dimanche 25 août 2013

Chili, les Mapuches invisibles dans la campagne électorale

Les Mapuches 
absents 
de la campagne 
présidentielle 2013

Par Javiera Munoz · Traduction de Henri Dumoulin 

Le panorama social du Chili, ces derniers mois a été envahi par une campagne politique, une avalanche de propositions venant de diverses coalitions qui entendent capter le vote des citoyens durant  l’élection présidentielle du 17 novembre 2013. Fait sans précédent pour le pays, des élections primaires ont eu lieu et les deux coalitions politiques les plus importantes du pays, la Nouvelle majorité et l'Alliance, ont élu les candidats qui les représenteront à l'élection présidentielle de novembre. Avant ces élections sont prévus des débats pour que chacun des présidentiables puissent exposer sa position sur des thèmes comme l'éducation, la délinquance, le chômage, les couples homosexuels mariés ou non mais… quid de ce que l'on appelle le “conflit mapuche” ?

“Conflit mapuche”: c'est le terme utilisé pour décrire les différents affrontements qui ont lieu depuis le rétablissement de la démocratie en 1990 entre l'État chilien et les communautés mapuches. 

Ces dernières défendent une série de revendications, dont les trois axes fondamentaux sont : l'autonomie juridictionnelle (droit coutumier), la récupération des terres ancestrales et l'identité culturelle. 

L’augmentation de l'intensité du conflit préoccupe l'opinion publique mais le sujet n'a qu'une importance négligeable dans la vie politique et les débats de la présidentielle.

C'est ce que l'on trouve exprimé sur le compte officiel Twitter du site “Politique Publiques” (@cppdi). On y fait allusion à l'exclusion du thème Mapuche dans les débats des coalitions politiques.

Cette absence est devenue de plus en plus évidente au fur et à mesure que les différents candidats présentaient leurs programmes. Le programme politique qu'on trouve en ligne via le compte de KenaDieCalle (@KenadcDieCalle) (allusion à la quena, flûte traditionnelle Quechua), met l'accent sur ce problème :

Le site Politiques Publiques (@cppdi) a publié une photo de l'ex-candidat pour l'Alliance,  Pablo Longueira – qui a renoncé à sa candidature pour raison de santé, et s'interroge :

Pour sa part, l'actrice Blanca Lewin (@blancalewin) cite Longueira et se réfère à la loi qui “renforce la protection de l'ordre public“, connue sous le nom de “Loi Hinzpeter“.

Voici la définition pour un compte Twitter de Mapuches de ce qu'est” faire de la politique”  (@MapucheNL) “:

Le journaliste mapuche Pedro Cayuqueo (@pcayuqueo), actuellement directeur des revues Azkintuwe et Mapuche Times et éditorialiste pour diverses radios locales et nationales, fait constamment référence à ce problème.

Dans Cette hutte appelée Chili” (en espagnol), chronique publiée par le périodique national The Clinic et reprise sur Azkintuwe, Pedro Cayuqueo évoque avec inquiétude le manque d'intérêt au Chili pour les problèmes du peuple mapuche :
Le plus frappant et triste à la fois c'est peut-être qu'une fois de plus on fait la preuve que le problème mapuche n'existe pas dans la politique nationale. Non, jamais, à moins que ça n'explose quelque part….
Cayuqueo reprends cet argument sur son compte Twitter :

Le problème est devenu plus aigu après la visite au Chili de Ben Emmerson, envoyé spécial des Nations Unies pour les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme, qui pendant une conférence de presse a invité l'état chilien a élaborer une stratégie nationale qui aborde le “conflit mapuche” et à en finir avec l'impunité dont ont bénéficié des responsables des forces armées après la mort de plusieurs mapuches. 

Il  a également recommandé de lever l'application de la loi anti terrorisme étant donné que le selon ses propres termes, “le Chili ne fait pas face actuellement à une menace terroriste significative sur son territoire”.

La loi antiterroriste au Chili est une législation qui date de l’époque de Augusto Pinochet.  Elle a été largement utilisé pendant les 17 années de la dictature, permettant de déférer des civils devant des tribunaux militaires et autorisant, il y a peu de temps encore, le recours à des témoins “protégés,” dont les témoignages sont recueillis et enregistrés anonymement

Pour Emmerson, l'application de la loi antiterroriste est devenue une partie du problème mais pas la solution.

D'autre part, la Communauté Mapuche de Temucuicui (en espagnol) dans la commune de Tirúa a publié un communiqué dans lequel elle remerciait Emmerson et s'associait à sa position en insistant sur les points 2 et 3 :

2. cette déclaration  de l'envoyé spécial confirme ce que la communauté autonome a signalé depuis des années : l'utilisation de la loi antiterroriste permet de criminaliser les justes revendications politiques culturelles et territoriales du Peuple/Nation Mapuche, son application obéit à une pratique de persécutions politiques de la part de l'État chilien…
3. il faut insister sur le fait que dans le territoire Mapuche,  il n'y a pas de terrorisme, et  que les faits de violence et de délits que l'État chilien impute à des personnes Mapuche ont une base historique qui ne peux avoir aucune qualification judiciaire.
C'est l'État chilien lui-même qui a engendré la violence en s'appropriant le territoire mapuche et en le réduisant à ce que sont actuellement les communautés Mapuches.
L'absence de prise de conscience du problème Mapuche s'infiltre dans l'opinion publique et augmente, ce qui interpelle non seulement le gouvernement, mais aussi sur le monde politique en général, pour que soit élaboré un plan d'action pour régler enfin les conflits qui maintiennent isolé des communautés en lutte pour leurs droits.


Source : Global Voices