s’exprime encore une fois
pour ses terres et ses forêts
Par Forest Peoples Programme
En avril et en mai 2013, le peuple wapichan du sud du
Guyana a fait parvenir des messages clairs au gouvernement indiquant
que toutes les exploitations minières et autres exploitations doivent
respecter ses droits fonciers coutumiers et observer le principe du
consentement libre, préalable et éclairé (FPIC).
Les villages wapichan ont désormais renoué le dialogue avec le
gouvernement concernant les mesures nécessaires pour reconnaître et
garantir leurs terres, notamment des plans pour l’établissement d’une
grande forêt communautaire dans le bassin du haut Essequibo. La vente aux enchères de mines soulève de graves inquiétudes.
En avril de cette année, des villages amérindiens du Rupununi du Sud
furent alarmés d’apprendre que le gouvernement national prévoyait de
privatiser des terrains miniers dans la région du haut Kwitaro, qui
possède une signification spéciale pour le peuple Wapichan en termes de
spiritualité et de moyens de subsistance. Cette zone est une zone à
haute valeur de conservation et fait partie de la demande d’extension de
titre foncier du village d’Aishalton (figure 1).
La zone des nouveaux blocs d’exploitation fait partie des terres
traditionnelles des villages du Rupununi du Sud et pourrait affecter les
terres et les ressources des villages voisins d’Aishalton, notamment
Achawib, Kraudar, Morora Naawa, Awarenao et Shii. Tous ces villages ont
cherché à obtenir la reconnaissance juridique formelle de leurs droits
de propriété sur les forêts et les savanes du haut Essequibo, déjà avant
l’indépendance de la Grande-Bretagne. Une demande formelle de
reconnaissance des droits fonciers a été faite dans des soumissions à la
Commission des terres amérindiennes (ALC) en 1967.
Manifestation de rue
Le peuple wapichan n’a découvert les projets d’extraction du
gouvernement que quelques jours avant la vente aux enchères formelle des
droits miniers par le gouvernement, qui s’est tenue dans une ville de
la région, Lethem, à la fin du mois d’avril.
Une fois l’information
diffusée, les villageois s’inquiétèrent du fait que le gouvernement
n’avait pas respecté son obligation de consultation et d’obtention du
consentement libre, préalable et éclairé (FPIC).
Malgré un préavis court, la population s’est organisée pour se rendre à
Lethem afin de descendre dans la rue, pour faire part de graves
préoccupations au sujet des effets des projets officiels d’exploitation
minière sur ses moyens de subsistance, terres, eaux et forêts.
Suite à cette action, une semaine plus tard, le 4 mai, le Ministre
des ressources naturelles a participé à une réunion dans le village
d’Aishalton, pour discuter de la vente aux enchères de mines avec les
villageois. Plus de 200 villageois de six villages amérindiens ont
participé à la réunion, y compris des anciens, des femmes, des jeunes,
des conseillers et des Toshaos, provenant des villages d’Aishalton,
Achawib, Karaodaznao, Awarewao, Morora Naawa et Shorinab.
Différents
groupes communautaires ont également participé à la réunion, notamment
des représentants de l’Association pour le développement des peuples du
Sud-Central (SCPDA), l’Association des tisserands de Rupununi, le Groupe
des femmes d’Aishalton et la Société de conservation du Rupununi du
Sud.
Un plaidoyer puissant en faveur du respect des droits fonciers
Les participants wapichan à la réunion ont fait des déclarations
vigoureuses appelant la Commission de géologie et des mines du Guyana
(GGMC) et le Ministère des ressources naturelles à respecter pleinement
leurs droits fonciers collectifs dans tous les plans et décisions
relatifs à l’exploitation minière dans le Rupununi du Sud et dans le
reste du pays.
Une habitante du village de Morora Naawa et membre fondatrice de l’Association des tisserands de Rupununi affirmait :
En tant que premier peuple du Guyana, nous n’avons jamais signé
de traité : nous n’avons jamais renoncé à nos terres ; nous les
possédons encore… le peuple du Rupununi du Sud a besoin d’un engagement,
que nos terres soient reconnues, tel que l’ont demandé nos aïeux.
S’adressant au Ministre, une autre femme wapichan, actuellement Présidente de l’Association des tisserands, a déclaré :
La forêt est notre hôpital, notre maison, notre supermarché. Elle
est notre université… Nous ne voulons pas de vos enchères ici. La terre
nous appartient, nous la gérerons ; nous pleurons pour elle. Nous ne
sommes plus des personnes stupides. Nous le peuple wapishana, un peuple
fort…
Les villageois ont expliqué que le bassin versant du haut Kwitaro
revêt une importance vitale pour les moyens de subsistance locaux et la
sécurité alimentaire, puisque des zones de pêche, de chasse et de
cueillette importantes sont situées dans la région concernée. Les
villageois ont également souligné leur solide attachement spirituel et
historique à la zone proposée pour des activités d’exploitation minière,
et appelé à des protections complètes des écosystèmes fragiles et des
zones d’importance culturelle.
