiger de nouvelles conditions pénitentiaires, et les deux grèves de la faim menées par les prisonniers mapuches en 2010 et en 2011 pour dénoncer la constante criminalisation de leurs demandes, la violente répression policière et exiger la non application de la Loi Antiterroriste.
Malgré « l’omerta » des médias chiliens [26], l’impact de ces grèves de la faim a permis une meilleure prise de conscience de la situation mapuche au Chili, particulièrement à l’échelle internationale. C’est ainsi qu’en 2010, la grève de la faim de 34 [27] prisonniers politiques [28] mapuches a réussi à générer un débat parlementaires autour de cette loi et de l’engagement du gouvernement à ne pas l’invoquer, les peines furent prononcées en 2011 selon le code pénal classique chilien. Une plainte a été déposée à la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme.
Toute une discussion fut amorcée sur le caractère terroriste ou non de l’incendie et sur la prééminence de la justice militaire lorsqu’elle implique des civils. Malheureusement, si certaines avancées limitées ont été apportées, il n’en reste pas moins que le fond du problème n’a pas été résolu et que les recommandations des Nations Unies sont toujours d’actualité.
Conclusion
La tragédie de janvier 2012 avec un incendie de forêt qui coûta la vie à sept brigadiers forestiers nous rappelle malheureusement que l’utilisation de la Loi Antiterroriste reste un problème majeur au Chili et qu’elle recouvre un caractère éminemment politique. L’on observe que les mécanismes utilisés à la fin des années 90 et au début des années 2000 sont toujours en vigueur dans le Chili d’aujourd’hui et qu’ils se reproduisent de manière identique et préoccupante.
Chaque année, l’on constate la multiplication des descentes de police dans les communautés mapuches et les conséquences sociales et psychologiques que ces pratiques engendrent au sein même des familles mapuches, enfants, personnes âgées, femmes, dirigeants ou représentants. Cette judiciarisation du « conflit mapuche » est étroitement liée à l’exploitation des ressources naturelles et du fait que d’une manière générale, les autochtones s’opposent au modèle économique du pays et exigent la reconnaissance de leurs droits territoriaux.
D’autres procès impliquant des dirigeants mapuches sont en cours et à venir, dans un contexte de tensions aigues sur ces questions là dans le sud du pays. Plus encore, et dans des circonstances encore confuses et à éclaircir, lors d’une violente descente de police dans une communauté mapuche proche de la ville d’Ercilla, au nord de la capitale régionale Temuco, un carabinier vient de perdre la vie d’une balle dans le cou. Cette autre tragédie vient compléter un tableau déjà noir des relations entre mapuches, forces de police, État, entreprises privées et particulières.
La mort d’un carabinier présage un climat encore plus difficile dans les semaines et les mois à venir. Elle vient aussi masquer, pour un temps, la violence policière qui s’exerce à l’encontre des communautés mapuches et des mouvements sociaux en général. Car cette violence institutionnelle ne touche pas seulement que les communautés autochtones. L’on peut le constater avec le mouvement étudiant en 2011 ou encore les contestations sociales dans la région d’Aysen qui ont touché le Chili en début d’année 2012. La forte répression policière atteint un paroxysme peu égalé ces dernières années. C’est que le dicton « républicain » chilien a la vie dure : Por la razón o por la fuerza [29]. Il exprime bien la caractéristique première d’un pays qui a fait de l’institution militaire la colonne vertébrale de la société où l’ordre public et la protection de la propriété privée sont les fers de lance du néolibéralisme chilien.
Il est évident que les défis de démocratisation du pays sont multiples, entre un système politique binominal qui empêche une véritable participation citoyenne dans l’espace public et un système économique qui a privatisé les ressources naturelles et les institutions sociales que sont l’éducation ou encore la santé.
Les étudiants chiliens demandent une éducation gratuite et de qualité ; les mapuches et les autochtones en général la reconnaissance de leurs droits et la restitution de leurs territoires ; les citoyens chiliens une meilleure décentralisation et la garantie de leurs droits. Les blocages issus de la dictature persistent aujourd’hui, en n’oubliant pas la responsabilité de la Concertation dans le maintien d’un système qui lui a permis d’exercer le pouvoir pendant vingt ans. Si parfois il y a de grandes difficultés à établir des ponts dans une société encore bien divisée, il y a aujourd’hui un plus grand consensus pour exiger une nouvelle Constitution pour le pays et abroger celle écrite par la dictature militaire en 1980.
Au Québec, c’est une « révolution tranquille » qui a permis d’amener de profonds changements politiques et sociaux. Dans les pays arabes, c’est dans le sang et la répression que les citoyens ont dû lutter pour entrevoir un horizon plus démocratique. Quelle sera la voie empruntée par le Chili ? Il est légitime de se poser cette question au regard de la dette que les autorités chiliennes ont envers le pays.
