cible des grands propriétaires terriens
Par Ana Helena Tavares - Traduction de Geni Favre
Depuis la semaine dernière, l’évêque Dom Pedro Casaldáliga n’habite plus dans sa résidence de São Félix do Araguaia dans l’Etat du Mato Grosso. Escorté par des policiers fédéraux, alors qu’il se récusait à vivre sous la protection de la Police Fédérale, il a été embarqué dans un avion pour l’emmener dans un endroit secret, à plus de mille kilomètres de là. Le motif en était la multiplication des menaces de mort, proférées par les envahisseurs du territoire des indiens Xavante Marãiwatsédé dans l’état du Mato Grosso. La semaine dernière, dans un bar de São Félix, un homme avait annoncé que Dom Pedro « ne passerait pas » la semaine.
Dans les années soixante, sous le régime militaire, les indiens Xavante avaient été expulsés de leurs terres pour laisser la place à de grands projets agricoles. Par la suite, l’emplacement avait été acheté par la société italienne Agip, laquelle, alors qu’un vent de démocratie avait commencé à souffler, avait annoncé pendant le sommet de la Terre de 1992 qu’elle le rendrait aux indiens.
Tout en sachant que ces terres appartenaient aux indiens, les grands propriétaires, les politiciens et les commerçants de la région avaient, malgré tout, occupé les lieux pour y installer des habitations et y mener leurs affaires. Après avoir attendu, pendant vingt ans, la mise en application d’un décret ministériel et voir rejeté la semaine dernière par la Justice Fédérale, les deux recours qui essayaient de faire différer la sortie des envahisseurs, le processus de désoccupation a débuté lundi dernier – d’où l’intensification des menaces.
Exhorté par le gouvernement, par ses amis et par les militants de la Pastorale à quitter provisoirement sa résidence, ce catalan de 80 ans qui souffre de la maladie de Parkinson, est la figure la plus emblématique, au niveau international, de la lutte des Xavantes pour récupérer leurs terres. Les mouvements sociaux, régionaux et nationaux, manifestent sans compter leur appui à Dom Pedro.
Le réseau Caritas a publié une lettre de solidarité, signée par 15 organismes dont la Prélature ainsi que d’autres groupes de la région de São Félix, tels que le Conseil Indigène Missionnaire (CIMI) de Brasilia et la Commission Pastorale de la Terre de Goiânia. Dans un article publié par le journal La Vanguardia de Barcelone en Espagne, l’association Araguaia avec Casaldáliga demande l’aide de la communauté internationale pour assurer la sécurité de Dom Pedro et la défense des droits des Indiens Xavante. (I.C.)
Sa voix est un murmure, son corps ne lui permet plus de mener la lutte de façon frontale mais la lucidité qui anime le catalan D. Pedro Maria Casaldáliga, évêque émérite de la Prélature de São Félix do Araguaia est toujours capable de nous émouvoir. Il a fait l’objet de plusieurs tentatives d’assassinats pour avoir choisi de défendre les petits et de se battre contre les puissants et D. Pedro continue à recevoir des menaces.
Le livre sur l’évêque d’Araguaia, adapté pour le cinéma, est en train de devenir un film. Selon lui, tous les partis et tous les gouvernements sont redevables de trois dettes envers le peuple : celle de la Réforme Agraire – « il n’y a pas de réforme, aucune réforme, aucune », celle de la Cause des Indiens – « les indiens ont été discrédités face à l’industrie agro-alimentaire » - et celle des Petits Projets – « l’obsession des grands projets est la caractéristique du gouvernement actuel ».
Le QTMD [1] s’est rendu à Araguaia pour voir et entendre de près l’histoire de cet homme qui a choisi de vivre « nu-pied sur la terre rouge ». Nu-pied veut dire sans excès de consommation. « Sur la terre rouge. Une terre gorgée de sueur, … Mais aussi gorgée de sang », a défini Casaldáliga.
L’évêque, qui a combattu la répression du régime militaire, a rappelé que « Jésus a affronté les forces de l’Empire Romain », et a parlé de la Commission de la Vérité, tout en regrettant le manque de sévérité des peines à l’encontre de ceux qui ont torturé. « La mémoire historique doit nous servir de leçon », a-t-il renchéri.