Notre peuple a besoin que les problèmes soient abordés. Ces
problèmes concernent les répercussions environnementales de
l’exploitation minière dans la région du Kwitaro. Notre problème est que
les blocs d’exploitation proposés se situent aux sources du fleuve
Kwitaro, et que la population de cette région dépend du Kwitaro comme
source d’alimentation et d’eau. C’est elle qui souffrira des activités
minières dans cette région. Pourquoi la GGMC n’a-t-elle donc pas
consulté la population avant de mettre les terres aux enchères ? [Toshao, village de Morora Naawa]
Appel à des protections des droits et à un soutien à la forêt communautaire
Plusieurs participants ont rappelé au Ministre que les villages
wapichan ont déjà présenté un plan positif pour leur région au
gouvernement, comprenant des projets d’établissement d’une vaste forêt
communautaire conservée wapichan. Lors de la réunion, des représentants
du Ministère des affaires amérindiennes ont confirmé que le village
d’Aishalton avait en effet déposé une demande d’extension de son titre
en 2011, mais ont indiqué que le Ministère n’avait vu aucune carte de la
zone concernée. Cela a laissé les participants perplexes, puisque les
Conseils de village wapichan avaient présenté un plan d’occupation
des sols avec des cartes directement au Ministre des affaires
amérindiennes début 2012.
Les participants ont demandé comment la GGMC
avait pu distribuer des droits d’exploitation minière alors qu’elle
devait inévitablement savoir que la zone concernée fait partie de terres
amérindiennes faisant l’objet d’une demande de titre :
Le peuple wapishana n’a été informé du fait que notre terre
faisait partie des blocs mis aux enchères que trois jours seulement
avant la mise à disposition de la terre. Pourquoi le Ministère des
affaires amérindiennes n’a-t-il pas consulté le Ministère des ressources
naturelles sur cette question, alors qu’il savait que la question des
extensions entrait en jeu ? Comment se fait-il que la GGMC ait dit
qu’elle n’était pas informée du fait que les blocs se trouvaient sur les
zones d’extension wapishana ? [Représentante du groupe des femmes d’Aishalton]
Promesse de dialogue
En réponse à ces vigoureuses interventions, le Ministre a informé
l’assemblée qu’aucun autre bloc d’exploitation ne serait vendu aux
enchères dans la région concernée. Les participants ont salué cette
promesse, mais ont également appelé le gouvernement à fournir de solides
garanties pour que tout bloc d’exploitation déjà cédé lors du processus
d’enchères fin avril soit entièrement révoqué et que l’intégralité de
la terre, et pas uniquement les blocs qui n’ont pas encore été
enregistrés, soit restituée à la communauté.
Le gouvernement n’a pris aucun engagement quant à cette dernière
demande, et a à ce jour uniquement promis d’examiner les « arrangements »
relatifs aux blocs d’exploitation et de tenir d’autres réunions avec
les villages concernés.
Un nouveau dialogue avec le gouvernement est prévu ce mois-ci. Les
communautés continuent à travailler de concert pour tenter de persuader
le gouvernement de suspendre tous ses projets d’exploitation minière
néfastes, pour garantir les droits fonciers communautaires et pour
mettre en place des mécanismes robustes de consentement libre, préalable
et éclairé (FPIC) dans toutes les décisions de la GGMC et du Ministère des ressources naturelles affectant les terres et forêts amérindiennes.
Conflits miniers en cours
Alors que les communautés restent dans l’attente de nouvelles
réunions avec le gouvernement, des plans d’exploitation minière
controversés dans la région de la montagne de Marudi continuent de
soulever des inquiétudes.
En juin, le groupe des femmes d’Aishalton et
d’autres villages a mené une action pacifique directe en formant une
chaîne humaine autour d’une grande excavatrice qui traversait les terres
villageoises sans consultation préalable adéquate du village. Après que
la police fut envoyée sur le lieu de la manifestation et que la
compagnie minière impliquée ait accepté de dialoguer avec le village sur
les droits à la terre et aux moyens de subsistance, les villageois ont
permis que la machine minière puisse passer.
Par ailleurs, des membres
clé de la communauté participant à l’organisation d’actions visant à
contester l’exploitation minière sont devenus la cible d’une campagne de
dénigrement et d’intimidations dans la presse nationale dirigée par le
gouvernement. Des leaders communautaires ont réfuté de fausses
allégations et envisagent maintenant une action en justice contre les
journaux concerné.
Wapichan film de Forest Peoples Programme.
Pour plus d’informations :
- « Le peuple wapichan du Guyana présente la carte des territoires et les propositions de la communauté pour sauver les forêts ancestrales » Bulletin d’information du FPP, février 2012
- « Le peuple Wapichan du Guyana conclut des accords communautaires pour la protection des forêts ancestrales »
Source : FOREST PEOPLES PROGRAMME