Bibliographie :
Cet incendie a touché une exploitation forestière de l’entreprise Mininco, une des plus importantes du pays. Or, celles et ceux qui connaissent ou s’intéressent à la situation mapuche au Chili savent très bien que nombre de communautés sont en conflit ouvert depuis des décennies avec les entreprises forestières, dénonçant la spoliation à laquelle les mapuches ont été victimes et revendiquant publiquement des territoires aujourd’hui occupés par ces entreprises qui exploitent de manière industrielle le pin et l’eucalyptus.
Les mapuches montrés du doigt
Le jour même de cet incendie meurtrier, le Président Piñera [3] lâcha une « bombe » médiatique et politique en signalant « l’intentionnalité criminelle » de cet incendie. Son Ministre de l’Intérieur, Hinzpeter, réputé pour ses déclarations choques et peu mesurées, lui emboîta le pas en signalant que le gouvernement invoquera la Loi Antiterroriste pour rechercher les coupables et appliquer toute la force de la loi. Enfin, le Gouverneur de la région de l’Araucanie, Molina, venait terminer la boucle de cette gesticulation médiatique en rappelant que l’organisation mapuche appelée la Coordination Arauco-Malleco [4] avait revendiqué une « attaque » quelques jours précédents ce dramatique incendie. L’effet subliminal recherché était clair : montrer du doigt les mapuches et les communautés ou organisations les plus actives de ces dernières années pour expliquer les causes de cette catastrophe nationale.
Évidemment, ces accusations à demi cachées de la « responsabilité mapuche » ont soulevé une vague d’indignation de la part de communautés et d’organisations mapuches ainsi que de bon nombre d’organisations de défense des droits humains et autochtones au Chili [5]. Car c’est un véritable « cocktail explosif » lorsque l’on parle d’incendies, de Loi Antiterroriste et d’entreprises forestières dans le sud du pays appelé aussi la « zone rouge » du fameux « conflit mapuche ». Mais encore, l’action d’un avocat mapuche, Loncón, qui déposa une plainte conte le Ministre de l’Intérieur Hinzpeter pour avoir responsabilisé sans aucun antécédent le peuple mapuche, obligea le Ministre de l’Intérieur à justifier et à expliquer ses propos face à la justice chilienne. Dans un document de six pages, ce dernier signala qu’en aucun cas il responsabilisait les mapuches de cette tragédie et qu’il se gardait bien d’avoir des propos discriminatoires à leurs égards.
Quelques semaines plus tard, le gouvernement à travers la figure du Gouverneur ainsi que l’entreprise forestière déposèrent chacun une plainte criminelle en invoquant la Loi Antiterroriste. Au jour d’aujourd’hui, les investigations sont en cours. Évidemment, il n’y a pas eu de questionnement sur l’industrie forestière, la possible responsabilité de cette dernière dans l’incendie du fait de la fabrication de charbon comme il a été signalé à un moment donné, ou encore sur les impacts environnementaux de cette industrie comme possible cause endogène de la prolifération des incendies de forêts au sud du pays.
D’autre part, l’on ne peut que souligner la persistance d’un discours au Chili qui consiste à vouloir appliquer « toute la rigueur de la loi » et la continuité de discours ou de méthodes depuis une vingtaine d’années qui ont consisté à criminaliser la contestation et la mobilisation mapuche. De la Concertation à Piñera, il y a une tendance évidente, et qui a été dénoncée, de stigmatiser les mapuches comme des terroristes qui mettent en péril l’État de droit et la tranquillité des citoyens du sud du pays. Dans beaucoup de cas, l’on constate que cette criminalisation est liée aux enjeux des industries énergétiques, chimiques et forestières du sud du pays.
Retour sur l’image d’un pays en plein développement économique
Car le Chili a acquis depuis la fin de la dictature et la fameuse « transition démocratique » du début des années 90 une image d’un pays qui a tourné la page de ces années les plus noires et qui est considéré comme le « tigre » de l’Amérique latine : développement économique avec une augmentation constante de son PIB, diminution de la pauvreté et de l’extrême pauvreté, stabilité institutionnelle, faible corruption, [] etc. Aussi, le Chili a été considéré comme le laboratoire du capitalisme nord-américain avec l’application des doctrines des Chicago Boys, économistes qui furent chargés de créer le modèle néolibéral chilien : privatisation de l’éducation, de la santé et du système de retraite ; protection sociale et protection du travail minimale ; privatisation des ressources naturelles (rivières et fleuves, mer, minéraux et sous-sols) pour ne citer que quelques exemples.
Le Chili est devenu un important producteur mondial de matières premières et industrielles comme le cuivre dans les mines du nord du pays, le bois et les plantations forestières dites exotiques au sud (pin et eucalyptus) incluant l’industrie de la cellulose, le saumon avec le développement de l’industrie piscicole en rivière, lac et mer. De plus, la production énergétique chilienne a ciblé son développement dans l’énergie hydro-électrique et explorant de nouvelles sources d’énergie comme la géothermie.