D. Pedro Casaldáliga: "O problema é ter medo do medo"
Réception sous les projecteurs
« Je suis arrivé à Rio de Janeiro en 1968 (il y est resté près de 4 mois). Nous sommes partis de Madrid avec moins 11° C pour arriver à Rio de Janeiro avec 38 °C. Il y avait les projecteurs de l’aéroport. Des projecteurs allumés… Je les aperçois encore… Cette chaleur et ces projecteurs… Nous avons passé une nuit sans dormir. »
« Il y a de nombreux Brésils ». « Ensuite à Petrópolis, j’ai suivi un cours donné par l’Eglise Catholique du Brésil, aux missionnaires étrangers afin qu’ils étudient la langue et acquièrent des notions sur l’histoire du pays. Sur l’histoire de l’Eglise au Brésil. Et c’était une réelle opportunité, car à l’époque de la dictature militaire, si nous étions arrivés directement et de la manière dont nous étions arrivés (photo)à São Félix do Araguaia… Nous aurions été perdus. Complètement déroutés, sans vraiment connaître la situation réelle…Les raisons de cette situation. Les migrations : pour quels motifs ? L’histoire du pays. Car il y a de nombreux Brésils… ».
7 jours en camion
« Il nous a fallu presque 7 jours de voyage en camion de São Paulo jusqu’à São Félix do Araguaia. En fait, la route était en construction, il n’y avait pas encore de route. Les ponts étaient tout petits. Il y avait de nombreux ruisseaux …Aujourd’hui, lorsqu’on voyage de Barra do Garças jusqu’ici, il est difficile d’imaginer comment était la région autrefois. »
« Où se trouve la forêt du poste ? ». « Tout a été déforesté. Les ruisseaux ont tous été profanés, quelques uns sont à sec et ont perdu toute leur vitalité. Il y avait de la forêt….En parlant du Poste de la forêt….Où se trouve aujourd’hui la forêt du Poste ? »
« La terre de personne »
« La terre de personne »
D. Pedro Casaldáliga est arrivé au Brésil en janvier 1968, c’est-à-dire avant le AI-5 [2] qui a eu lieu en décembre de la même année, mais il assure : « il y avait déjà un climat pesant de dictature ». Et selon lui, São Félix do Araguaia était « un endroit où l’Etat n’était pas présent. La terre de personne. »
En conflit avec la politique officielle
D. Pedro se souvient qu’en 1968, « Grâce aux politiques d’incitations fiscales de la SUDAM [3], les grandes exploitations ont commencé à s’implanter. » Il continue : « Pour nous, automatiquement, être avec les pauvres, pour le peuple et pour les plus faibles, signifiait entrer en conflit avec les grands propriétaires. Entrer en conflit avec la politique officielle. »
« D’un côté il y avait les indiens, les possesseurs de terre, les travailleurs ruraux… De l’autre, les grands propriétaires, la police, l’armée, le gouvernement, l’Etat…Très vite, nous avions compris que la lutte serait celle-ci. Si nous étions du côté du peuple, nous entrions en conflit avec la politique officielle. »
La guérilla
« Ici, il n’y a pas eu de guérilla. Elle avait lieu dans le sud du Pará et dans le nord de l’Etat de Goiás. Seulement, pour la répression, nous étions la guérilla. Parce qu’ils ne pouvaient pas concevoir la présence d’étrangers avertis dans une région où n’existait aucun moyen de communication. Aucune infrastructure …Et des jeunes délaissant leurs études et leur emploi, et qui venaient jusqu’ici pour ne presque rien gagner, ne pouvaient être que des guérilleros ou des commanditaires de la guérilla. Pour cette raison, la répression s’abattait sur nous…Toujours. »
« Un dialogue de sourds ». « De nombreuses personnes de la pastorale ont été emprisonnées. Torturées. Les directions de la CNBB [4] ont été très solidaires avec nous. Au travers de leur soutien, nous avons eu la possibilité de parler avec les autorités. Mais c’était un dialogue de sourds. »
« En 1972, est arrivé le ministre de la justice (Alfredo) Buzaid du gouvernement Médici. Je suis allé le voir. Nous avons discuté…Il faisait des promesses qu’il ne comptait pas tenir. Il était surtout impressionné par le début de la Réforme Agraire. Par les succès de Santa Terezinha enregistrés sur la région. »
