d’une
sentence historique
Par Periodismo Humano – Notes et traduction de Libres
Amériques
Le tribunal de Cundinamarca a prononcé un jugement
historique à l’encontre de 5 militaires de l’armée colombienne. Le juge dans sa
sentence les a non seulement condamnés à un minimum de 35 ans de prison pouvant
aller jusqu’à 52 à 54 ans de réclusion, mais surtout et en vertu des traités
internationaux à élever le meurtre du jeune civil Fair Leonardo Porras
Bernal au titre de crime contre
l’Humanité. Vous trouverez ci-après les notes un compte-rendu de l’audience fait par un
site citoyen et colombien, il donne l’atmosphère du tribunal et les mots très
durs prononcés par le ministère public. Et ce qui pourrait donné suite à cette décision de premier ordre...
C’est à partir de 2008 qu’apparaît ce terme impropre de
« faux positifs » ou pouvant porter à la confusion. Le terme
approprié étant des exécutions extrajudiciaires. Il s’agit ni plus, ni moins de
l’exécution de jeunes civils dont l’objectif était de faire gonfler les
statistiques de guérilléros abattus, ainsi des soldats effectuaient des
enlèvements et envoyaient les jeunes hommes vers un champ de bataille pour les
abattre et recevoir ainsi des primes ou des compensations. C’est ainsi que dans
les années 2000 dans les centres urbains colombiens ont commencé à disparaître
de jeunes hommes et toujours de condition modeste ou de préférence marginalisé,
ou dans le cas de Fair Leonardo en raison de son handicap mental.
Le cas des onze disparus de Soacha et le combat des mères
de cette localité a connu un certain écho en Colombie et hors de ses
frontières. Luz Marina Bernal (en photo)a pu enfin se faire entendre et trouver un début
de réparation pour son fils, si le jugement n’est pas annulé en cassation,
comme il a été demandé par les avocats de la défense, cela pourrait donner lieu
à une jurisprudence et reconsidéré l’intitulé criminel de certains jugements de
même nature. Jusqu’à présent seul un peu plus de 200 procès se sont tenus et un
peu plus de 600 militaires ont été condamnés, mais c’est à peine 5 à 10% du
nombre des victimes de cette entreprise criminelle estimée entre 3.000 et 5.000
assassinats.
Les « faux positifs » sont des crimes contre
l’Humanité
Après plus de 5 ans de réclamation en justice pour leurs enfants, assassinés par des
soldats colombiens et présentés comme des combattants, les Mères
internationalement connues de Soacha ont écouté dans une salle pratiquement
vide, une première condamnation des 5 responsables de l’exécution
extrajudiciaire d’un des jeunes pour : homicide, disparition forcée et ce
que personne n’attendait, pour crime contre l’Humanité. Le site d’informations
citoyennes « Periodismo Humano » (journalisme humain) a été le seul
média présent dans la salle de justice.
Un juge a lu pendant près de 5 heures une sentence : de
plus de 200 feuillets (la sentence fait 320 pages selon le journal El Tiempo). Il
fit une interruption pour prendre l’air, lui, les femmes l’écoutèrent en face
avec un visage contrit, les accusés soufflant, ils se souriaient entre eux et
fronçaient les sourcils par moments, les avocats des deux parties et le
procureur. Une salle ample et vide revêtue de bois le Tribunal Supérieur de
Bogotá va accueillir une sentence historique que personne n'attend.
La lecture reprend et en face, assises sur un banc écoutent
les quatre mères des jeunes civils exécutés extrajudiciairement par des membres
de l'Armée colombienne (1), avec pour but de les présenter comme abattus
pendant des combats contre la guérilla et pour obtenir ainsi des bénéfices
économiques, ainsi que des jours libres ou des avancements. Les dénommés
« faux positifs ».
