dans les relations
haïtiano-dominicaines ?
Par Wooldy Edson Louidor
La décision des
autorités haïtiennes d’interdire l’importation des produits avicoles, en
provenance de la République Dominicaine, marque définitivement un
nouveau tournant dans les rapports entre les deux pays. Depuis que l’État haïtien a pris cette décision, au début du mois de
juin 2013, en raison de l’existence de foyers d’infections respiratoires
en République Dominicaine, les rapports entre les deux pays ont fait
l’objet d’analyses, d’évaluations, de bilans et de perspectives pour
l’avenir. En République Dominicaine, le dossier est sous le feu des projecteurs, de façon beaucoup plus intense.
Intellectuels, organisations de droits humains, commerçants, prélats
de l’église catholique, hommes et femmes politiques, médias, citoyens
ordinaires, presque tous les secteurs du pays voisin sont intervenus sur
le dossier, mettant en scène un large spectre de discours, opinions,
positions, recommandations.
C’est comme si Haïti ne pouvait provoquer un tel remous en République
Dominicaine qu’en affectant les intérêts commerciaux de son pays
voisin.
Les migrants haïtiens et leurs descendants apportent une grande
contribution au pays voisin, surtout dans le domaine de l’agriculture,
l’économie de services, la construction, etc. Cependant, ils ne sont
parvenus qu’à provoquer l’indifférence d’une grande partie de la
population dominicaine, voire la haine de quelques groupes anti-Haïtiens
et ultra-nationalistes. Rien de plus !
La violation systématique des droits humains des migrants haïtiens,
au quotidien et au cours des déportations, et la dénationalisation de
leurs descendants - comme politique d’État en République Dominicaine -
semblent ne pas avoir eu la même intensité d’impact que ce contentieux
commercial.
Des voix dominicaines vont jusqu’à recommander l’intervention de
l’Organisation mondiale du commerce (Omc) contre « l’affront » haïtien.
Certains se demandent : Où est l’essentiel dans les relations haïtiano-dominicaines ?
La réponse est évidente : les échanges commerciaux bilatéraux ou,
mieux encore, l’accès libre au marché haïtien pour les produits
dominicains.
La doctrine du libre-échange fonctionne comme un principe absolu et
universel qui s’impose au-delà des frontières, de la souveraineté
nationale, voire des conflits historiques. Le commerce, comme l’argent,
n’a pas d’odeur ni de couleur.
À la différence des êtres humains, principalement les migrants
pauvres ou vulnérables, dont le visage exprime clairement leur
nationalité, leur lieu de provenance (ils ne sont pas d’ici) et commande
une manière de les traiter, en vertu de la souveraineté de l’État, de
sa Constitution politique, de sa législation et sa politique en matière
d’immigration.
Les relations entre Haïti et la République Dominicaine ne font que
reproduire, d’une certaine manière, la dynamique de la globalisation
néolibérale, où les frontières, l’inhospitalité et la discrimination
n’existent que pour des êtres humains (surtout les pauvres) et non pas
pour les marchandises ni pour le marché.
Source : AlterPresse (Haïti)