En réalité, l’image d’un modèle économique triomphant et d’une transition démocratique réussie, qui a culminé avec l’intégration du pays à l’OCDE en 2010, cache de graves inégalités, des situations d’exclusion, de discrimination et de violation des droits humains et autochtones, ainsi que d’importants impacts sociaux environnementaux à grande échelle. À la fois les peuples autochtones et la société civile du pays ont manifesté ces dernières années une forte critique et un refus de l’imposition d’un modèle économique nuisible pour l’environnement, lucratif pour quelques-uns, qui empêchent une participation effective de la citoyenneté dans la prise de décision, et qui aggravent la situation de dépossession territoriale à laquelle sont soumises les communautés locales et autochtones.
Les débuts de la criminalisation mapuche au Chili
C’est dans ce contexte que pendant les vingt dernières années, en particulier le peuple mapuche et des organisations de droits humains et écologistes de la société civile chilienne, ont développé des mobilisations et une dénonciation constante de ce modèle économique basé sur l’extraction des ressources naturelles avec d’importants impacts environnementaux, sociaux et culturels. L’on constate l’imposition d’une logique de marché et de privatisation des ressources naturelles qui mettent en danger les écosystèmes existants, tout comme les habitants de ces territoires lesquels, en grande partie, sont des autochtones.
Dans ce contexte, le peuple mapuche a été et est toujours un acteur fondamental pour la défense de territoires menacés, revendiquant des droits ancestraux sur les ressources naturelles que la législation chilienne livre en concession aux particuliers et aux grandes entreprises industrielles et énergétiques nationales et étrangères [7]. Déjà, au début des années 90, une organisation mapuche appelée la Conseil de Toutes les Terres faisait grand bruit au Chili par l’occupation symbolique de plusieurs territoires et mettant en avant les revendications territoriales des communautés autochtones.
A cette époque, le Chili n’avait pas encore adopté la Loi Indigène et le retour à une certaine démocratie générait une peur de voir revenir ces autochtones prêts à récupérer leurs terres spoliées (Toledo, 2007). La réponse de l’État ne se fît pas attendre et ces « délinquants » mapuches furent traduit devant la justice. C’est le cas connu sous le nom des 144, c’est-à-dire le nombre de mapuches trainés devant la justice. Même si certains politiques exigeaient l’application de la Loi de Sécurité Intérieure de l’État, c’est bien l’appareil juridique pénal ordinaire qui fut utilisé pour criminaliser ces dizaines de mapuches (par exemple pour usurpation ou encore association illicite). Le cas fut amené à la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme [8] (Toledo, 2007).
Par la suite, un conflit important connu sous le nom de Ralco, dans la région du Bío-Bío au sud du Chili, marque un précédent dans les relations entre l’État et les mapuches. C’est un exemple emblématique de comment une entreprise transnationale [9] fut bénéficiée par l’État chilien pour construire une méga centrale hydroélectrique qui inonda des terres mapuches, avec ses cimetières, générant un véritable assassinat culturel ou ethnocide programmé pour ces communautés et des conséquences écologiques irréversibles dans ce territoire. Bien que la Loi Indigène fût promulguée en 1993 avec la création d’une institution publique, la CONADI, censée représenter et protéger les droits autochtones ainsi que leurs terres, ce sont bien les intérêts économiques qui furent privilégiés au détriment des droits autochtones. Ce conflit marque une rupture entre les peuples autochtones et l’État chilien où la CONADI a perdu toute sa crédibilité et sa légitimité [10]
Enfin, les événements de Lumaco du premier décembre 1997, au sud du pays, servirent de prétexte aux autorités de l’époque pour définitivement criminaliser un mouvement mapuche qui c’était peu à peu radicalisé dans ses demandes et ses modes d’action. La destruction par incendie de trois camions d’entreprises forestières déclencha une réaction violente de la part des autorités et des lobbys économiques : les mapuches sont des terroristes pouvait-on lire dans les journaux ! C’est à partir de ce moment là que la Loi de Sécurité Intérieure de l’État est invoquée pour condamner des représentants mapuches et qu’est exigée l’application de la Loi Antiterroriste. Face à des organisations mapuches plus radicales et des discours liés à l’autodétermination, l’autonomie, la récupération des territoires spoliés, les autorités chiliennes ainsi que les entreprises privées décidèrent d’utiliser tout l’arsenal juridique à leur disposition.
