mercredi 21 août 2013

Canada, femmes amérindiennes des victimes invisibles ?

Les abus contre 
les femmes autochtones
requièrent une enquête

Par Human Rights Watch
La visite au Canada la semaine du 5 août 2013 des représentants de la Commission interaméricaine des droits de l'homme est une étape importante dans la lutte contre l’impunité pour les meurtres et disparitions de femmes autochtones en Colombie-B­­ritannique , a déclaré Human Rights Watch. Cette visite historique et l’attention internationale accrue portée aux violences contre les femmes et les filles autochtones au Canada doivent adresser un autre message au gouvernement canadien quant à la nécessité critique de convoquer une commission nationale d'enquête.

« Cette visite est une étape importante dans la lutte contre l’impunité pour des décennies de meurtres et de disparitions de femmes et de filles autochtones en Colombie-Britannique », a indiqué Meghan Rhoad, chercheuse pour la division des droits des femmes à Human Rights Watch. « L’obligation de rendre des comptes est une nécessité pour la sécurité de l'avenir des femmes et des filles autochtones partout au Canada. »
 

Tracy Robinson, rapporteur sur les droits des femmes, et Dinah Shelton, rapporteur sur les droits des peuples autochtones, se sont rendues à Ottawa, Prince George et Vancouver pour s’entretenir avec les organismes gouvernementaux concernés, des organisations non gouvernementales, les familles des victimes et d'autres personnes, au sujet des meurtres et disparitions. Elles ont l'intention de publier un rapport avec leurs résultats.
 

La visite fait suite à deux audiences de la Commission interaméricaine à Washington, en 2012 et 2013, lors desquelles l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Alliance canadienne féministe pour l'action internationale ont présenté des informations sur les meurtres et les disparitions en Colombie-Britannique ainsi que sur les violences commises contre les femmes autochtones partout au Canada. Les représentants du gouvernement ont répondu lors de chacune des audiences en donnant des informations sur les mesures prises pour résoudre le problème.

Les abus contre les femmes et les filles autochtones au Canada attirent une attention accrue de la part des organismes internationaux des droits humains. Plus d'une dizaine de pays ont soulevé la question au cours du deuxième examen périodique du Canada par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies en avril. 


Lors de l'examen, auquel tous les pays membres de l'ONU sont soumis tous les quatre ans, le gouvernement canadien a exposé les mesures qu'il a prises pour régler le problème, notamment la création du Centre national pour les personnes disparues et les restes humains non identifiés, des équipes spéciales de la police avec pour mission d’enquêter sur les cas et le développement de plans de sécurité communautaire.
 

Plus tard, en 2013, il est prévu que le Comité des Nations Unies sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes doit se rendre au Canada pour mener sa propre enquête sur les meurtres et les disparitions.
 

« La communauté internationale reconnaît clairement la gravité de la situation, et la question est de savoir quand le gouvernement canadien en fera de même », a insisté Meghan Rhoad. « Les demi-mesures qu'il a adoptées ne sont pas un substitut pour une commission nationale d'enquête sur les violences continues subies par les femmes et les filles autochtones et pour le développement d'un plan d'action national afin d’assurer leur sécurité. »
 

En février, Human Rights Watch a publié « Ceux qui nous emmènent : Abus policiers et lacunes dans la protection des femmes et filles autochtones dans le nord de la Colombie-Britannique, Canada. » Le rapport documente les défaillances de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en Colombie-Britannique en matière de protection des femmes et des filles autochtones contre la violence. Il documente également le comportement abusif des policiers à l’encontre des femmes et des filles autochtones, notamment l'usage excessif de la force ainsi que les agressions physiques et sexuelles. 

Le rapport a constaté que le Canada dispose de mécanismes insuffisants pour les plaintes contre la police et de procédures de contrôle inadéquates, notamment l'absence d'un mandat pour les enquêtes civiles indépendantes sur tous les cas signalés d'inconduite policière grave.
 

Jusqu’à mars 2010 l'Association des femmes autochtones du Canada avait documenté 582 cas de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées au Canada. La plupart des meurtres et des disparitions ont eu lieu entre les années 1960 et 1990, mais 39 pour cent se sont produits après l’an 2000. 

Le nombre de cas est incontestablement plus élevé aujourd'hui. Mais les données complètes ne sont pas disponibles puisque le gouvernement a réduit le financement destiné à la base de données de l'organisation, et les forces de police du Canada ne recueillent pas systématiquement les données relatives à la race et l'ethnicité.

L’opposition politique fédérale du pays, les organisations de défense des droits humains et des groupes autochtones, notamment l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations, ont recommandé que le gouvernement forme une commission nationale d'enquête sur les niveaux extrêmement élevés de disparitions et de meurtres de femmes et de filles autochtones au Canada. Des enquêtes nationales publiques permettent un examen impartial des questions d'importance nationale. En juillet 2013, les premiers ministres des provinces et territoires du Canada ont annoncé leur soutien pour une enquête nationale.



Le gouvernement conservateur du premier ministre Stephen Harper (en photo) a maintes fois refusé de donner suite à cette recommandation. Lors du Conseil des relations étrangères à New York en mai, Harper a exprimé son scepticisme (vidéo en anglais) quant à l'utilité des commissions d'enquête en général, en réponse à une question de Peggy Hicks, directrice de plaidoyer au niveau mondial au sein de Human Rights Watch, à propos de la nécessité d'une enquête sur les centaines de meurtres et de disparitions.

En février, le gouvernement fédéral a établi un comité de tous les partis dans la Chambre des communes du Canada afin de tenir des audiences sur la question des femmes autochtones disparues et assassinées et de proposer des solutions pour s'attaquer aux causes profondes de la violence. Le comité a fait des progrès limités et a été critiqué pour son manque de direction claire, donnant la priorité aux témoins du gouvernement sur les membres de famille des victimes, et ne tenant pas compte des méthodes alternatives, adaptées à la culture, de participation de la famille et de la communauté.


« Nous espérons que le comité parlementaire spécial peut se mettre sur la bonne voie et répondre à la violence contre les femmes et les filles autochtones d'une manière inclusive et significative », a conclu Meghan Rhoad. « En fin de compte, nous voyons cela comme un prélude, plutôt qu'un substitut, à une commission nationale d'enquête qui aura une plus grande indépendance. »



Source : AWID