RSF : Lettre aux parlementaires européens
INTERVENTION AUPRÈS DE LA SOUS-COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME DU PARLEMENT EUROPÉEN
INTERVENTION AUPRÈS DE LA SOUS-COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME DU PARLEMENT EUROPÉEN
Invitée, le 18 septembre 2012 à Bruxelles, par la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen à un examen de la situation au Venezuela, Reporters sans frontières rend public le contenu de son intervention. La situation à l’approche du scrutin présidentiel du 7 octobre 2012, souligne l’urgence de certaines recommandations que l’organisation réaffirme en cette occasion.
Mesdames, Messieurs les Député(e)s
La campagne pour l’élection présidentielle du 7 octobre prochain résume à elle seule toute l’ampleur de la polarisation citoyenne, politique et médiatique générée ces dernières années au Venezuela. La liberté d’informer, que Reporters sans frontières a mandat à défendre, et le débat démocratique espéré à la veille d’un vote aussi crucial auront cédé comme jamais devant l’invective, la haine, le discrédit personnel et, trop souvent, la violence physique. Notre principal motif de préoccupation.
Mesdames, Messieurs les Député(e)s
La campagne pour l’élection présidentielle du 7 octobre prochain résume à elle seule toute l’ampleur de la polarisation citoyenne, politique et médiatique générée ces dernières années au Venezuela. La liberté d’informer, que Reporters sans frontières a mandat à défendre, et le débat démocratique espéré à la veille d’un vote aussi crucial auront cédé comme jamais devant l’invective, la haine, le discrédit personnel et, trop souvent, la violence physique. Notre principal motif de préoccupation.
Stigmatisation systématique des journalistes
Notre organisation n’ignore pas la part de responsabilité des médias eux-mêmes – qu’ils soient publics ou privés - dans un tel climat. Elle explique, pour partie, la stigmatisation récurrente des journalistes de terrain en fonction de leur média d’appartenance.
L’agression, le 9 septembre dernier, de la journaliste Lorena Benítez – issue du Système national des médias publics qui inclut notamment la principale chaîne d’État, Venezolana de Televisión (VTV) – par des partisans du candidat d’opposition Henrique Capriles Radonski, est l’un des exemples récents de cette situation.
Des militants progouvernementaux portent, de même, la responsabilité des violences subies le 12 septembre dernier à l’aéroport de Puerto Cabello, par le photographe et collaborateur de l’Agence France-Presse Geraldo Caso Bizama, venu couvrir la visite du candidat d’opposition.
L’insécurité, alimentée par l’hystérie partisane, affecte même des journalistes issus des rares médias tenant d’une ligne modérée, comme cette équipe du quotidien Últimas Noticias, prise dans un échange de tirs à la périphérie de Caracas, le 2 septembre.
Reporters sans frontières a dénombré une quarantaine d’agressions de ce type au cours de l’année 2012.
S’y ajoutent une dizaine de cas d’attentats ou sabotages contre des
rédactions. Au-delà de la gravité de ces faits, parfois impunis, nous
condamnons leur instrumentalisation par la classe politique à des fins
de propagande qui, en définitive, les encourage.
C’est pourquoi nous avons suggéré, sans succès jusqu’à présent, le traitement de toutes les agressions contre la profession liée au contexte électoral par une juridiction unique, fonctionnant en relation avec les organisations professionnelles de toutes sensibilités.
C’est pourquoi nous avons suggéré, sans succès jusqu’à présent, le traitement de toutes les agressions contre la profession liée au contexte électoral par une juridiction unique, fonctionnant en relation avec les organisations professionnelles de toutes sensibilités.
Parole publique confisquée
Pour le gouvernement, la polarisation médiatique extrême qui affecte le pays doit, à l’origine, à l’attitude plus que complaisante des principaux médias privés lors du coup d’État avorté contre Hugo Chávez en avril 2002.
Reporters
sans frontières reconnaît qu’à l’époque, ces derniers ont
dangereusement outrepassé le rôle informatif qui devait être le leur.
Nous
rappelons néanmoins qu’aucun représentant des médias concernés n’a fait
l’objet de la moindre procédure judiciaire, comme attendu en ce genre
de circonstances.
Surtout,
cet épisode a servi d’argument à une véritable contre-offensive, à la
fois médiatique et législative, préjudiciable à la liberté d’informer.
Nous ne contestons pas à l’État vénézuélien le droit de développer un service audiovisuel public.
Nous ne contestons pas à l’État vénézuélien le droit de développer un service audiovisuel public.
Nous
lui reprochons, en revanche, de s’en servir pour ériger la vindicte
publique et la théorie du complot permanent en système de communication.
