le révolté plus vivant
que jamais
Par Amadou Lamine Badji
Si le poète Aimé Césaire avait vécu jusqu’au 26 juin 2013, il aurait eu 100 ans. C’est l’occasion de célébrer ce centenaire pour rendre hommage au chantre de la négritude à notre époque caractérisée par une mondialisation débridée où les peuples se ressemblent et se rassemblent au-delà des frontières nationales et continentales tout en souhaitant se singulariser à travers leurs identités propres. C’est comme si la vision des années 1930 de ces combattants du respect des différences culturelles était devenue une réalité tangible 80 années plus tard. Le racisme est maintenant combattu dans presque tous les pays du monde.
Mais des injustices restent, le verdict dans le procès de Trayvon Martin en témoigne (en photo ci-contre).
La dignité des hommes est maintenant bafouée dans des formes plus subtiles et nuancées, telles que les pressions économiques. D’où la nécessité de se mobiliser à nouveau pour combattre ce virus de l’oppression humaine, qui prend des formes différentes, au fil du temps.
Le succès du cri de Stéphane Hessel « indignez-vous », qui a eu pour réponse dans une certaine mesure - les Printemps arabes, brésiliens, et européens - est révélateur en ce sens.
Un retour sur la vie du poète engagé s’impose :
Né à la Martinique le 26 juin 1913, Aimé Césaire, poète et homme politique, est mort en sa terre natale, le 16 avril 2008, à l’âge vénérable de 94 ans. La poésie de Césaire est un grand cri de révolte contre la domination coloniale. Son œuvre, à la fois littéraire et sociologique, est une arme de combat contre la « chosification » des peuples noirs par la colonisation européenne.
C’est un phare pour la décolonisation de l’Afrique et la réhabilitation des cultures négro-africaines. Pour bien apprécier l’influence déterminante qu’Aimé Césaire, chantre du mouvement de la « négritude », a eue sur la décolonisation et la renaissance de l’Afrique et des Antilles après la Deuxième Guerre mondiale, il faut se replacer dans la situation coloniale de l’époque.Noel Kodia sur le Pangolin Afrik écrit :
Après avoir découvert les lettres en Martinique au lycée de Fort de France et à Louis-le-Grand à Paris, il fonde avec Léopold Sédar Senghor et Léon-Gontran Damas en 1939 “L’Etudiant noir” qui se présente comme une suite logique d’une autre revue de l’époque intitulée “Légitime défense”.
La même année apparaît son “Cahier d’un retour au pays natal” comme pour annoncer son retour au bercail dans une langue volcanique et pleine d’agressivité et qui va s’approfondir avec une colère légitime dans “Discours sur le colonialisme”.
Le texte met en relief l’itinéraire du poète nègre devant son destin de colonisé dont la thématique sera le nerf directeur de l’emblématique “Discours sur le colonialisme”. Dans ce cri de douleur, il ne se voit pas fils de certains royaumes africains comme le Dahomey et le Ghana.
Aimé Césaire et le combat pour la dignité humaine
Nicole sur médiapart écrit sur les défis que Césaire a rencontré sur son parcours :
Les écrits d’Aimé Césaire ne lui ont pas attiré les sympathies de l’Académie française qui, globalement, est de cette droite revancharde forte de ses certitudes et qui ne renie pas la conception de la civilisation qu’elle a infligée aux colonies, et qu’Aimé Césaire n’a cessé de dénoncer avec élégance et pertinence.
«…La France moutonnière aura préféré Senghor et ses mots fleuris, sa poésie de garçon-coiffeur, ses «versets», sa sotte imitation, pâlotte et ringarde, de Claudel, ses génuflexions d’acculturés et son culte imbécile d’une toute aussi imbécile civilisation de l’universelle et d’une bâtarde francophonie; au style de pur-sang, de révolté, d’écorché vif d’un Alioune Diop, d’un Gontran-Damas, d’un Césaire…
Aimé Césaire restera la mauvaise conscience de ce XXe siècle, de ces générations qui donnèrent au monde le contraire de ce qu’elles espéraient. Il aura été de toutes les luttes progressistes de son temps.
Il aura écrit, avec son Discours sur le colonialisme, le livre le plus concis, le plus fort sur ce thème. Il aura bâti la réfutation la plus solide de ce système. Il aura été un écrivain supérieurement doué, un humaniste sincère, généreux. (…) Césaire fut une leçon d’honnêteté, une leçon d’amour de la langue française, un maître en écriture, un traceur de route, une école de style -lui, si parfait pur-sang littéraire- un repère».Pour actualiser la démarche de Césaire, il est intéressant d’avoir le point de vue d’un écrivain contemporain comme Alain Mabanckou, Prix Renaudot 2006, interviewé par Grégoire Leménager sur le blog le Pangolin :
Alain perpétue en quelque sorte le travail des pionniers dans une démarche autocritique relativement objective et un style humoristique captivant. Il s’attaque aux stéréotypes passés et présents en montrant les différentes conditions de l’homme noir selon son lieu de résidence.
Le noir d’Amérique semblerait avoir mieux réussi à vivre sa citoyenneté en Amérique qu’en France et les africains de l’ouest différent de ceux du centre dans leurs perceptions de leur histoire et de leur présence actuelle au monde.
Source : Global Voices