« Un cri ! »
« Le jour de ma nomination, nous avons publié une lettre pastorale, (photo). Une église en Amazonie en conflit avec les grands propriétaires de terre et la discrimination sociale. Et c’était un véritable cri ! Car, nous avions révélé les noms des intéressés…Cet événement a renforcé la répression. ». « L’action civique et sociale de l’armée »
« Nous avons subi 4 opérations de l’ACISO [Action Civique et Sociale de l’Armée]. L’armée venait jusque dans ces contrées éloignées pour arracher les dents et faire des consultations… En fait, ils venaient pour inspecter. Car, cela englobait le périmètre de la Prélature. ». « Ils fouillaient nos maisons… Exigeaient des arrestations… Ils arrêtaient les représentants de la pastorale et les emmenaient pour les torturer à la caserne de l’armée de Campo Grande. Car tout était suspect… Un vrai climat de terreur régnait dans toutes ces régions. »
« Considéré comme complice, le peuple a été torturé ». « Bien des années après, le peuple se sentait libre pour agir, pour parler. Il y avait encore des réticences lors de certaines de nos célébrations. Parce qu’au-delà des guérilleros qui avaient été tués, les gens du peuple avaient été torturés, maltraités car considérés comme complices… Les guérilleros avaient noué des liens d’amitié, certains étaient médecins, professeurs. »
« Face à l’industrie agroalimentaire, les natifs sont traités comme quantité négligeable »
« En ce qui concerne les indiens, c’était la même politique qui se poursuivait depuis la colonisation. Les indiens étaient toujours déconsidérés. Et nous revoilà, face au même problème…Ils sont toujours traités comme quantité négligeable, face à l’agro-industrie. Car la politique des indiens, la cosmovision des indiens¸ la culture indienne… Elle est l’opposée de la politique et de l’économie de l’agro-industrie. Pour cette raison, je disais que nous avions des problèmes pour défendre ces trois groupes de personnes. Les peuples indiens, les possesseurs (propriétaires de terres non légitimés) et les ouvriers agricoles. »
« En ce qui concerne les indiens, c’était la même politique qui se poursuivait depuis la colonisation. Les indiens étaient toujours déconsidérés. Et nous revoilà, face au même problème…Ils sont toujours traités comme quantité négligeable, face à l’agro-industrie. Car la politique des indiens, la cosmovision des indiens¸ la culture indienne… Elle est l’opposée de la politique et de l’économie de l’agro-industrie. Pour cette raison, je disais que nous avions des problèmes pour défendre ces trois groupes de personnes. Les peuples indiens, les possesseurs (propriétaires de terres non légitimés) et les ouvriers agricoles. »
« Le problème, c’est avoir peur de la peur ». « Nous avons découvert le travail esclave. Et nous l’avons dénoncé….C’était ici, la première fois que le travail esclave était dénoncé. »En réponse à la question, de savoir, s’il avait parfois eu peur de mourir, l’évêque d’Araguaia dit sans hésiter : « Plusieurs fois ! Encore aujourd’hui, par exemple… La situation avec les intrus, ceux qui commanditent les intrusions sur les terres indiennes, cliquer ici et lire à ce sujet, le reportage du QTMD. Ils pensent que c’est moi le principal coupable parce que j’ai défendu ces indiens. »
« Cependant, durant la dictature nous étions tous menacés… Etant évêque, je suis plus représentatif. Bien sûr…Je dis toujours que le problème ce n’est pas d’avoir peur… Le problème c’est d’avoir peur de la peur, car la peur est une réaction de défense. »
La mort du Père Burnier
Casaldáliga et le Père João Bosco Burnier qui a été assassiné par un policier, se trouvaient dans un commissariat pour défendre des femmes torturées. L’une d’elles figure sur la photo, alors que Casaldáliga, portant des lunettes, la regarde. C’était l’une des quatre occasions où l’évêque a été presque expulsé du Brésil.
