de surveillance des USA
concernent les droits de tous
Par Ellery Roberts Biddle · Traduction de Henri Dumoulin
Les révélations de la semaine dernière concernant les programmes de suveillance des communications téléphoniques et internet de l’Agence nationale de sécurité (NSA) des
États-Unis, ont envoyé une onde de choc dans ce pays, dans les médias
occidentaux mais aussi un peu partout dans le monde. Alors qu'aux USA,
de nombreux législateurs soucieux de respect de la vie privée et les
défenseurs des droits numériques sur Internet se sont servis de la
nouvelle comme d'une opportunité pour exiger une plus grande protection de
la vie privée en ligne des seuls citoyens des Etats-Unis, les
utilisateurs d'Internet dans le reste du monde s'interrogent sur la
protection de leurs propres données sauf à fermer leur compte Google,
récupérer leur profil Facebook et disparaître dans la nature.
Les documents exfiltrés par l'employé de Booze Allen, sous-traitant de la NSA, Edward Snowden ont
confirmé que des compagnies téléphoniques comme Verizon et AT&T
transmettaient à la NSA des données concernant les appels de leurs
clients à l'aide d'un système couvert par le secret et l'absence de
responsabilité.
On y apprend que la NSA applique un critère imprécis pour le statut d'étranger conditionnant la possibilité de soumettre à surveillance les communications d'une personne dans le cadre de la Loi de surveillance des renseignements étrangers (FISA) [fr] et l’article 215 du PATRIOT Act [fr] des Etats-Unis - Des utilisateurs qui parlent avec des personnes d'autres pays pour
n'importe quelle raison allant de la planification d'attaques
terroristes à la simple demande de nouvelles de leur famille, peuvent
être l'objet d'une surveillance.
Les documents révélaient aussi les détails d'un programme de surveillance d'Internet dénommé PRISM, qui permet à la NSA et au Bureau Fédéral d'Investigation (FBI) d'obtenir
de vastes quantités de données sur les utilisateurs et les
communication de la part des principales sociétés d'Internet telles
Google, Facebook et Microsoft. Si de nombreux aspects de ce programme restent obscurs,
la nouvelle a abasourdi les défenseurs internationaux des droits
numériques.
Les mouvements de défense du Royaume-Uni ont écrit une lettre ouverte au
Premier Ministre David Cameron, condamnant la surveillance par le
gouvernement des Etats-Unis de citoyens britanniques et exigeant des
sauvegardes vigoureuses pour la vie privée numérique au Royaume-Uni. En
même temps, une coalition internationale de défenseurs agit
pour que le Conseil des droits de l'homme de l'ONU convoque une réunion
extraordinaire afin de discuter la question et de développer des
recommandations pour les Etats membres.
Si certains voient dans ces révélations une opportunité de promouvoir
des lois plus solides chez eux, d'autres redoutent que les Etats-Unis,
traditionnellement engagés à “donner l'exemple,” aient fixé un nouveau
standard mondial, très bas, de protection de la vie privée en ligne.
“Ces fuites révèlent une violation des droits élémentaires de
n'importe quel citoyen, peu importe dans quel pays il se trouve”, a dit Wafa Ben Hassine,
une défenseure tunisienne des droits de l'homme et membre de l'ACLU, à
Global Voices Advocacy : elle rappelle que les Tunisiens sont familiers
de cette surveillance généralisée : “le gouvernement tunisien à l'époque
de Ben Ali s'est permis d'espionner pendant des décennies les
communications Internet de n'importe quel citoyen”.
Elle souligne
l'intérêt de profiter de ce moment pour que les responsables politiques
mettent en place des Lois protégeant les droits du numérique.
Alberto Cerda, avocat des droits de l'homme et directeur du programme international de l'organisation chilienne Droits du numérique [espagnol],
signale que dans ce pays le gouvernement a fait “son devoir” dans le
domaine de la législation mais que cela n'est même pas un début de
solution.
Ceci montre bien qu'une solution locale est insuffisante étant donné que la violation des droits fondamentaux a un caractère mondial. À quoi me sert une protection au Chili si en réalité c'est le gouvernement des États-Unis qui viole mes droits ?
Cette interrogation est évidemment celle de nombreux internautes.
