mercredi 28 août 2013

Porto Rico-Etats-Unis, quel avenir et futur statut pour l'île ?

 Un moment crucial 
pour le statut 
de l’île de Porto Rico




Par Ángel Carrión · Traduction de Henri Dumoulin

Pour la première fois, un membre du congrès des États-Unis a officiellement décrit les relations politiques entre son pays et Porto Rico comme une” relation qui dégradait l'image des Etats-Unies dans le monde”. C'est ce que déclare Ron Wyden, sénateur démocrate de l'État de l'Oregon, qui préside le comité pour l'énergie et  les ressources naturelles du Sénat des États-Unis. Ce comité a juridiction sur tous les sujets qui concernent le territoire des États-Unis, entre autres Porto Rico. Lors d'une audience officielle de celui-ci le 1° août dernier, ce sénateur a fait une déclaration qui peut être écoutée sur la vidéo (en anglais) ci-après et allez dircetement à la la 25ème minute. 

Après 115 ans, il est temps que Porto Rico décide de son avenir politique. La question de savoir si Porto Rico doit devenir un état des États-Unis ou une nation souveraine ou d'autres options possibles, domine les débats politiques dans cette île actuellement.
Porto Rico affronte un énorme défi économique et social. Le revenu per capita est tombé à environ la moitié de celui du plus pauvre des états de l'Union et le taux de criminalité, en hausse sensible, y est  bien plus élevé que dans celle-ci. L'absence de décision sur le statut de Porto Rico ne fait pas que détourner les esprits de ces problèmes, il les aggrave [...] il est nécessaire que Porto Rico devienne soit une nation pleinement souveraine, soit un état à part entière de l'Union. Le maintien de la situation actuelle dégrade l'image de notre pays dans le monde.

Cette audience du comité présidé par le sénateur Wyden été motivée par les résultats du référendum réalisé dans l'île le 6 novembre 2012.


 Etats-Unis : le statut de l'île de Porto-Rico


Les conclusions de ce référendum vont contre le maintien du statut politique actuel d'Etat libre associé (ELA) avec 53.97% des votes en faveur d'un changement. Mais quand on en arrive à la question de la formule que souhaiteraient les électeurs, les réponses ne sont pas évidentes. Une analyse rapide montre que des trois options : annexion, indépendance ou libre association, c'est l'annexion qui l'emporte avec 61.16% des votes face à  33.34%  pour la libre association et 5.49% pour l'indépendance

Néanmoins, si on tient compte dans ces résultats des 498604 bulletins blancs déposés dans les urnes en signe de protestation contre la forme prise par cette consultation populaire, les résultats sont bien différents. 

Le choix de l'annexion descend fortement à 44.4% des votants, la libre association à 24.2% et l'indépendance à 4%. Pour avoir une idée de ce que représente les votants blancs, il suffit de savoir que la libre association a été plébiscitée par 454,768 personnes. Quoi qu'il en soit le maintien de l'État librement associé dans sa forme actuelle a été exclu du scrutin.

Finalement, le président Obama n'a même pas envoyé de représentant de son administration à l'audience du Sénat. Pire encore, parmi les 22 sénateurs qui composent ce comité seulement 3 étaient présents à cette audience. Il semble bien que la réponse de l'administration Obama ait été celle à laquelle on pouvait s'attendre depuis le début, venant du gouvernement des Etats-Unis. 

Comme l'écrit Charles R. Venator Santiago, pour Latino Decisions [en anglais] : on peut estimer sans crainte de se tromper que le président Obama a délibérément choisi d'ignorer les résultats du référendum de novembre.
Le souhait du président Obama d'un référendum fédéral sur Porto Rico veut clairement dire qu'il ne reconnaît pas le résultat du référendum de 2012 dans ce pays.
Cette position est en accord avec ses déclarations antérieures annonçant qu'il ne soutiendrait qu'un résultat reflétant  l'accord d'une majorité substantielle de votants (apparemment au moins une majorité des deux tiers).
Il y aurait aussi l'option d'une consultation proposée par le Commissaire résident de Porto Rico (représentant de Porto Rico sans droit de vote devant le congrès des États-Unis), Pedro Pierluisi, du Nouveau Parti Progressiste. 

Il s'agirait d'offrir aux habitants de cette île la possibilité de voter oui ou non pour l'annexion pleine et entière, ou la  proposition de fonder une assemblée constitutionnelle d'État, émanant de certains membres du Parti Populaire Démocratique et du Parti Indépendantiste. 

Aucune de ces deux propositions n'a jusqu'à maintenant le soutien du gouvernement des États-Unis.


Emilio Pantojas García, dans un article pour la revue 80 degrés, estime que le Congrès américain ne prendra aucune décision sur le statut de Porto Rico, comme à chaque fois qu'un référendum est organisé sur l'île :
Il est tout à fait improbable que le congrès approuve l'une ou  l'autre de ces mesures. Les propositions déposées ou les initiatives présidentielles ont toujours été encadrées par les relations inter-américaines et leurs changements éventuels, pourquoi cela serait-il différent aujourd'hui.
Qui peut penser que la majorité républicaine à la Chambre va étudier et approuver un projet d'annexion ?  Les républicains s'opposent traditionnellement à la transformation de Porto Rico en un état, premièrement parce que l'île  est culturellement une nation latino-américaine dont la langue est l'espagnol (moins de 10 % des résidents de l'île sont bilingues), deuxièmement, l'île est un bastion démocrate, ce qui ajouterait deux sénateurs et cinq ou six membres du Congrès pour ce parti.
Il faut ajouter à cela d'autres motifs comme le fait que le gouvernement de Porto Rico est au bord de la banqueroute fiscale, que son économie est dans une  phase de récession et que le chômage provoque une immigration massive des travailleurs les plus qualifiés.
Porto Rico deviendrait pour la fédération un état mendiant, une charge pour le gouvernement fédéral qui n'est pas actuellement au meilleur de sa forme.
A la lumière de l'Histoire, on peut dire que les initiatives de changement de statut ne mèneront à rien (sic) mais ceux qui ne connaissent pas l'Histoire sont condamnés à la répéter.
Xavier “Xavi” Luis Burgos, affirme dans la revue en ligne Gozamos, à l'occasion de l'anniversaire du référendum, que si les États-Unis étaient fidèles à leur rhétorique de démocratie, la réponse devrait être oui :
 La question n'est pas de savoir si les Portoricains ont voté pour un rattachement à l'Union et si les États-Unis le permettront. Nous devons au contraire nous poser la question suivante : n'est-il pas de la responsabilité de États-Unis de défendre leur rhétorique de démocratie ?
Ce pays ne doit-il pas être attentif au problèmes qu'il crée quand il mène à la démocratie des pays comme l'Irak ou l'Afghanistan ?
Le processus démocratique consiste à permettre à une population de faire des choix de société au travers de la discussion, du débat, du consensus. Rien de tout cela n'a jamais été possible à  Porto Rico.
On a jamais considéré les Portoricains comme des êtres humains à part entière capables d'une véritable autodétermination. Et pourtant pour que les États-Unis essayent d'atteindre leurs objectifs démocratiques, ils doivent prêter allégeance à l'impérialisme, en bons camarades tournés vers la réconciliation….

Ci contre : Pictogramme représentant les différents choix de statuts politique utilisés sur les bulletins du référendum de 6 novembre 2012. L'étoile avec le numéro 51 est la transformation de Porto Rico en 51eme état des États-Unis. Le  pitirre, un oiseau de l'île est la libre association, l'image de l'archipel est la nation indépendante

 

Source : GLOBAL VOICES