La montée en puissance de la criminalisation mapuche
Comme l’on peut constater, le « conflit mapuche » s’est peu à peu judiciarisé. Tant est si bien qu’au début des années 2000 ce sont des centaines [11] de mapuches qui sont amenés devant les tribunaux civils, mais aussi militaires [12]. Dans le cadre d’affrontements avec les Carabiniers dans des manifestations ou des occupations de terres, les mapuches doivent faire face à un durcissement de la répression. Alors que dans les années 2000, le système judiciaire chilien voit s’implanter une réforme pénale de grande ampleur, c’est bien dans le cadre de cette réforme que va être favorisée la criminalisation de la mobilisation mapuche et l’utilisation de la Loi Antiterroriste (González Palominos, 2011).
D’une judiciarisation du « conflit mapuche » sous le gouvernement d’Aylwin (1992), à l’utilisation de la Loi de Sécurité Intérieur de l’État sous Frei (1997) puis de la Loi Antiterroriste sous Lagos (2000) et sous Bachelet (2008), c’est véritablement une montée en puissance de la criminalisation de la mobilisation mapuche qui s’opère. À cela s’ajoutent de constantes violences policières qui font l’objet de multiples rapports et de multiples dénonciations à l’échelle internationale.
Utilisant la fameuse politique « du bâton et de la carotte » avec d’un côté des politiques d’assistanat et folkloriques basées sur le clientélisme, véritable face cachée de la corruption au Chili, et de l’autre côté une politique répressive violente et disproportionnée, l’État chilien a décidé donc, avec l’appui des entreprises privées, d’utiliser des lois héritées de la dictature militaire. Que se soit la Loi de Sécurité Intérieure de l’État ou la Loi Antiterroriste, se sont des instruments juridiques qui ont été utilisés pour faire taire les revendications mapuches et stigmatiser des centaines de dirigeants comme terroristes.
Plusieurs cas emblématiques ont alors fait connaître le Chili sous un autre angle : celui des Lonkos [13], celui de Poluco Pidenco et celui de Victor Ancalaf [14]. Les condamnations, entre cinq et dix ans de prison, se sont référées à la menace terroriste, l’association illicite ou l’incendie terroriste. Alors que de nombreux vices ont été dénoncés pendant cette période, c’est bien sous la gouvernance du socialiste Ricardo Lagos que ces mapuches ainsi qu’une militante chilienne furent condamnés.
Sous la conduite de procureurs dédiés exclusivement au thème mapuche, c’est bien l’utilisation de la Loi Antiterroriste qui a fait débat : garde à vue prolongée, prison préventive pendant les investigations qui prennent parfois un voir deux ans, utilisation de « témoins sans visage » c’est-à-dire où la défense ne peut contre-interroger le témoin du fait de leur « protection » pour les bienfaits du procès, peines alourdies etc. C’est un véritable arsenal médiatique, politique et judiciaire qui a été utilisé pour réprimer la mobilisation et la contestation mapuche. Il faut aussi signaler que dans beaucoup d’autres cas, après avoir fait parfois deux ans de prison préventive, nombre de mapuches ont été déclarés innocents faute de preuve.
C’est aussi donc une politique de dissuasion qui a été menée par les gouvernements successifs de la Concertation dans le but de stigmatiser des dirigeants autochtones et de rassurer les puissants. C’est aussi donc une politique de dissuasion qui a été menée par les gouvernements successifs de la Concertation dans le but de stigmatiser des dirigeants autochtones et de rassurer les puissants lobbys économiques du pays lobbys économiques du pays. Peu à peu s’est construit un « droit pénal de l’ennemi » autour de la figure du mapuche (Villegas Díaz, 2008) ainsi que de leurs partisans.
Les recommandations de l’ONU sur l’utilisation de la Loi Antiterroriste
Entre les tribunaux militaires, les mapuches condamnés pour terrorisme, les violences policières, nombreux sont les organismes nationaux et internationaux qui ont dénoncé la répression policière et judiciaire des mapuches au Chili et condamné l’utilisation de la Loi Antiterroriste. À cela s’ajoutent les cas de jeunes mapuches tués lors de mobilisation de récupération de terres et où l’impunité a été en général de mise dans ce genre de situation [15].
En effet, du fait de la constitution de réseaux d’appuis qui se sont développés ces dernières décennies particulièrement en Europe, du travail de dénonciation sur internet des organisations mapuches et des rapports détaillés élaborés par plusieurs organismes de défense de droits humains et autochtones, force est de constater qu’il y a une meilleure visibilité de la situation mapuche à travers le monde. D’autre part, la constante criminalisation des peuples autochtones en Amérique latine, en Afrique et en Asie, fait que les organismes internationaux de protection des droits humains et des droits autochtones ont commencé à suivre de prêt la situation des peuples autochtones à travers le monde. Le développement du système international de protection des droits autochtones a vu la création de plusieurs organismes spécifiques sur ces questions ainsi que le développement d’un droit international autochtone.