« La population de Ribeirão Cascalheira a détruit la prison et le commissariat. Alors, ils ont dit que c’était moi qui avais commandé la destruction de la prison… Une prison en service… Et qu’ils pouvaient exiger mon expulsion. Justement, je venais de quitter précipitamment Goiânia pour dénoncer l’assassinat du Père João Bosco Burnier et je n’étais plus présent à São Félix. »
Les trois dettes des gouvernements envers leur peuple
Dans la maison de D. Pedro Casaldáliga, un tableau comportant un poème qu’il avait écrit « Les confessions de la grande propriété ». « Il n’y en a pas … Il n’y en a pas … Il n’y a pas de Réforme Agraire. » insiste Dom Pedro Casaldáliga. La Réforme Agraire présupposerait aussi une Réforme Agricole. Une politique en faveur de l’Agriculture Paysanne. Un accompagnement des installations de paysans sans terres. Il y a bien eu quelques accords… mais ils ne correspondent pas à ce dont je parle. »
Dans la maison de D. Pedro Casaldáliga, un tableau comportant un poème qu’il avait écrit « Les confessions de la grande propriété ». « Il n’y en a pas … Il n’y en a pas … Il n’y a pas de Réforme Agraire. » insiste Dom Pedro Casaldáliga. La Réforme Agraire présupposerait aussi une Réforme Agricole. Une politique en faveur de l’Agriculture Paysanne. Un accompagnement des installations de paysans sans terres. Il y a bien eu quelques accords… mais ils ne correspondent pas à ce dont je parle. »
« Je dis que, tout ces partis, ces gouvernements ont trois dettes : celle de la Réforme Agraire ; celle de la Cause des Indiens ; et celle des Petits Projets comme l’Agriculture Paysanne et les Micros Entreprises. Ils ont cette dette-là. ».« Et avec le capitalisme néolibéral… La politique de soutien à l’exportation… Nous avons la confirmation que les pays d’Amérique Latine et plus particulièrement le Brésil … sont destinés à être exportateurs de matières premières. C’est une politique totalement contradictoire avec les besoins du peuple. »
« La population essaie de faire la Réforme Agraire… Le Mouvement des Sans Terres et d’autres mouvements populaires expérimentent les actes de la Réforme Agraire. Mais la politique officielle n’est pas celle de la Réforme Agraire. J’insiste : c’est une revendication pour une Réforme Agraire qui soit également une Réforme Agricole. Car la terre c’est bien plus que de la simple terre ! Pour l’indien, elle est surtout son habitat. »
« L’évêque Pedro est communiste »
« Nous étions communistes, ici dans la région, dans la prélature. Et nous avons connu des situations très comiques. Une fois, à l’époque de la dictature militaire, la police à Santa Terezinha avait dit : « l’évêque Pedro est communiste ! » Un des paysans avait alors répondu : « Je ne sais pas ce que c’est communiste. Maintenant, si communiste veut dire faire partie de la communauté, travailler pour la communauté, alors l’évêque Pedro est communiste. ». « Les premiers socialistes se sont inspirés de l’Evangile ». « En ce qui concerne le problème de la justice et de l’égalité, nous sommes dans la même situation.
Pour des raisons philosophiques, historiques et de croyance… Un proverbe dit : « Nous sommes dans la même barque. » Et d’une certaine façon, c’est la vérité. Nous sommes dans la même barque même si nous y rajoutons l’intention de la foi. La recherche de la justice sociale, de la fraternité universelle…Les premiers socialistes se sont inspirés de l’Evangile. ». « Dialectique, marxiste, humain ». « Par ailleurs, la Théologie de la Libération est critiquée pour être marxiste. Elle n’est pas marxiste.
