l’inquisiteur homophobe
et
affinités néo-nazies
Par Lionel Mesnard
Cet article aurait pu se limiter à la reconnaissance des
unions homosexuelles en Colombie par la Cour Constitutionnelle, mais il existe
toujours dans ce genre de situation concernant l’égalité les couples hétéros et
homos, des personnages prenant la tête d’un l’ordre moral et la défense des
causes les plus perverses. En Colombie, le Président du Tribunal Suprême de
Justice a pris la tête de la fronde contre la reconnaissance devant les
notaires des unions homosexuelles et plus encore. Monsieur Alejandro Ordóñez
est à lui seul un concentré pouvant rallier tout ce que l’on fait de bigot
obscurantiste et d’ultra-droitier, et surtout met en lumière la pensée de ceux
qui en Colombie oeuvrent contre la paix.
Si l’on pouvait dépeindre en quelques traits ou mots Alejandro
Ordóñez (en photo), voici ce que l’on peut en penser : un croyant ultra-réactionnaire
homophobe et partisan de la guerre et notamment contre l’émergence d’une
véritable démocratie en Colombie. Et pour souligner un trait caractéristique,
qui avait attiré l’attention de l’hebdomadaire Semana en avril 2013 (1), un
fait finalement pas vraiment étrange furent ses « affinités » avec
l’ancien chef, décédé des néo-nazis locaux, ce dernier connu pour son
engagement dans le paramilitarisme dans la région très conflictuelle du
Magdalena Medio.
Mr Ordóñez est un magistrat fait d’une seule pièce, tranché
et pour le débat se vautrant dans l’insulte à caractère sexuel pour
déstabiliser ses détracteurs, en bref un grossier personnage. Nous, nous
trouvons-là avec un pathos chargé, un concentré utile pour saisir les
contradictions d’une société en proie à des formes d’ultra violence ou les mots
participent d’une danse macabre. Il a tout de ces accusateurs aux accents de la
« sainte inquisition » et au prix du sang et des larmes, il est en
quelque sorte un vestige d’un ordre moral très lointain et toujours très actif
en Colombie.
Alejandro Ordóñez est issu du parti conservateur, il a connu
une carrière notamment dans l’administration judiciaire colombienne, il est
devenu Procureur Général de la République à la troisième présentation de sa
candidature et il a été élu à la majorité simple. Il provoqua à son élection
une forte controverse n’en finissant pas de rebondir ou de faire son œuvre de
boule puante. Le procureur général élu en septembre 2012 à la tête du Tribunal
Suprême de Justice (TSJ) depuis ne cesse de se faire remarquer par ses
déclarations et frasques en tout genre. (2)
« Que les personnes qui sont proches de FARC sortent
des chiottes ! » ou bien que Gustavo Petro (maire de Bogota) aurait
selon lui consommé des hallucinogènes, ceci en raison de l’ouverture de lieux
pour les toxicomanes dans la capitale, sont les petits mots doux que fait
circuler le procureur général pour faire passer ses messages. Dans le premier
cas, la sortie des « chiottes » peut s’apparenter à un appel au
meurtre.
Il ne faut pas oublier que la Colombie vit au rythme des
assimilations faciles, toute critique de l’ordre moral ou politique peut se
solder par des menaces et le plus souvent par une admonestation du type :
vous êtes un terroriste. Mais pas seulement, si vous êtes un acteur social ou journaliste, et
que vos propos nuisent au bon ordre de la société ou à des intérêts
économiques, vous pouvez vous dire que vous êtes en danger, et qu’un
paramilitaire ou un tueur à gage peut surgir en tout lieu et vous abattre de
sang froid.
Le procureur général Alejandro Ordóñez est un personnage qui
n’est pas très difficile à cerner, il représente ce que la Colombie peut
connaître de pire en vulgarité, à un niveau qui confine avec les caniveaux, ou
l’insulte fuse au gré de l’actualité de son pays. A ce niveau de responsabilité
et d’autorité, on imagine normalement mal un si haut dignitaire de la justice
de l’Etat prendre position si vertement, et pourtant en ce domaine Mr Ordóñez
passe régulièrement le « mur du çon » (en référence à une rubrique du Canard Enchaîné).