En 1989, l’Organisation Internationale du Travail modifiait sa Convention antérieure pour approuver la Convention 169 concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, premier instrument international qui reconnait des droits importants aux peuples autochtones. Par la suite et avec l’année internationale des peuples autochtones (1993) et la décennie internationale des peuples autochtones déclarée par l’ONU (1995-2004), c’est la création d’un Rapporteur Spécial sur les questions autochtones qui voyait le jour en 2001, puis le Forum Permanent en 2002, enfin le Mécanisme d’Experts en 2008. Finalement, l’adoption para l’Assemblée Générale des Nations Unies le 13 septembre 2007 de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones après presque trois décennies de travaux marque définitivement une avancée sur la reconnaissance des droits des peuples autochtones à l’échelle internationale [16].
La visite du Rapporteur Spécial Rodolfo Stavenhagen au Chili en 2003 marque inévitablement un précédent. Cette mission officielle, qui fut d’ailleurs très médiatisée à l’époque, a permis de rendre visible d’importantes critiques sur la politique autochtone chilienne et d’installer un certain nombre de recommandations sur la scène publique. Ce n’était pas une organisation partisane qui les formulaient, mais bien un Rapporteur Spécial des Nations Unies avec toute la légitimité que lui incombait son mandat et en tant qu’expert de la question autochtone.
Son rapport [17] fut net et précis quant aux violations des droits humains et autochtones dans le pays. Il critiqua l’application de la Loi Antiterroriste dans le contexte de la mobilisation et de la contestation mapuche, appelant même à une amnistie des prisonniers mapuches. Dans le même sens, le Comité des Droits Économiques, Sociaux et Culturels [18] en 2004 et le Comité des Droits de l’Homme [19] en 2007 formulèrent des recommandations équivalentes à celles du Rapporteur Spécial, c’est-à-dire l’exigence de la non-application de la Loi Antiterroriste, une meilleure définition de la notion de terrorisme dans la législation chilienne [20] et la nécessité de reconnaitre les droits des peuples autochtones en accord avec la législation internationale en la matière [21].
Mais encore, en 2007, le Comité des Droits de l’Enfant [22] se préoccupait déjà de la situation des enfants mapuches victimes de violences policières lors des descentes de police dans les communautés. Les années suivantes, la situation n’a fait qu’empirer avec l’application de la Loi Antiterroriste à des mineurs mapuches, situation qui a été maintes fois dénoncée par des organismes locaux et qui a fait l’objet d’un rapport à la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme [23].
Finalement, en 2009, toute une série d’organismes des Nations Unies ont examiné la situation des droits humains et autochtones dans le pays, c’est-à-dire le Comité Contre la Torture, le Comité pour l’Élimination de la Discrimination Raciale et le Conseil des Droits de l’Homme avec le nouveau mécanisme d’Examen Universel. Dans leurs recommandations, ces organismes sont unanimes quant à l’utilisation de la Loi Antiterroriste dans le cadre de la mobilisation mapuche et réitèrent la non-application de cette loi ainsi que sa réforme urgente. De plus, ils coïncident sur la persistance de graves problèmes au Chili sur la question du respect des droits humains et autochtones. Dans le même sens, le Rapporteur Spécial James Anaya effectua une visite officielle en avril 2009 dans le but de faire le suivi des recommandations du Rapporteur Spécial antérieur, Rodolfo Stavenhagen, et réaffirma, entre autre, l’urgence de réviser la situation pénale des prisonniers mapuches en garantissant une procédure régulière, chose que la Loi Antiterroriste ne permet pas [24].
Les grèves de la faim comme mode d’interpellation
Alors que la Présidente Michelle Bachelet s’était engagée à ce que son gouvernement n’utilise pas la Loi Antiterroriste, cette promesse ne fut malheureusement pas respectée. Il est vrai que durant les deux premières années de son mandat, cette loi ne fut pas utilisée. Cependant, de nouveaux délits furent créés dans la législation chilienne comme par exemple le vol d’animaux ou abigeato, ce qui a permis de continuer avec la judiciarisation des demandes territoriales mapuches ainsi que la criminalisation du mouvement autochtone en général.
Face à la persistance et la continuité de pratiques judiciaires et policières en contradiction avec les discours du gouvernement chilien dans les instances internationales, plusieurs grèves de la faim ont été menées par des militants chiliens ou prisonniers mapuches. Rappelons celle de Patricia Troncoso [25] en 2007 et début 2008 qui dura 112 jours pour exiger de nouvelles conditions pénitentiaires, et les deux grèves de la faim menées par les prisonniers mapuches en 2010 et en 2011 pour dénoncer la constante criminalisation de leurs demandes, la violente répression policière et exiger la non application de la Loi Antiterroriste.
