dimanche 9 septembre 2012

Etats-Unis, Barack Obama et les électeurs latinos-américains

Julian Castro, 
un espoir latino
 pour l'après
Barack Obama ?
 
Par Jolpress
 
 « Au cœur de la tempête, Julian se cramponne à ses convictions » : Julian Castro, jeune maire de San Antonio, a été choisi pour prononcer le discours principal de la convention nationale démocrate, qui se tiendra du 4 au 6 septembre à Charlotte (Caroline du Nord). Dans « American Stories : Ils vont changer l'Amérique » (Editions Nil), Louise Couvelaire dresse le portrait de cette étoile montante du parti... (Extraits).

Pendant plusieurs mois, Louise Couvelaire est partie à la découverte de cette jeunesse américaine. Elle a sillonné les États-Unis, est allée à leur rencontre, elle a partagé leur quotidien, suivi leurs pas. Chaque histoire est singulière, aucune n'est anecdotique. Chacun d'entre eux incarne un mouvement plus vaste, un changement, une rupture avec le passé, un passé avec lequel ils veulent rompre, tout en préservant les valeurs qui, selon eux, ont fait la grandeur de leur pays. 

Raconter leurs vies, dresser leurs portraits, c'est plonger au cœur de cette Amérique qui tente de relever la tête. Une Amérique qui crée, qui innove et se cherche un nouvel avenir.

Ici, elle dresse le portrait de Julian Castro, jeune maire de San Antonio qui prononcera le discours principal de la convention nationale démocrate. Une opportunité pour cette étoile montante du parti de reproduire ce qu'avait fait avant lui un certain sénateur démocrate de l'Illinois, en 2004. Ce « keynote » aura-t-il le destin d'un « Obama latino » ?

Extraits de « American Stories : Ils vont changer l'Amérique » de Louise Couvelaire
 
Julian Castro sourit, serre des mains à la chaîne, prend la pose devant les objectifs et se fend de quelques civilités d’usage. Mais il a l’air un peu mal à l’aise, un peu timide, Julian, un peu raide, comme encombré par son propre corps. Il n’est pourtant pas très grand, un mètre soixante-quinze, ni particulièrement costaud. Les cheveux noirs lustrés et plaqués en arrière, les dents impeccablement alignées, il porte un costume gris foncé légèrement brillant, une chemise blanche et des souliers si bien cirés qu’on peut se voir dedans. Il se tient debout, aux côtés de trois immenses poubelles, les nouvelles écostations dispatchées aux quatre coins de la Villita, le cœur de la ville. (...)

C’est la fête annuelle de San Antonio, au Texas. Julian Castro est le représentant de l’autorité locale. Il a été élu maire en 2009. Il a trente-six ans, il est latino, il est démocrate. Sur les terres de Bush. (…)

Le Texas figure parmi les États les plus à droite des États-Unis. En 2003, maires, gouverneur, juges…, tous les représentants appartenaient au parti républicain. Jamais un candidat démocrate à la présidentielle n’a jugé opportun de consacrer trop de ses forces à tenter de conquérir les voix des cow-boys. Pas même Barack Obama. Si, en 2008, il a réalisé une meilleure performance que ses prédécesseurs, il était cependant loin d’égaliser les scores. Le parti républicain l’a emporté haut la main. Grâce, notamment, aux suffrages des Latinos. Au Texas, ils représentent une manne électorale considérable, soit 36 % des électeurs. Catholiques et souvent pratiquants, depuis plus d’une décennie, ils étaient majoritairement républicains, valeurs morales obligent. Mais, plus la droite durcit ses positions en matière d’immigration, plus elle pousse les Hispaniques à rejoindre les rangs du parti démocrate.

Au cours des dernières années, quelques bastions texans ont viré à gauche, notamment les villes frontière. En 2010, la loi de l’Arizona a détourné les Hispaniques encore un peu plus de leur affiliation passée : elle autorise les forces de l’ordre à arrêter toute personne en cas de « délit présumé », dès lors qu’elles ont un « soupçon raisonnable » quant à la légalité de la présence d’un individu sur le territoire. Les leaders latinos du pays ont violemment dénoncé les dangers de la stigmatisation de leur communauté, certains ont même comparé cette décision à de l’apartheid. En revanche, la population a majoritairement soutenu cette loi. Un sondage a révélé que 49 % des citoyens estimaient que les Hispaniques n’étaient pas américains. Avec la crise, les tensions s’accentuent.

Les Américains se crispent, ils craignent pour leurs emplois, jugent les immigrés responsables de la baisse des salaires et redoutent les statistiques : les Hispaniques sont devenus la première minorité du pays, ils sont plus de cinquante millions aux États-Unis, soit plus de 15 % de la population totale. Selon les projections du Bureau du recensement, d’ici à 2050, ils représenteront un quart de la population. Il n’y aura plus de majorité raciale ou de groupe ethnique majoritaire, la part des Blancs non hispaniques sera passée sous la barre des 50 %.

Au cœur de la tempête, Julian se cramponne à ses convictions : « J’essaie d’être pragmatique, dit-il. Toutes les solutions ont déjà été envisagées par le passé, la seule chose sur laquelle on peut véritablement innover, c’est la méthode, j’essaie donc de prendre mes décisions non pas en fonction d’une idéologie mais du bon sens. Il est dangereux d’exacerber les divisons, il faut à tout prix éviter l’affrontement systématique et au contraire s’unir. » Il se veut rassembleur. En témoigne son communiqué concernant la loi de l’Arizona : « Le Texas est depuis longtemps un exemple, il montre que deux pays voisins peuvent coexister de façon bénéfique pour l’économie de l’Amérique. Une loi comme celle de l’Arizona est un camouflet à cette tradition. » On est loin des réactions enragées des membres de sa communauté.




Julian n’est pas du genre à s’emporter, il est réservé, mesuré, parle avec précaution, en marquant de longues pauses. Sa personnalité, calme et sérieuse, lui vaut toute l’attention de Washington et de ses pairs. Certains le voient déjà à la Maison Blanche, ses supporters parlent de lui comme de l’« Obama latino ». À cette allusion, Julian reste évasif, il commente modestement : « J’ai l’intention de rester huit ans à la tête de San Antonio. Si je fais du bon travail, j’aviserai… ». En temps et en heure.


INFORMATIONS sur Louise Couvelaire : elle a été journaliste au Nouvel Observateur pendant plus de dix ans. Elle a débuté sa carrière à New York, en tant que correspondante adjointe, avant de rejoindre le service « Economie », puis le « ParisObs », tout en collaborant aux rubriques « Société », « Monde » et « Dossiers ». Elle est régulièrement retournée aux États-Unis pour Le Nouvel Observateur, Le Monde 2 et la revue XXI. En octobre 2008, elle a publié un essai sur la campagne présidentielle américaine intitulé Desperate White House.


« American Stories : Ils vont changer l'Amérique », Editions Nil (13 octobre 2011).



Sources : Jolpress
Crédit  photo : TEDxSanAntonio/Flickr cc.