lundi 12 août 2013

Saint-Domingue, globalisation et voisinage difficile

Où est l’essentiel 
dans les relations 
haïtiano-dominicaines ?



Par Wooldy Edson Louidor

 La décision des autorités haïtiennes d’interdire l’importation des produits avicoles, en provenance de la République Dominicaine, marque définitivement un nouveau tournant dans les rapports entre les deux pays. Depuis que l’État haïtien a pris cette décision, au début du mois de juin 2013, en raison de l’existence de foyers d’infections respiratoires en République Dominicaine, les rapports entre les deux pays ont fait l’objet d’analyses, d’évaluations, de bilans et de perspectives pour l’avenir. En République Dominicaine, le dossier est sous le feu des projecteurs, de façon beaucoup plus intense.

Intellectuels, organisations de droits humains, commerçants, prélats de l’église catholique, hommes et femmes politiques, médias, citoyens ordinaires, presque tous les secteurs du pays voisin sont intervenus sur le dossier, mettant en scène un large spectre de discours, opinions, positions, recommandations.

C’est comme si Haïti ne pouvait provoquer un tel remous en République Dominicaine qu’en affectant les intérêts commerciaux de son pays voisin.

Les migrants haïtiens et leurs descendants apportent une grande contribution au pays voisin, surtout dans le domaine de l’agriculture, l’économie de services, la construction, etc. Cependant, ils ne sont parvenus qu’à provoquer l’indifférence d’une grande partie de la population dominicaine, voire la haine de quelques groupes anti-Haïtiens et ultra-nationalistes. Rien de plus !

La violation systématique des droits humains des migrants haïtiens, au quotidien et au cours des déportations, et la dénationalisation de leurs descendants - comme politique d’État en République Dominicaine - semblent ne pas avoir eu la même intensité d’impact que ce contentieux commercial.

Des voix dominicaines vont jusqu’à recommander l’intervention de l’Organisation mondiale du commerce (Omc) contre « l’affront » haïtien.

Certains se demandent : Où est l’essentiel dans les relations haïtiano-dominicaines ?

La réponse est évidente : les échanges commerciaux bilatéraux ou, mieux encore, l’accès libre au marché haïtien pour les produits dominicains.

La doctrine du libre-échange fonctionne comme un principe absolu et universel qui s’impose au-delà des frontières, de la souveraineté nationale, voire des conflits historiques. Le commerce, comme l’argent, n’a pas d’odeur ni de couleur.

À la différence des êtres humains, principalement les migrants pauvres ou vulnérables, dont le visage exprime clairement leur nationalité, leur lieu de provenance (ils ne sont pas d’ici) et commande une manière de les traiter, en vertu de la souveraineté de l’État, de sa Constitution politique, de sa législation et sa politique en matière d’immigration.

Les relations entre Haïti et la République Dominicaine ne font que reproduire, d’une certaine manière, la dynamique de la globalisation néolibérale, où les frontières, l’inhospitalité et la discrimination n’existent que pour des êtres humains (surtout les pauvres) et non pas pour les marchandises ni pour le marché.


Source : AlterPresse (Haïti)