lundi 5 août 2013

Amérique latine, chiens errants et le néant de la presse ?

Chien « errant » 
ou 
maître de sa destiné ?


Par Ivan de la Pampa

On peut être surpris par ce genre de nouvelles venant prendre place au cours de l’été et reflet d’une presse qui n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Un chien errant de Bogota a en effet été l’objet d’un article du quotidien El Espectador (1), et ce qui a été possible d’en lire en français n’est qu’une partie de l’article, quelque chose de finalement limitée, pour ne pas dire abusif, tant la ficelle à tirer est facile et d’une simplicité enfantine. Pourquoi soudain cet engouement pour les chiens colombiens ou chiliens ? Si ce n’est la bonne bouille de cet animal en photo et la sympathie que l’on peut éprouver pour ces quadrupèdes à poil long ou court. Mais à creuser dans l’émotion, l’on fait face à un vide certain, et à se jouer d’un piège à lecteur, qui sait si l’on ne débouche pas sur le néant de l’information ? 

Il faudrait faire entrer ce genre d’article au sein d’une rubrique émotion et ne pas chercher le rationnel de la chose, la moiteur des temps présents pousse certains cerveaux à se mettre en repos. Mais chacun étant libre d’écrire ce qu’il ou elle entend, après ce que l’on nomma la rubrique des chiens écrasés, lançons-nous dans le récit des chiens errants. 

J’ai même plusieurs histoires à raconter, dont une, sur comment un chien et de plus latino est resté un souvenir assez révélateur de ce que nous appelons comme  « errant », qui ne soit en réalité que la vie des chiens et de gens, qui finalement font face à leurs destinés sans se préoccuper du reste et s’accommodant de leur errance, parce que probablement nomade.

Toutefois si l’envie de pester est manifeste, c’est surtout que nous avons eu au droit, il y a peu aux chiens errants de Santiago du Chili à diverses sauces, pour se demander, mais à quoi rêvent les journalistes ou ceux qui font le métier d’écrire sur le tout venant ? Et qui sait raté l’essentiel.

Comme si cette chronique canine sur Bogota était vraiment l’information centrale de ce qui se passe actuellement en Colombie (ou par ailleurs avec le mouvement étudiant chilien), un article en apparence dans le plus pur jus anecdotique, mais aussi une fenêtre sur le quotidien des habitants de Bogota et le fameux Transmilenio, le pire service de bus à grande échelle ou pour une capitale que l’on ait pu imaginer, mais bon passons.

Il faut surtout faire avec l’apparente paresse, parce qu’il aurait été plus audacieux de le traduire dans sa totalité, que d’extraire quelques impressions sur un chien vagabond et venir remplir un vide dans les actualités estivales francophone sur Internet. C’est même, à la limite indécent et difficilement justifiable, quand ces derniers temps différents articles de ce même journal mettent en relief des changements importants en Colombie, pour lesquels le blog Libres Amériques sera un des rares à faire le travail d’information et sans les moyens des grands organes de presse.

Chronique de mes chiens errants...

Des souvenirs, aussi me revenant de chiens errants, notamment aux Antilles et à Caracas et ayant été amené à rencontrer plusieurs fois dans ma vie et à faire face à des circonstances étranges. Voilà l’histoire, de comment se produisit la rencontre avec un superbe chien noir de taille moyenne et au poil touffu, qui avait su et je ne sais plus par quel miracle rencontrer les pas de deux amis français dans les quartiers de l’ouest de la ville de Caracas. Ce chien sans nom, sans appartenance, suivra ainsi nos amis des jours entiers et ce jusqu’à presque leur départ du pays.

En toute circonstance, l’on pouvait retrouver nos amis déambulés, dont un nouvellement à quatre pattes, dans la capitale comme faisant part d’un ensemble familier, des presque inséparables…Nous en avons ri et beaucoup plaisanté, tant il y avait quelque chose de particulier dans l’attitude de ce chien noir à les suivre de la sorte à pied, voire dans les transports en commun. Il s’imposera à sa manière dans le groupe et puis un jour a disparu, comme il était apparu.

Il nous est arrivé depuis de parler à son sujet et en réfléchissant bien était-il vraiment, c’est-à-dire qu’un simple animal « errant », comment ce chien arrivait-il ainsi à se lier d’amitié et devenir durant un temps accepté par tous et puis continuer son chemin ? Sa force n’était pas en soit d’avoir été capable d’amadouer des étrangers de passage, mais au final d’être devenu un intime, une marque, un repère au sein du groupe et dans une ville que nous ne connaissions pas.

Ce genre de souvenir est impérissable et le graver dans le marbre d’un écrit un plaisir manifeste. Et cela va de soit d’émotions agréables pour des moments passés dans des circonstances pas toujours simples. Ainsi un animal, chat, chien pouvait venir prendre une place énorme dans un univers quelque peu chaotique et humain et laissant ainsi une trace très poétique de leur passage dans nos vies.

Mais au-delà, de quelle errance parlons-nous ? 

De la leur, de la nôtre ? Non, ce chien noir avait quelque chose d’aristocratique, tant sa vie semblait motiver ou guider par ses envies du moment et ce qu’il y a probablement de plus fort, c’est cette capacité à se remettre en route et de partir vers de nouvelles aventures. Mais à vouloir attribuer à un chien nos propres perceptions, nous nous égarons, et ce type de récit ne doit pas nous éloigner des réalités un peu plus pesantes des pays concernés.

Mais aussi royaliste que le roi en ce domaine, ou plus cartésien tu meurs… Oui, le réalisme magique existe en Amérique latine existe et l’on peut même le rencontrer. Mais concernant ce chien de Bogota prenant le bus, c’est un peu le reflet de notre propre néant. De la vacuité de la presse hexagonale, quand il s’agit de traiter de questions internationales ou d’une situation ou l’humain semble au final le grand oublié.

Des récits sur le plus fidèle ami de l’homme sont légion, et nous sommes tous amenés dans notre existence à rencontrer un animal perdu, abandonné ou errant, à projeter un certain rapport de nous même sur une situation qui au final nous échappe, parce que cela n’est que pure projection.

L’attachement aux animaux n’est pas un crime, mais quand cela vient remplir un vide, quand par ailleurs il s’agit d’un trop plein, il reste dans ce cas à prendre la fuite dans l’imaginaire pour ne pas en supporter l’indigne, le ridicule de la chose. 

Pour un chien, combien d’enfants, de femmes, d’hommes et parfois de véritables « zombis » ou errants de l’inégalité de ce pays et de la capitale colombienne, eux n’auront pas droit à la moindre photo et pas à une ligne d’article. Et pourtant que de destins brisés, d’histoires d’errances non fantasmées. Mais le sujet est lourd, il peut répugner ou montrer le niveau d’ignorance sur la condition humaine en Colombie. 


Note :

(1) El perro que tiene en jaque a la Corte (Le chien qui a mis en échec la Cour), cliquez ici !