Malgré « l’omerta » des médias chiliens [26], l’impact de ces grèves de la faim a permis une meilleure prise de conscience de la situation mapuche au Chili, particulièrement à l’échelle internationale. C’est ainsi qu’en 2010, la grève de la faim de 34 [27] prisonniers politiques [28] mapuches a réussi à générer un débat parlementaires autour de cette loi et de l’engagement du gouvernement à ne pas l’invoquer, les peines furent prononcées en 2011 selon le code pénal classique chilien. Une plainte a été déposée à la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme.
Toute une discussion fut amorcée sur le caractère terroriste ou non de l’incendie et sur la prééminence de la justice militaire lorsqu’elle implique des civils. Malheureusement, si certaines avancées limitées ont été apportées, il n’en reste pas moins que le fond du problème n’a pas été résolu et que les recommandations des Nations Unies sont toujours d’actualité.
Conclusion
La tragédie de janvier 2012 avec un incendie de forêt qui coûta la vie à sept brigadiers forestiers nous rappelle malheureusement que l’utilisation de la Loi Antiterroriste reste un problème majeur au Chili et qu’elle recouvre un caractère éminemment politique. L’on observe que les mécanismes utilisés à la fin des années 90 et au début des années 2000 sont toujours en vigueur dans le Chili d’aujourd’hui et qu’ils se reproduisent de manière identique et préoccupante.
Chaque année, l’on constate la multiplication des descentes de police dans les communautés mapuches et les conséquences sociales et psychologiques que ces pratiques engendrent au sein même des familles mapuches, enfants, personnes âgées, femmes, dirigeants ou représentants. Cette judiciarisation du « conflit mapuche » est étroitement liée à l’exploitation des ressources naturelles et du fait que d’une manière générale, les autochtones s’opposent au modèle économique du pays et exigent la reconnaissance de leurs droits territoriaux.
D’autres procès impliquant des dirigeants mapuches sont en cours et à venir, dans un contexte de tensions aigues sur ces questions là dans le sud du pays. Plus encore, et dans des circonstances encore confuses et à éclaircir, lors d’une violente descente de police dans une communauté mapuche proche de la ville d’Ercilla, au nord de la capitale régionale Temuco, un carabinier vient de perdre la vie d’une balle dans le cou. Cette autre tragédie vient compléter un tableau déjà noir des relations entre mapuches, forces de police, État, entreprises privées et particulières.
La mort d’un carabinier présage un climat encore plus difficile dans les semaines et les mois à venir. Elle vient aussi masquer, pour un temps, la violence policière qui s’exerce à l’encontre des communautés mapuches et des mouvements sociaux en général. Car cette violence institutionnelle ne touche pas seulement que les communautés autochtones. L’on peut le constater avec le mouvement étudiant en 2011 ou encore les contestations sociales dans la région d’Aysen qui ont touché le Chili en début d’année 2012. La forte répression policière atteint un paroxysme peu égalé ces dernières années. C’est que le dicton « républicain » chilien a la vie dure : Por la razón o por la fuerza [29]. Il exprime bien la caractéristique première d’un pays qui a fait de l’institution militaire la colonne vertébrale de la société où l’ordre public et la protection de la propriété privée sont les fers de lance du néolibéralisme chilien.
Il est évident que les défis de démocratisation du pays sont multiples, entre un système politique binominal qui empêche une véritable participation citoyenne dans l’espace public et un système économique qui a privatisé les ressources naturelles et les institutions sociales que sont l’éducation ou encore la santé.
Les étudiants chiliens demandent une éducation gratuite et de qualité ; les mapuches et les autochtones en général la reconnaissance de leurs droits et la restitution de leurs territoires ; les citoyens chiliens une meilleure décentralisation et la garantie de leurs droits. Les blocages issus de la dictature persistent aujourd’hui, en n’oubliant pas la responsabilité de la Concertation dans le maintien d’un système qui lui a permis d’exercer le pouvoir pendant vingt ans. Si parfois il y a de grandes difficultés à établir des ponts dans une société encore bien divisée, il y a aujourd’hui un plus grand consensus pour exiger une nouvelle Constitution pour le pays et abroger celle écrite par la dictature militaire en 1980.
Au Québec, c’est une « révolution tranquille » qui a permis d’amener de profonds changements politiques et sociaux. Dans les pays arabes, c’est dans le sang et la répression que les citoyens ont dû lutter pour entrevoir un horizon plus démocratique. Quelle sera la voie empruntée par le Chili ? Il est légitime de se poser cette question au regard de la dette que les autorités chiliennes ont envers le pays.
Bibliographie :
- Asociación Chilena de Organismos No
Gubernamentales, ACCIÓN A.G., Observatorio Ciudadano, Declaración
publica. Acusaciones del gobierno y apelación a ley antiterrorista
anticipan nueva etapa de criminalización del pueblo mapuche, 6 janvier
2012 (www.observatorio.cl)
Correa M., Mella E., Las razones del illkun/enojo. Memoria, despojo y criminalización en el territorio mapuche de Malleco, Santiago de Chile, Ed. LOM, 2010.
