vendredi 14 juin 2013

Nicaragua/Chine, un nouveau canal est-il nécessaire ?

Le canal « Daniel Ortega » 
contre 
le canal du Panama ?

Par Libres Amériques et dépêche de l’AFP

La Chine au secours du Nicaragua ? C’est un peu tout l'enjeu de ce projet gigantesque qui pourrait être signé d’ici quelques jours entre les deux pays, c’est-à-dire un nouveau canal de navigation pourrait voir le jour d’ici quelques années en Amérique centrale. Un concurrent du premier canal ou un développement utile pour le Nicaragua ? Que peuvent y gagner les Nicaraguayens et les économies locales ? Le président de « gauche » Daniel Ortega se serait-il vendu aux sirènes de l’économie globale ?

« Les travaux de 40 milliards $US seraient réalisés par un consortium chinois, mais plusieurs détracteurs du projet font remarquer que de nombreux détails importants - comme le trajet qu'emprunterait le nouveau canal - n'ont toujours pas été dévoilés. Les partisans du nouveau canal, de leur côté, affirment que le projet pourrait attirer 4,5 % du transport maritime mondial de marchandises et doubler le PIB par habitant du Nicaragua, un des pays les plus pauvres d'Amérique latine. »

Les questions sont nombreuses. En particulier, si l’on se réfère à ce qu’a pu être la construction du canal de Panama, qui de mémoire laissa en France un très gros scandale à son époque, pour des raisons de spéculations abusives et en rapport avec les milieux politiques et d’affaires. Mais l’affaire du canal de Panama fut aussi une affaire géopolitique de très grande importance et marqua en 1903 la séparation du Panama de la République colombienne. C’est ainsi que se construisit au 20ème siècle la domination économique et militaire des Etats-Unis dans cette région, quand se joue aujourd’hui une nouvelle emprise et l’existence d’un nouvel empire économique.

Comme l’histoire peut avoir tendance à balbutier, l’objet n’est de comparer, mais de prendre en compte un projet qui devrait retenir l’attention, car il est déjà l’objet de critiques des populations locales et à première vue il s’agirait d’un abandon de souveraineté qui ne colle pas vraiment au discours général de l’ALBA (Alliance Bolivarienne des Amériques). Mais ceci n’a rien d’étonnant de la part du président de cette nation.

Daniel Ortega peut se draper d’avoir été un révolutionnaire, mais depuis sa nouvelle présidence de 2006 (réélu en en 2011), il est devenu un converti au système ultra-libéral d’échange et ce n’est pas le premier accord qu’il signe des deux mains… Pour exemple, l’accord de libre-échange entre l’Amérique centrale et l’Union Européenne et d’autres accords commerciaux du même tonneau ne sont pas une surprise. Et si la Chine dispose de tous les moyens pour mener ce projet, ce peut-être une manne non négligeable pour un petit pays sans grandes ressources et qui est appelé à se développer.

Un tel projet ne peut pas être sans conséquences et va lever de nombreux problèmes, en premier écologiques, juridiques, stratégiques et ce que vont devoir subir les populations comme altérations et destructions du milieu ambiant. Les changements économiques de fond n’interviendront pas avant plusieurs années, et ce qui sera investi représentera un montant de plusieurs milliards d’euros ou de dollars. Quel parti vont en tirer les Nicaraguayens dans leur ensemble, c’est toute la question ?

Si le canal a un jour un impact positif sur les économies locales, il faut pouvoir le mesurer et s’assurer de minimiser les dommages, qui face à une telle entreprise laisse de gros doutes. Certes le Canal de Panama pourrait avoir un jumeau et facilité le transport mondial des marchandises par voie de navigation. Cela pourrait apporter au Nicaragua une dynamique et un certain prestige, et à la Chine de disposer d’une voie de navigation entre l’océan Atlantique et Pacifique, un atout pour la circulation de ses marchandises et un pied en Amérique latine.

« Six trajets potentiels ont été évoqués, dont cinq qui traversent le lac Nicaragua, mais on ne sait pas lequel a été retenu. Il faudrait au moins 11 ans pour creuser une voie maritime de 200 kilomètres, ce qui pourrait créer jusqu'à 40 000 emplois dans le secteur de la construction. Le gouvernement nicaraguayen prévoit accorder à la compagnie Chinese HK Nicaragua Canal Development Investment une concession renouvelable de 50 ans.

En vertu de cette entente, l'entreprise chinoise verserait au gouvernement 10 millions $US par année pendant la première décennie, puis commencerait à lui remettre un pourcentage croissant des revenus générés par le canal. Au terme de la concession, toutes les infrastructures deviendraient propriété du gouvernement du Nicaragua. » (Source Radio Canada)

Le canal « Daniel Ortega » ou du Nicaragua est-il vraiment nécessaire, c’est en fait l’ultime question à se poser ? Economiquement oui, socialement cela reste à prouver, et sur le plan environnemental c’est probablement une très lourde erreur et qui aura des conséquences sur le quotidien des populations et préfigurer de nombreuses luttes et conflits à venir.

A suivre !

Le Congrès approuve la concession d'un futur canal interocéanique

Le Congrès du Nicaragua a approuvé jeudi une loi attribuant à une entreprise récemment fondée par un avocat à Hong Kong la concession pour concevoir, réaliser et exploiter pendant un siècle un canal entre l'Atlantique et le Pacifique, dont le coût est estimé à 40 milliards de dollars.Le projet de loi a recueilli 61 votes favorables, 25 contre alors qu'un élu s'est abstenu.

L'accord avec HK Nicaragua Canal Development Investment Co. (HKDN) soulève une forte opposition de la part de certains secteurs politiques, économiques, écologistes ainsi que dans les rangs de communautés indigènes, qui estiment que le président Daniel Ortega (gauche) "hypothèque le Nicaragua" en faveur d'une "obscure" entreprise créée par "un entrepreneur chinois que personne ne connaît".

La loi autorise le gouvernement - qui entretient des relations diplomatiques avec Taïwan mais pas avec la Chine - à signer vendredi à Managua un accord de concession avec l'entreprise détenue par l'avocat Wang Jing, qui a en outre ouvert une filiale aux îles Caïman.

La loi concède à HKDN "le tracé, le développement, l'ingénierie, les accords de financement, la construction, la propriété, l'exploitation, l'entretien et l'administration" d'un canal entre les océans Atlantique et Pacifique.

Le projet envisage la construction d'un canal humide, de ports, d'un aéroport, d'un oléoduc et d'une ligne de chemin de fer ainsi que d'une zone franche.

Ce canal, pour lequel aucun tracé n'a été décidé, se situerait à moins de 600 kilomètres au nord du canal de Panama, par lequel transite 5% du commerce mondial, et qui fait actuellement l'objet de pharaoniques travaux d'élargissement.

Selon l'opposition, cette loi est "est anticonstitutionnelle, frauduleuse et préjudiciable aux intérêts "(du pays). "Nous offrons notre territoire à une entreprise étrangère qui peut le vendre ou le louer en morceaux", a déclaré le chef de l'opposition Eduardo Montealegre. M. Wang aura "tous les pouvoirs pour exproprier, confisquer, étendre, draguer et dévier les cours d'eau" au Nicaragua, a-t-il estimé.

Répondant aux critiques sur le manque d'expérience de l'avocat chinois en matière de travaux de grande envergure, son porte-parole au Nicaragua, le Bolivien Ronald MacLean, l'a comparé au directeur technique "d'une équipe de football qui peut être très bon sans avoir été lui-même footballeur". Le concessionnaire du canal fixera également les tarifs liés à son exploitation.


Sources : Agence France Presse et Radio Canada