Car il existe des critères qui sont communs…Dire que les riches sont toujours plus riches aux dépens des plus pauvres qui deviennent de plus en plus pauvres…C’est de la dialectique ! C’est marxiste ! C’est humain ! Une conception humaine de la réalité induit ce constat : que les riches sont toujours plus riches aux dépens des pauvres qui deviennent de plus en plus pauvres. »
Socialisation : une prérogative pour la paix
Socialisation : une prérogative pour la paix
« Lorsque nous avons été poursuivis pendant la dictature militaire… La Police Fédérale m’avait arrêté et interrogé sur le socialisme. Je leur disais : si vous voulez parler de socialisme, alors parlons de socialisation. Si on ne sociabilise pas la terre…La terre des champs et la terre urbaine. La santé, l’éducation, la communication… Si ces biens primordiaux, essentiels ne sont pas socialisés… Il n’ y aura pas de paix. »
« Comme Jésus l’a fait … ». « Pour la Théologie de la Libération, il y a un passé, un présent et un futur. Et, dans tous les cas, toute véritable théologie doit être une Théologie de la Libération. La théologie chrétienne doit s’engager pour l’égalité fraternelle de l’humanité. Elle doit s’engager aux côtés des plus pauvres, aux côtés des plus modestes, aux côtés des exclus. Comme Jésus l’a fait. »
« En affrontant, si nécessaire, les forces du pouvoir. Comme Jésus a affronté les forces de l’Empire Romain. Les forces d’une religion utilisée…Les forces des grandes propriétés en Palestine. Alors … Un chrétien qui veut être un véritable chrétien doit prendre ces engagements-là. C’est ce que nous appelons la Théologie de la Libération. ». « La mémoire historique doit servir de leçon »
Dom Pedro Casaldáliga approuve les enquêtes menées par la Commission Vérité sur les violations des Droits de l’Homme commises entre 1946 et 1988. « Je pense que c’est une bonne chose d’inclure cet autre aspect. ». « Car le risque de pratiquer des tortures physiques et psychologiques se trouve à la portée de tous les gouvernements plus ou moins autoritaires. La dictature a été le point culminant de cette répression. De cet abus du pouvoir. Mais nous devons l’empêcher de se reproduire. »
Cependant, l’évêque s’oppose à la clémence dont les tortionnaires ont bénéficié : « Ils devraient être punis. La mémoire historique doit servir de leçon. Elle ne doit pas se résumer aux évocations statistiques de quelques héros et de quelques tortionnaires. Plusieurs pays en Amérique Latine en ont donné l’exemple ».
Amérique Latine : « La Grande Patrie »
Selon Casaldáliga, l’Amérique Latine « d’aujourd’hui est meilleure que celle d’hier. Parce que nos gouvernements sont plus ou moins de gauche. Parce que nous avons une plus grande conscience de former un continent. »
Une Patrie Grande comme disaient les libérateurs. « Notre Amérique » disaient-ils aussi. Je dis toujours, soit l’Amérique Latine et la Caraïbe se libèrent au niveau du continent soit elles ne seront jamais libérées. Nous devons former une communauté de nations car nous avons des caractéristiques spécifiques. »
« Passion latino-américaine ». « Nous parvenons déjà, à faire en sorte que l’Amérique Latine ne soit plus aussi ouvertement l’arrière - cour des Etats-Unis. Des progrès importants sont en cours de réalisation. En ce qui concerne le Venezuela, je dis, qu’il y a quelques avancées significatives malgré les erreurs d’Hugo Chavez. L’une d’elle, c’est la passion latino-américaine. »
« Le Brésil, c’est autre chose »