- Fédération Internationale des Droits de l’Homme, Chile : la otra transición chilena. Derechos del pueblo mapuche, política penal y protesta social en un Estado democrático, Misión Internacional de Investigación, n° 455/3, Abril 2006.
- González Palominos, K, Ley Antiterrorista y burocracia penal en la criminalización de la protesta social mapuche en Chile, X Congreso Argentino de Antropología Social, Buenos Aires, 29 de Noviembre - 02 de Diciembre del 2011.
- Human Rights Watch, Observatorio de Derechos de los Pueblos Indígenas, Indebido proceso : los juicios antiterroristas, los tribunales militares y los mapuche en el sur de Chile, Human Rights Watch, v. 16, n° 5 (B), Octubre 2004.
- Le Bonniec F., La criminalisation de la demande territoriale mapuche, revue électronique Dial, 1er décembre 2006, CLIQUEZ ICI !.
- Observatorio de Derechos de los Pueblos Indígenas, Informe de la misión internacional de observación de la violencia institucional en contra del pueblo mapuche en Chile. El Caso de la comunidad de TemuCuiCui, Temuco, 2007.
- Observatorio Ciudadano (Comp.), Los derechos humanos en Chile : la evaluación de la sociedad civil, los pueblos indígenas y las Naciones Unidas, Temuco, Observatorio de derechos de los pueblos indígenas, 2009.
- Toledo Llancaqueo V., Prima ratio. Movilización mapuche y política penal. Los marcos de la política indígena en Chile 1990-2007, Buenos Aires, OSAL, CLACSO, Año VIII, Nº 22, septiembre 2007.
- Uranga Harboe, V., Las nuevas batallas de Chile, in Rabinovich E., Magrini A. L., Rincóm O. (Eds), « Vamos a portarnos mal ». Protesta social y libertad de expresión en América Latina, Centro de Competencia en Comunicación para América Latina, Bogotá, 2011.
- Villegas Díaz M. (Cood.), Derecho penal del enemigo y la criminalización de las demandas mapuche, Informe final de proyecto, Facultad de Ciencias Jurídicas y Sociales, Universidad Central, Santiago de Chile, octubre 2008.
La Chronique des Amériques Avril 2012 N°3
Notes :
[1] Travailleurs forestiers privés.[2] Le Chili reconnait aujourd’hui neuf peuples autochtones, dont le plus important est le peuple mapuche. Pour plus d’information sur les statistiques du pays voir :
Estadísticas sobre Pueblos Indígenas en Chile. Voir aussi les données statistiques de l’Enquête de Caractérisation Socioéconomique Nationale, CASEN : CLIQUEZ ICI !. En 2006, la population autochtone du pays est estimée à un peu plus d’un million de personnes, soit 6,6% de la population totale, dont 87,2% se déclarant mapuche.
[3] Premier Président de droite à être élu démocratiquement depuis la fin de la dictature de Pinochet. À noter que quatre gouvernements d’une coalition de centre-droit/gauche appelée la Concertation se sont succédés pendant les deux dernières décennies avant de perdre les élections en 2010
[4] Cette organisation mapuche née à la fin des années 90 a été considérée comme illicite par les différents gouvernements chiliens. Nombre de ses membres ont été accusés de terrorisme et emprisonnés.
[5] Voir la déclaration publique : Asociación Chilena de Organismos No Gubernamentales, ACCIÓN A.G., Observatorio Ciudadano, Acusaciones del gobierno y apelación a ley antiterrorista anticipan nueva etapa de criminalización del pueblo mapuche, 6 janvier 2012.
[6] Pour de plus amples informations socioéconomiques du pays, voir les données CASEN CLIQUEZ ICI ! ]
[7] A noter la similitude entre les législations québécoise et chilienne sur l’exploitation des ressources naturelles.
[8] CIDH, Informe Admisibilidad N° 9/02, Petición 11.856, Aucan Huilcaman y otros, Chile, 27 de febrero de 2002.
[9] ENDESA, d’origine espagnole, implantée depuis de longue date au Chili et aujourd’hui sous le contrôle de la multinationale italienne ENEL.
[10] Nécessitant l’accord de la CONADI pour exproprier les terres, le Président de la République de l’époque, Frei, révoqua deux directeurs de cette institution pour que le projet hydroélectrique soit enfin approuvé.