Formuler une critique ou interpeller le pouvoir revient à “insulter le peuple” ou “déstabiliser la Nation”.
Cette
“guerre médiatique”, qui s’applique également aux ONG, tient lieu de
ligne éditoriale au sein des médias d’État, actuellement au nombre de
sept (VTV, Vive TV, Asamblea Nacional TV, Tves, Ávila TV et Telesur)
pour la partie télévisuelle ; et de trois (Radio Nacional, YVKE Mundial
et Rumbos) pour la partie radiophonique.
L’offensive
continue se diffuse en particulier à travers les messages à caractère
officiels ou cadenas, détournés en harangue sans limite de durée par
Hugo Chávez en personne et imposés au même moment à toutes les antennes
(hors diffusion internationale).
Avec
2000 cadenas prononcées entre le 3 février 1999, date de sa première
investiture, et le 3 février 2010, le président Hugo Chávez aura parlé
l’équivalent de deux mois plein sans interruption.
Ce
décompte n’inclut pas le programme dominical, “Aló Presidente”, qu’il
anime lui-même sur VTV. De janvier à août 2012, ces cadenas se sont
chiffrées à 136 heures et 20 minutes d’antenne soit, par comparaison,
une semaine d’allocution ininterrompue.
Confiscation de la parole publique, perturbation volontaire de la programmation audiovisuelle, et au final vecteur d’une forme de censure, les cadenas doivent faire l’objet d’une régulation encadrant réellement leur contenu et leur durée, sinon être affectées à une seule chaîne publique dans leur forme actuelle.
Un cadre légal dangereux et inadapté
Dégradée par une tendance, hélas partagée au sein des médias, à privilégier l’attaque partisane sur l’information, la liberté d’informer se trouve également entravée par un cadre légal devenu de plus en plus restrictif.
Confiscation de la parole publique, perturbation volontaire de la programmation audiovisuelle, et au final vecteur d’une forme de censure, les cadenas doivent faire l’objet d’une régulation encadrant réellement leur contenu et leur durée, sinon être affectées à une seule chaîne publique dans leur forme actuelle.
Un cadre légal dangereux et inadapté
Dégradée par une tendance, hélas partagée au sein des médias, à privilégier l’attaque partisane sur l’information, la liberté d’informer se trouve également entravée par un cadre légal devenu de plus en plus restrictif.
Outre
de la réforme du code pénal, en 2005, qui aggrave les peines de prison
en cas de “diffamation” et d’“injure”, les difficultés viennent de la
loi de responsabilité sociale en radio et télévision, adoptée en 2004 et
étendue à Internet en 2010.
Sa
formulation pose déjà question en raison de clauses trop imprécises
justifiant d’une amende voire de suspensions contre des médias, comme
“inciter ou promouvoir l’apologie du délit”, “répandre la panique parmi
les citoyens ou altérer l’ordre public”, ou encore “déconsidérer les
autorités légitimement constituées”.
Une autre clause de la loi punit les contenus “incitant à la propagande de guerre”.
La sanction s’appliquera-t-elle à une propagande gouvernementale qui promet la “victoire ou la guerre civile” ?
Le
problème majeur vient de l’application sélective de la loi, qui ne
concerne jusqu’à présent que les médias réputés critiques, dont, à
nouveau, la chaîne Globovisión, condamnée en juin 2012 à une amende de
deux millions de dollars pour sa couverture de mutineries pénitentiaires
à Caracas en juin 2011.
Tout en plaidant pour une dépénalisation des délits de presse, Reporters sans frontières recommande une complète révision de la régulation de l’espace de communication – en particulier audiovisuel – à l’appui d’une juste répartition des fréquences et, le cas échéant, d’une limitation extrêmement précise de certains contenus hors de toute considération idéologique.
Tout en plaidant pour une dépénalisation des délits de presse, Reporters sans frontières recommande une complète révision de la régulation de l’espace de communication – en particulier audiovisuel – à l’appui d’une juste répartition des fréquences et, le cas échéant, d’une limitation extrêmement précise de certains contenus hors de toute considération idéologique.
Le 6 septembre 2012, le
gouvernement vénézuélien a dénoncé la Convention américaine des droits
de l’homme. Au-delà d’un préavis d’un an à compter de cette date, le
pays, s’il maintient sa décision, ne sera plus assujetti aux
juridictions interaméricaines (Commission et Cour interaméricaine des
droits de l’homme).
Affaiblissant
un système interaméricain des droits de l’homme déjà fragilisé par les
velléités de réforme de certains Etats membres de l’OEA, ce retrait
vénézuélien prive les citoyens du pays d’une importante garantie de
protection des libertés publiques et individuelles.
Source : Reporters Sans Frontières
RSF - bureau des Amériques