« C’était difficile, pour le Brésil, de prendre conscience que nous sommes l’Amérique Latine. Par la langue…Par une certaine attitude hégémonique…Parfois, celle-ci n’est pas assez contrôlée… Le Brésil, c’est autre chose. ». « Je ne crois pas, mais… »
« C’était difficile, pour le Brésil, de prendre conscience que nous sommes l’Amérique Latine. Par la langue…Par une certaine attitude hégémonique…Parfois, celle-ci n’est pas assez contrôlée… Le Brésil, c’est autre chose. ». « Je ne crois pas, mais… »
L’évêque ne croit pas à un nouveau coup d’état. Du moins, pas selon les standards de ce qui est arrivé en 1964. « Ni ici, ni ailleurs en Amérique Latine. Cependant, il y a d’autres types de coups d’état… Par conséquent, il vaut mieux prévenir…Afin que les dictatures ne soient pas camouflées…Elles peuvent être militaires, elles peuvent aussi être civiles… »
Les « autres types de coups d’état » …
Les « autres types de coups d’état » …
« Le gouvernement du Paraguay n’est pas légitime, celui du Honduras n’est pas légitime. Evidemment. Ce sont des coups d’état, des dictatures camouflées au service des intérêts de l’Empire, le grand capital. Lequel, émane aujourd’hui, moins expressément des seuls pays… La globalisation les a tous mis dans le même sac. »
« Notre ADN, c’est d’être la "race" humaine » « Par ailleurs, il existe une situation, une nouvelle conscience de former une unité. Nous sommes la famille humaine. Actuellement, nous ne pouvons pas faire abstraction du reste du monde. Nous avons toujours dit que le péché des Etats Unis était de se considérer seuls au monde. Et le reste, c’est ce qui reste. »
« Aujourd’hui, avec la globalisation et ses souffrances, et ses abus…Un espace s’est ouvert…Une unité. La principale caractéristique est celle d’être humains… ». « Je maintiens que notre ADN c’est d’être la race humaine. La famille humaine. Il existe des (« races ») comme l’identité. En revanche, au sein de cette identité, le fait principal c’est d’être humain. Et la vraie politique devrait être consacré à humaniser l’humanité. ». « Un capitalisme à visage humain est impossible. »
Interrogé sur la possibilité d’avoir une véritable démocratie au sein du capitalisme, l’évêque a répondu de façon solennelle : « Non ! Le capitalisme est néfaste. Il n’a pas de solution…Le capitalisme représente l’égoïsme collectif. C’est la ségrégation pour l’immense majorité. C’est le profit pour le profit. C’est l’utilisation des personnes et des peuples au service d’un groupe de privilégiés. Envisager un capitalisme à visage humain c’est demander l’impossible. C’est impossible. ».
« La démocratie est un mot profané. ». « Dans ces Etats démocratiques… les populations indiennes sont réprimées. Elles sont discriminées. » Photo : archives de la Prélature de São Félix do Araguaia.
« La démocratie est un mot profané. ». « Dans ces Etats démocratiques… les populations indiennes sont réprimées. Elles sont discriminées. » Photo : archives de la Prélature de São Félix do Araguaia.
Pour Dom Pedro Casaldáliga, il n’existe aucune véritable démocratie nulle part dans le monde. « Car s’il existe une démocratie formelle …Une démocratie, entre guillemets, politique. Il n’existe pas de démocratie économique…Il n’existe pas de démocratie ethnique. Dans ces Etats démocratiques, les populations indiennes …Elles sont réprimées. . Elles sont discriminées. Elles sont obligées de revendiquer des droits qui sont élémentaires pour elles. La démocratie est un mot profané. »
Qui a peur de la démocratie ?