Est-il admissible qu’il puisse dire en des termes crus - que
le gouvernement et son président Juan Manuel Santos - « sont entrain de nous la mettre avec de la
vaseline », c’est-à-dire : la
Paix ou son processus en cours ? Sachant qu’Ordóñez, n’a ni plus ni moins
aussi demandé l’annulation des différentes décisions de la Cour
Constitutionnelle sur les unions homos, en tant que premier magistrat du TSJ.
Ce mélange des genres est injustifiable et plus que condamnable
Récemment, il a soulevé l’indignation jusque dans les rangs
de ses comparses procureurs et notamment au sein de la communauté LGTB, qui se
bat pour une reconnaissance des couples homosexuels et des droits à l’union. Un
petit cataclysme dans une nation ou la haine des homosexuel-le-s et le machisme
ne font qu’un, et il n’y a rien de très surprenant, qu’un tel personnage puisse
défrayer la chronique, quand on connaît le niveau d’atteinte et de violence
contre les communautés LGTB et Intersexués dans cette partie du monde.
Pour précision, le problème n’est pas que colombien et la
décision intervenue depuis la fin juin est même une belle avancée du droit
quand on connaît les pesanteurs et les carcans normatifs de la morale régionale
ambiante. La Cour Constitutionnelle de Colombie, (l’équivalent du Conseil Constitutionnel
français) a expressément demandé aux parlements de légiférer sur les unions
homosexuelles, le 30 juin 2013 (3), sachant que dès à présent et suite à cette
décision, les couples homos peuvent faire acte devant un notaire. Une petite
révolution et un début de victoire d’un état de droit qui ne demande qu’à
être !
Pas à pas la Colombie va être dans l’obligation de
reconnaître les unions et pas seulement hétérosexuelles, comme aujourd’hui dans
un nombre non négligeable de pays démocratiques, où les unions au sens large
sont appliquées. En Colombie, cela ne peut qu’aussi agiter ou attiser les
haines des mêmes, qui depuis des décennies sèment la terreur dans tout le pays.
Les « affinités » de Mr Ordóñez avec des composantes néo-nazis
du paramilitarisme, laisse songeur, quand on sait qu’il fut Procureur général
du Santander, une des régions les plus touchées dans l’histoire de la guerre en
Colombie. Et étonnante coïncidence.
Ainsi resurgit l’aspect plus que venimeux de la
« para-politique » (terme désignant les liens entre des politiques et
le paramilitarisme), comme transpirant encore à pleine goutte le malaise non
éteint des années noires de la présidence
d’Alvaro Uribe (2002-2010). Nous pourrions, ne pas nous étonner de
décrire le phénomène aujourd’hui comme l’effet d’une approche de
la justice sous l’angle « paramilitaire et inquisitoriale », et qui
sait criminelle au sein même des instances suprêmes de la justice
colombienne ? Mais heureusement le président du TSJ ne fait pas
l’unanimité dans les professions et les hautes sphères judiciaires et provoque
dans la société civile quelques nausées et peurs plus que compréhensibles.
Mr Ordóñez est le composé de ces « féodaux » qui
ont agi depuis des siècles en Colombie et imposés un ordre social et politique
digne des temps médiévaux les plus sombres, comme le met en avant dans sa
chronique une jeune journaliste et blogueuse colombienne. (4) Un récent sondage
d’un institut IFOP en Colombie donnait un jugement plus que négatif sur le
fonctionnement de l’appareil judiciaire colombien, 71% des sondés n’ont pas
confiance en son système et 52 % en son actuel Procureur Général. Certaines
voix se sont élevées pour que ce personnage abject s’en aille. Le tragique
derrière tout cela, c’est de voir une telle caricature à ce poste important.
Mais, il y a aussi un espoir fort pour que la paix entre
dans un processus irréversible, et que cette guerre civile vieille depuis 1948
en finisse. Pour cela, il faudrait que cesse ce type de discours ténébreux,
empreints de violence et de haine, que connaît que trop bien l’appareil
répressif de l’état et ses tueurs patentés. En cause dans la mort de très
nombreux civils (80% des victimes de la guerre sur les aux moins 220.000 morts
des 50 dernières années), et que récemment le Président Santos a publiquement
reconnu. Mais les crimes d’état n’ont pas pour autant cessé et c’est cette
contradiction qu’il va falloir pouvoir dépasser et mettre au placard. Notamment
en reconnaissant aux mouvements sociaux leurs droits de manifester, de
revendiquer, sans devenir les cibles de l’ESMAD ou de l’armée colombienne.