Et les quatre femmes sont quelques-unes des reconnues
internationalement comme les Mères de Soacha, d'une localité proche de Bogotá,
où en 2007 au moins onze pauvres jeunes ont été capturés pour être déplacé à
plus de 600 kilomètres, au Santander et au Nord du Santander, un territoire où
est présente la guérilla des FARC, et où ils ont été assassinés. Cependant,
aujourd'hui, elles ont été accompagnées par quelques membres d'organisations,
comme le Comité de Solidarité avec les Prisonniers Politiques, assurant la
défense, ou le groupe du Centre de Suivi Psychosociale s'occupant des mères.
Pendant ce temps, le juge raconte comment les recherches ont
démontré que le garçon Fair Léonard Porras Bernal était désarmé, quand il a été
assassiné par les cinq soldats, un crime qui de plus a pour circonstance
aggravante d'avoir été réalisé dans un esprit de profit en l'appliquant à la
législation, un fait que le juge a qualifié d’ « odieux, qui provoque
de la répugnance ».
Le juge continue avec les résultats de plus d'un an de
recherche judiciaire, sur l'une des plus grandes barbaries que la guerre en
Colombie a pu générer. À grande vitesse, il lit une attestation qui sera
analysée internationalement dans les jours suivants en détail. L'un des
soldats, visiblement anxieux, chaque fois plus rougissants, souffle et regarde
constamment vers les quatre soldats en uniforme les observant depuis le public.
Les seuls occupant du côté des accusés de la salle. Par moments, les accusés se
regardent chacun du coin de l'oeil et en souriant nerveusement.
C'est la deuxième fois que se trouve sur les bancs de
l’accusation, le fruit d’une antérieure condamnation pour assassinat et disparition
forcée à être appelé par l'accusation et la défense. Le commandant en chef, le
plus haut responsable des délits commis par ce bataillon, est un fugitif.
« Responsable de disparition forcée », corrobore de nouveau aujourd'hui le
juge. Et l'une des avocates de la défense des soldats cherche avec
un regard provocant les mères.
L'avocat en chef est lui habillé d’une de veste de civil,
mais d'un vert militaire rigoureux, inclus les chaussettes, et il est resté
durant toute la lecture dans la zone dédiée aux spectateurs, se retournant pour
envoyer un message sans le risque du regard des curieux depuis son mobile. Ils
appartiennent à l'équipe de Défense Militaire (DEMIL), une fondation juridique
privée, mais dont l'équipe de direction est en conformité pour des activités
générales de l'Armée nationale et utilisant ses hélicoptères pour être
transporté.
Le rapport du Mandataire pour les Nations Unies de 2010 a
assuré que « DEMIL mettait en premier les intérêts institutionnels des
Forces Militaires sur les droits des inculpés » (…) « Ainsi en
empêchant les accusés de recourir
à une sentence anticipée ou de réaliser des déclarations individuelles sur les
niveaux de participation aux faits, que d'autres membres de l'Armée peuvent
avoir tenus ».
Luz Mariana Bernal est l'une des figures les plus visibles
et actives de la lutte des Mères de Soacha, il a fallu attendre huit longs mois
pour réussir à identifier son fils, Fair Léonard Porras Bernal. Le jeune sur
qui cette sentence s’est basée avait 26 ans quand ils l’ont assassiné, mais son
handicap le maintenait dans l’état (mental) d'un enfant de 9 ans, nous rappelle
sa mère.
« Tous ont utilisé leur arme de tir cette nuit. (…)
Bien qu'il n’existe pas de certitude sur
la nature des tirs, ni lesquels des accusés ont participé au décès de
Fair Léonard Porras » (…). Le juge a souligné que les actions des accusés,
étaient toutes liées au délit et « elles ont été réalisées en pleine
connaissance » de sa finalité.
Et c’est ensuite que fut abordé le point, le plus attendu,
(c’est-à-dire) l'accusation du ministère public pour crime contre l’Humanité.
Et pour cela, le juge a défini chacun des éléments, pour lesquels ont à
répondre les accusés et il le fera en les argumentant : Ce fut
systématique, parce qu’« au moins onze jeunes modestes ont disparu à une
date proche de l’enlèvement de Fair Léonard Porras Bernal » et (ces
crimes extrajudiciaires) « ont été réalisés de manière exclusive contre la
population civile » (…).