Kasia Szymielewicz directrice de l'organisation pour les droits numériques en Pologne Panoptykon souligne que les actes de la NSA violent la politique de
protection des données numérique de l'Union Européenne qui vise à
assurer une plus grande protection qu'aux États-Unis contre
l'utilisation de données numériques privées concernant des particuliers
ou des entreprises.
Elle a déclaré à Global Voices Advocacy :
Personne ne s'attendait à ce que la NSA ou le FBI, ait un accès direct aux serveurs des compagnies. Cela veut dire en pratique que toutes les données numériques des citoyens européens peuvent être utilisés abusivement sans protection juridique. Selon les normes européennes et même dans le cadre de l'application de la loi on ne peut absolument pas accepter cette pratique.
Certains voient dans les caractéristiques du programme PRISM un motif
de promouvoir le secteur d'activité Internet au niveau national : Anja Kovacs, directrice du projet Internet democracy à
Delhi en Inde, affirme que le collectif des FAIs (fournisseurs d'accès
Internet) de l'Inde voit dans cette menace la possibilité de faire
pression sur les entreprises multinationales pour qu'elles utilisent des
serveurs dans le pays. Cette mesure donnerait au gouvernement indien un
plus grand pouvoir juridique et de contrôle sur les données des
utilisateurs locaux et les efforts du gouvernement américain pour les
obtenir.
Mme Kovacs relève également que l'association a eu raison de pointer
“la duplicité des entreprises ayant leur siège au États-Unis qui
refusent l'accès à leurs informations au gouvernement indien alors
qu'elles le permettent au gouvernement américain”. Tout en avertissant
que “ce dernier point est parfois formulé en termes très nationalistes
en appelant à des solutions qui pourraient bénéficier à l'État indien
mais pas nécessairement aux internautes de ce pays”. Beaucoup de
militants indiens affirment que les efforts pour mettre en place des
serveurs dans ce pays sont principalement animés par les désirs du
gouvernement d'un plus grand contrôle sur les communications en ligne.
Wafa Ben Hassine a également affirmé la nécessité de voir plus d'entreprises ayant leur siège hors des États-Unis.
Ce contrôle de la NSA doit être une leçon pour tous les pays. La clé pour assurer la confidentialité et faire respecter les droits numériques en ligne passe par le développement de plates-formes et de serveurs locaux disponibles au niveau mondial. Notre dépendance vis-à-vis de la “grande technologie” nord-américaine est en partie responsable de ce problème.
Les militants spéculent également sur les conséquences des
révélations concernant la NSA sur la mise en place de politiques au
niveau national sur le thème de la vie privée.
Carlos Afonso, expert en gouvernance d'Internet et directeur du groupe brésilien des droits sur Internet Instituto Nupef [en
portugais] évoque la Loi de protection des données au Brésil qui sera
présentée au Congrès dans un futur proche. Afonso demande que les débats
futurs sur ce thème soient transparents et ouverts à toutes les parties
concernées. Ce débat devra comporter des garanties pour que ce droit de
protection soit garanti par le pouvoir politique, avec une
participation de tous les secteurs de la société civile concernés.
Mme Szymielewicz espère que ces révélations stimuleront un plus grand
effort de l'Union Européenne sur la protection des données, et note que
l’ “affaire PRISM” a déjà déclenché un “débat sérieux” au sein des
institutions européennes. Elle déclare également que cette annonce
pourrait avoir l'effet contraire à celui attendu dans de nombreux pays y
compris dans sa Pologne natale.
Il y existe un risque que les autorités polonaises et les organismes de sécurité se rapprochent de la NSA et du FBI et demandent même un accès plus complet à toutes nos données dans un but de sécurité publique, abaissant par là-même notre norme de protection juridique.
Alors que continuent à paraître de
nouvelles informations autour de cette affaire, les législateurs et les
défenseurs des droits numériques doivent prendre en compte les
implications mondiales de ces programmes et les volontés de surveillance
numérique des gouvernements de tous pays. A l'époque du numérique il
n'est pas possible de tracer une ligne de séparation entre les
communications des citoyens ou résidants d'un pays et les étrangers. Les
gouvernements doivent chercher à développer des politiques qui
s'ajustent à cette nouvelle configuration et protègent également la
liberté des usagers.
Source : GLOBAL VOICES