« De la véritable démocratie…En ont peur tous ceux qui défendent les privilèges réservés à certaines personnes. Des privilèges pour un nombre réduit de personnes. ». « Tous ceux qui considèrent la propriété privée comme un droit absolu. ». « Tous ceux qui ne comprennent pas que la propriété implique une caution sociale. ». « Tous ceux qui pensent que des personnes, des gouvernements et des Etats peuvent profiter de leurs privilèges au prix de la domination et de l’exploitation… »
« Il n’y a pas de liberté de la presse » : « Les grands médias et les médias des grands. Avec ça, tout est dit…Il n’y a pas de liberté de la presse. J’ai vu des journalistes pleurer de rage alors qu’ils avaient écrit des articles qui avaient été presque totalement déformés par l’éditeur… En mettant un certain titre et en transformant tout le texte. Ah oui. Nous avons connu ce type de situation. »
Le gouvernement Dilma : « Son obsession des grands projets ». « Ma critique concerne ces trois dettes : la dette liée à la Réforme Agraire. La dette concernant la Question des Indiens. Et la dette des petits projets. De grands projets sont réalisés…Belo Monte. Le fleuve São Francisco. Les Centrales Hydroélectriques…Les grands projets… Le Brésil est programmé pour devenir une grande usine au service de ces grands projets. »
Il y a quelques années, lors d’une conférence de presse en Europe , un indien Carajá disait… : « Je pense que notre gouvernement est plus empressé à engraisser les cochons … Que de s’occuper de son peuple … Engraisser les cochons[5]… Sans récolter le soja…Faire, du soja, le grand produit d’exportation… Il disait cela, il y a quelques années en arrière. Mais, nous devons continuer à parler de cette obsession pour les grands projets…Elle définit en grande partie notre gouvernement actuel. »
La politique internationale se porte bien « Je rends hommage à l’histoire de Dilma. Je rends hommage à ses actions de solidarité…Sa prise de position concernant le Paraguay… Sa prise de position concernant le Venezuela… Sa prise de position concernant la défense des droits des peuples …Si l’Equateur prend une décision, nous la saluons ou bien nous la soutenons. Oui, la politique internationale se porte bien. Pour la première fois, a été menée une politique qui essaye d’être indépendante par rapport aux Etats Unis. »
« Pieds nus sur la terre rouge »
Lorsque le QTDM se trouvait à São Félix do Araguaia, avait lieu le tournage d’un film sur D. Pedro Casaldáliga, une adaptation du livre éponyme. Il s’y était opposé puis il a fini par l’accepter. Pendant le tournage du film, ils avaient éparpillé plusieurs affiches représentant la chasse aux « terroristes » menée pendant la dictature.
« Je m’y opposais de toutes mes forces. Car je craignais deux choses : le pédantisme… Le culte de la personnalité. Et aussi, que nos causes ne soient pas assez mises en avant. Pourquoi sommes-nous ici ? Que défendons-nous ici ? Dans quel but, avons-nous assumé ces prises de position ? ».
« C’était de façon collective. Car il ne s’agissait pas de moi…Il s’agissait de toutes ces équipes de la pastorale. Il s’agissait du mouvement populaire. C’était des personnes de la région…Qui ont lutté pour défendre leurs droits. « Il me tenait à cœur de ne pas intervenir. De laisser une liberté totale. Sans aucune censure. Nous critiquons la censure et ce n’est pas moi qui l’exercerai maintenant… »
« Ce film, je crois, présente un avantage … Il facilitera la représentation d’une mémoire qui n’était pas vive surtout parmi la jeunesse…A propos du gouvernement de cette époque. Ils pourront ainsi découvrir un passé qui affecte le présent et le futur. »
« Pieds nus veut dire sans consumérisme. Dépouillé, sans consommation. ‘Sur la terre rouge’. Une terre gorgée de sueur…mais aussi gorgée de sang. Du sang de martyr. », a conclu l’évêque.
Le QTMD s’est entretenu avec Francesco Scribano, auteur du livre et producteur du film. Il affirme : « Je crois que l’histoire de D. Pedro doit être racontée. » Nous le croyons aussi.
"A democracia é uma palavra profanada"
Notes du traducteur :
[1] QTMD ? Abréviation du site - Quem Tem Medo da Democracia ? - Qui a peur de la démocratie ?
[2] Ato Institucional Número Cinco : Acte Institutionnel N°5, c’est le 5ème décret promulgué par la junte militaire le 13 décembre 1968, après le coup d’état militaire de 1964 au Brésil. Il dissout le Congrès, donne au président des pouvoirs dictatoriaux, suspend la Constitution, impose la censure et abroge la plupart des libertés individuelles.
[3]Superintendência do Desenvolvimento da Amazônia – Superintendance du développement de l’Amazonie -.
[4]Confêrencia Nacional dos Bispos do Brasil : Conférence nationale des évêques du Brésil.
[5]allusion à l’œuvre La ferme des animaux , de Georges Orwell, éditions Folio, 1947
NB : Suivez ce lien pour consulter l’album des 80 photos répertoriées par le QTMD dans la maison de D. Pedro Casaldáliga, Cliquez ici !
Source : article et photos AUTRES BRéSILS