Deux mouvements sociaux significatifs ont émergé en juin et
juillet 2013 autour de la question des petits paysans du Catacumbo et des
petits mineurs de Marmato. Où les voies du dialogue sont difficiles à
établir et demande une pugnacité certaine aux acteurs sociaux, cibles
privilégiés des tirs, au sens propre des réalités colombiennes, faut-il
souligner. La démocratie est à ce prix et comme l’explique William Ospina, qui n’est
ni plus ni moins la voix d’une Colombie consciente et demandant à pouvoir
exercer ses droits comme au Brésil ou en France (5).
Un Paix et une démocratie, que seul saint Thomas pourrait
illustrer en un « je ne crois que ce je vois », et en l’état si la
paix s’approche, la démocratie et la justice sociale et économique doivent en
être les fondements. Si les Colombiens aspirent de plus en plus à vivre et
s’exprimer librement après des décennies de terreur, c’est un processus lui
aussi plus que nécessaire pour que toutes les forces vives de ce pays abordent
le siècle présent, sans être des victimes silencieuses et violentées chaque
jour par les différents pouvoirs s’affrontant pour la drogue ou les
territoires.
Si par hasard, il vous venait à trouver de petites
similitudes entre ce qui s’est passé ces derniers temps en France avec des
groupuscules nazillons ou ultra-droitiers et la question du mariage pour tous,
à vous d’envisager l’amplitude dans un pays en guerre, ou le machisme et
croyances font bon ménage… Et le tout sur un volcan non éteint ou toujours en
activité.
Pour conclure sur le proc. Ordóñez, c’est que la
contamination des esprits libres tant décrié par cette logique proprement
fasciste puisse faire son chemin et faire entendre une autre idée de la
Colombie. Quand la question est posée de savoir si la Colombie vit encore aux
âges sombres du Moyen-âge ? Avec un personnage si caricaturale, et miroir
de cette société, il n’y a pas à douter qu’il en reste de fortes émanations et
que les terres agricoles et minières actuelles et potentielles sont au centre
d’un enjeu capitalistique ou financier considérable.
L’économie au service de tous, un développement partagé et
la loi sont les clefs de voûtes du
futur des Colombiens, et certainement pas un système qui fait de la Colombie le
troisième pays le plus inégalitaire au monde. S’il advenait un retour en
arrière ou à toujours renouer avec
les fondamentaux du passé, c’est-à-dire imposer des dogmes et garder tout à
soit au mépris du plus grand nombre, ce « féodalisme » meurtrier ou
les maîtres de guerre agissent et sévissent en Colombie depuis le 16° siècle n’est pas près de finir.
Et nous sommes loin d’un « âge d’or » à la lecture
de tels propos : « Je
dirais par exemple que les avocats sont le produit de la Révolution Française,
lentement progressant jusqu’à un état d’orgie de droits » et que « la
situation que nous rencontrons a été lentement introduite en nous, tout au long
de 3 siècles (Ndt sous-entendu depuis les Lumières…), jusqu’à nous fragiliser
mentalement et nous faire croire en toutes ces merdes et sottises que les
romantiques nous ont inculquées. ». (6)
Notes du texte
Les liens de 1 à 4 et 6 sont en en espagnol, la note n°5 est en
français :
(1) L’héritage du nazi, SEMANA hebdo,
cliquez ici !
(2) Les références sexuelles du Procureur Ordóñez, SEMANA
Hebdo, cliquez ici !
(3) Le Cour reconnaît comme famille les couples de même
sexe, EL ESPECTADOR, cliquez ici !
(4) Le procureur Ordoñez et la renaissance Moyenâgeuse Colombienne, KIEN y KE, cliquez ici !
(5) Forte protestation paysanne et heurts violents dans le
Catatumbo : Que se trame-t-il derrière tout cela ?,
Libres Amériques, cliquez ici !
(6) Le projet politique des néo-nazis, El Espectador,
cliquez ici !