Par Juan Arellano · Traduit par Celine Arnoldi
Entre accusations et enquêtes, les dernières semaines ont été chargées pour les ex-Présidents péruviens Alan García et Alejandro Toledo. Bien qu'ils aient l'un et l'autre toujours été dans l'actualité d'une
manière ou d'une autre, cette fois-ci, ils ont fait les gros titres non
sans raison. Mi-avril dernier, une accusation
est apparue qu'une personne inculpée de trafic de drogue est devenu
membre de la Commission des grâces présidentielles sous le mandat de
Garcia, durant lequel 5 478 grâces présidentielles ont été accordées
(dont les grâces ordinaires, grâces pour raisons humanitaires et
commutation de peine). Certaines de ces grâces ont été accordées à des
personnes reconnues coupables de crimes tels que le trafic illicite de
drogue et blanchiment d'argent aggravé. Parmi les graciés, quelque 800 ont récidivé.
Ensuite, la commission du Congrès enquêtant sur les irrégularités pendant le mandat d'Alan García a été informée de plaintes de détenus qui voulaient accéder à ces services. D'anciens ministres de l'APRA, le parti politique d'Alan García (en photo), ont nié une quelconque participation à ces actes illicites.
L'ancien président a fait une déclaration
devant le médiateur disant que la commission violait ses droits en
utilisant l'information sans lui révéler au préalable les détails des
sujets qui seraient traités. En outre, il a déclaré que le gouvernement Humala suivait le modèle de Chavez et “cherchait à détruire ses adversaires.”
L'ancien président García a comparu à plusieurs reprises devant la commission du congrès pour répondre
d'irrégularités supposées dans “Eau pour Tous,” un programme créé pour
apporter de l'eau potable et des égouts aux populations qui en étaient
dépourvues. Et également, pour répondre des irrégularités détectées dans
processus d'acquisition du “Système intégré des activités commerciales”
du “Système d'épuration et Eau potable” de Lima (Sedapal), ainsi que
les grâces précédemment mentionnées.
Cette commission, après avoir approuvé à l'unanimité un rapport qui a trouvé les irrégularités administratives alléguées dans un cas concernant Sedapal, a aussi donné son accord à la majorité pour recommander
une mise en accusation constitutionnelle contre l'ancien président Alan
García pour suspicions d'irrégularités dans le programme “Eau pour
Tous”, dont l'adoption des décrets d'urgence exemptant le programme des
études de faisabilité et dossiers techniques requis.
Peu après le Ministère public approuvait aussi la levée
du secret fiscal de l'ancien président, dans l'enquête sur l'achat
d'une maison évaluée à 830 millions de dollars à Miraflores, un quartier
de Lima.
Sur le blog La Otra Mirada [L'Autre Vue], Yorka Gamarra explique
le contexte dans lequel intervient la commission d'enquête et commente
les autres investigations, notamment les irrégularités dans les projets
de rénovation d'écoles emblématiques (de grandes écoles publiques
auréolées de prestige du fait de leur longue existence) :
L'un des cas les plus notables étant donné ses implications sociales est celui des écoles emblématiques. [...] la commission a découvert que le rapport à l'appui du Décret d'Urgence mentionné [celui qui a créé la catégorie des Ecoles Emblématiques], aurait été ordonné après son approbation. Autrement dit, il repose sur un document qui, au moment de son approbation, n'existait pas.
D'autre part, le blog Ideeleradio [Ideal Radio] a interrogé Fernando Valencio, directeur du journal Diario 16, contre lequel l'ancien président García a intenté une action en justice pour diffamation. Dans l'entretien, Valencia disait :
Pourquoi je crois que Alan García veut nous combattre ? Parce que j'ai la certitude qu'il s'inquiète du sujet de la commission d'enquête. Et comme je l'ai dit dans l'une de mes premières tribunes traitant de cette querelle, coïncidant avec le début des premiers résultats de la commission, nous avons reçu une offre, un juteux investissement publicitaire, que l'on nous demandait de ne pas inclure dans les premières pages. Evidemment, nous avons refusé, eh bien, nous en voyons déjà les conséquences.
Mais le cas de l'ancien président García est passé au second plan lors de la découverte de l'achat d'un
bureau et trois places de parking pour la belle-mère de l'ancien
président Alejandro Toledo, Eva Fernenburg, valant plus de 882 000
dollars US. Il faut noter que Toledo est déjà touché par une affaire
similaire avec l'achat d'une maison dans le quartier huppé de Casuarinas, valant 3,7 millions de dollars, encore pour sa belle-mère, comme le révèle une enquête sur l'achat d'une maison de plage à Punta Sal (Tumbes).
La Commission fiscale du Congrès a immédiatement approuvé la requête de pleins pouvoirs spéciaux pour enquêter sur l'ancien président. Le bureau officiel contre le blanchiment d'argent a requis que
le Procureur public bloque l'achat immobilier réalisé par la belle-mère
d'Alejandro Toledo. Plus récemment, le bureau officiel anti-corruption a annoncé qu'il allait demander au procureur de lancer une enquête préliminaire contre l'ancien Président.
Dans le blog Política Shit [Merde Politique] Oscar P. rassemble
certaines des réactions de sympathisants et membres du parti politique
de Toledo, ajoutant :
Qui dans le pays peut offrir le luxe que Alejandro Toledo a donné à sa belle-mère ? Regardez, sa belle-mère a déjà accumulé presque 4 millions de dollars en propriétés et c'est clair qu'avant que Toledo garde le silence et un jour avant de se commémorer une date de plus de cet incident tragique comme l'Holocauste a lâché la nouvelle et s'est abrité derrière le fait que sa belle-mère était une victime et a donc de l'argent caché.
Edu, dans le blog Coyuntura Peruana [Conjoncture péruvienne], prend la défense de l'ancien Président Toledo et écrit :
C'est sûr que tout type d'enquête n'est pas inutile, cependant ça me paraît être une exagération (non le fait d'enquêter mais l'attitude et le traitement de l'actualité) ce que ces journalistes rapportent concernent l'achat que Dama Eliane Karp, la maman de l'ancien président, a fait. [...] Ou les journalistes qui critiquent cet acte (je parle de l'achat) ne savent peut-être pas que tant l'ancienne Première Dame que le Président Toledo n'ont pas travaillé toute leur vie pour avoir l'argent qu'ils auraient pu rassembler, le fruit de son effort sa vie durant.
Pour sa part, l'ancien Président Alejandro Toledo (ci-contre) a déclaré que
c'était une tentative pour l'affaiblir politiquement, et bien qu'il ait
dit ne pas savoir au juste qui en est l'instigateur, il a cité le fujimorisme. Et son ancien ministre, Juan Sheput accuse le gouvernement d'être responsable de la fuite de documents d'enquête sur les achats immobiliers.
Jorge Muguerza Sotomayor, dans le blog Gestypro pensait de manière similaire mais regardait dans une autre direction :
Qui veut abattre Toledo ? Nadine ou García ? Qui va le convaincre de ne plus apparaître dans les médias ? Nadine est intéressée par l'élection et Toledo n'est pas un opposant simulé, mais un allié du gouvernement. Toledo a déjà creusé sa propre tombe électorale. L'AGP veut détourner l'attention de ses propres actes de gouvernement liés à la corruption ? On remet le compteur à zéro. Ce qui intéresse plus c'est ce rideau de fumée.
Alejandro Toledo est arrivé à Lima jeudi dernier 23 mai, et a fixé un rendez-vous avec la Commission fiscale du Congrès pour lundi 27 mai à 10h. Le sujet va continuer à faire les gros titres.
Source : Global Voices