Il y a pour évidence que s’il a existé un mobile discriminatoire
dans la relation à l’humble condition des jeunes de Soacha, des marginaux et
privés des ressources économiques, la situation impliqua que la plainte ne se
répercuta pas de manière immédiate, telle que l’affirma Madame Luz Marina
Bernal (…) « qui est allé à
trois occasions au bureau du Procureur de Soacha sans résultats favorables,
lesquels ont été rendu quand se fit l’identification du jeune et les faits
publiquement dénoncés ».
L'avocat - chef se lève, tire les clefs de sa poche et il
joue avec elles en les faisant résonner, et revient s’asseoir. Ce sont des
formes d’intimidation connues par les avocats, coïncidant avec d’autres causes
utilisées ce matin même à l'audience de l’autre cas lié aux « faux
positifs » de Soacha. Face à lui et sans lever la tête, le juge prononce
la sentence : « En vertu de cela, convergent les suppositions, signalées
par les normes internationales pour qu'il soit fait état de délits comme le
crime contre l’Humanité ».
Une paire de
participants applaudit timidement et le policier de la salle leur
ordonne de faire silence. L'avocat - chef ouvre la porte en bois qui sépare les
membres du tribunal de la salle et s'assoit sur le banc de la défense. Le juge
lit les condamnations : entre 52 et 54 ans de prison et une amende 3.500
salaires minimums. Les accusés sourient nerveusement, pendant ce temps l'avocat
- chef - interrompt le juge pour communiquer qu'il s’interposera immédiatement
par un recours en cassation. Les mères osent à peine montrer leur joie, elles
sortent de la salle, puis se prennent dans les bras. Joies et tristesses
infinies et contenues.
L'une des présentes est l'avocate du Comité de Solidarité
avec les Prisonniers Politiques, Mme Gloria Silva, chargée des familles des
victimes devant l'accusation du ministère public. « Aujourd'hui un
jugement historique a été prononcé. Réellement de toutes les années que nous
avons porté comme représentants des victimes, aujourd'hui nous avons obtenu
enfin un jugement dans lequel sont repris les intérêts des victimes, qui ont
toujours été totalement désavantagé face de l'État (…)
À l'intérieur du gouvernement d'Álvaro Uribe, ont été
publiées des lignes directrices ayant tracé des politiques très claires aux
commandes de l'Armée nationale, qui ont généré une augmentation démesurée des
exécutions extrajudiciaires pour présenter une supposée victoire de l'Armée sur
les guérillas ou les paramilitaires. La victoire qui a été cimentée par ces
quelques chiffres, n'étaient rien de plus que de paysans, des jeunes, des gens
modestes, des responsable sociaux, présentés comme des faux positifs ».
Une autre d'entre elles est Uvita, une femme maigre et
affectueuse à qui également il a été arraché son fils de 16 ans, dont le procès
n'a pas encore commencé. Elle a vécu avec angoisse le public et maintenant il
suffit de penser comment cette déclaration peut briser le siège de l'impunité.
« Notre idée est que s’il y a une justice dans notre cas, cela peut l’être pour
les milliers d'exécutions extrajudiciaires qui ont eu lieu, dont seulement quelques-unes
sont instruites. Et notre espoir est d'atteindre les responsables qui ne sont
pas là, dont l'ancien président Alvaro Uribe et l’actuel, Juan Manuel Santos
(ex. Ministre des armées) ». (…)
Les "faux-positifs"
dans les médias colombiens
Vidéo en en espagnol : "Falsos-positivos detràs los medios" (1ère partie)
D'autres vidéos sur Pantuana TV
Note de la traduction :
(1) Le nombre de victimes est estimé entre 3 et 5.000
personnes, les exécutions extrajudiciaires ont donné lieu à de nouvelles
enquêtes criminelles ces derniers mois sur une dizaine de cas commis encore en
2012, sinon la plupart des dossiers n’ont pas été encore entendus par la justice
civile et ce procès est un grand pas vers la réparation de ces actes meurtriers
dont le gouvernement de 2006 à 2010 porte une immense responsabilité.