[11] Même s’il n’y a pas de chiffres exactes, il y est possible de mentionner plusieurs sources pour se rendre compte de l’amplitude de la situation : la Fédération Internationale des Droits de l’Homme dans son rapport de 2006 signale plus de 200 inculpés entre 2001 et 2003 pour des actes de mobilisation sociale ; Fabien Le Bonniec dans un article de 2006 mentionne près de 350 arrestations durant les cinq dernière années ; les rapports de l’Observatoire Citoyen traite chaque année plus de vingt cas graves de violations des droits humains ; enfin, le livre de Martin Correa et Eduardo Mella (voir bibliographie) publie une liste de 145 mapuches prisonniers entre 2000 et 2009 à cause de revendications territoriales et 40 mapuches accusés de terrorisme.
[12] Pour de plus amples détails sur la judiciarisation et la criminalisation, voir en bibliographie les rapports de Human Rights Watch en 2004, de la Fédération internationale des Droits de l’Homme en 2006 ou de la Mission d’Observation conduite par différents organismes chiliens en 2007.
[13] Chefs traditionnels mapuches.
[14] Ces trois cas ont fait l’objet de plaintes à la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme pour être ensuite réunis sous le cas N. 12.576 Norín Catriman y otros. En Août 2011, la Commission décida de présenter le cas à la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme.
[15] Nous pensons à Alex Lemun, tué en 2002 et où le Carabinier a été déclaré non coupable ; Matias Catrileo, tué en 2008 et où le Carabinier a été condamné à trois ans de prison avec sursis ; Enfin Jaime Mendoza Collio, tué en 2009 et où le Carabinier a été condamné à cinq ans de prison. Les procès ont été conduits par les tribunaux militaires. Ces condamnations contrastent avec les condamnations de mapuches qui ont été condamnés à cinq ou dix ans de prison pour des délits d’incendies terroristes, d’association illicite ou encore de menaces terroristes.
[16] À cela s’ajoute la jurisprudence de la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme sur les questions autochtones depuis plus d’une décennie.
[17] Rapport E/CN.4/2004/80/Add.3
[18] Rapport E/C.12/1/Add.105
[19] Rapport CCPR/C/CHL/CO/5
[20] En effet, la notion de terrorisme dans la législation chilienne reste floue puisqu’elle se réfère à des actes qui ont pour finalité de produire une peur au sein de la population.
[21] Le Chili n’avait pas encore ratifié la Convention 169 de l’OIT, chose qu’il fît en 2008 après 18 ans de processus parlementaire.
[22] Rapport CRC/C/CHL/CO/3
[23] Pour plus d’information sur la violence institutionnelle contre l’enfance mapuche, voir http://www.anide.cl/
[24] Pour une compilation des rapports alternatifs de différents organismes chiliens ainsi que des recommandations des Nations Unies, voir Observatorio Ciudadano (Comp.), Los derechos humanos en Chile : la evaluación de la sociedad civil, los pueblos indígenas y las Naciones Unidas, Temuco, Observatorio de derechos de los pueblos indígenas, 2009.
[25] Militante chilienne, elle fut condamnée à 10 ans et 1 jour pour menace terroriste et association illicite.
[26] A ce sujet, Rodolfo Stavenhagen mentionnait déjà dans son rapport les problèmes liés à la liberté d’expression dans le pays et recommandait aux médias en général une couverture plus équilibrée de la situation mapuche. Le Chili est caractérisé par une forte concentration des médias avec notamment le groupe Edwards qui est le principal groupe de communication du pays. La grève de la faim des prisonniers mapuches en 2010 a été occultée pendant de longs mois par l’évènement des 33 miniers bloqués à 700 mètres de profondeur dans le nord du pays. C’est au moment des festivités du Bicentenaire, en septembre 2010, et après plus de 60 jours de grève de la faim que les médias commencèrent à diffuser à l’échelle nationale la situation de ces mapuches. Voir en bibliographie Uranga Harboe, V., Las nuevas batallas de Chile, in Rabinovich E., Magrini A. L., Rincóm O., Vamos a portarnos mal. Protesta social y libertad de expresión en América Latina, Centro de Competencia en Comunicación para América Latina, Bogotá, 2011.
[27] Dans le cadre d’un procès emblématique au Chili, trois d’entre eux furent condamnés après un recours à la Cour Suprême à 8 ans de prison et un quatrième, le dirigeant historique Héctor Llaitul, à 14 ans de prison. La Loi Antiterroriste fut utilisée pendant tout le processus d’investigation, mais du fait des discussions parlementaires autour de cette loi et de l’engagement du gouvernement à ne pas l’invoquer, les peines furent prononcées en 2011 selon le code pénal classique chilien. Une plainte a été déposée à la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme.
[28] Selon Fabien Le Bonniec, c’est à partir de 1999 que les mapuches ont commencé à déclarer leurs prisonniers comme prisonniers politiques. Même si à cette époque là cette dénomination fît débat, aujourd’hui elle semble acceptée par la majorité des acteurs qui travaillent sur la question mapuche dans le sens où l’application de la Loi Antiterroriste relève avant tout d’une volonté politique.
[29] Par la raison ou par la force
Source : El Correo