samedi 8 septembre 2012

Venezuela, Hugo Chavez coupable "d'antisémitisme" ?

Le président Hugo Chavez mènerait une campagne "antisémite", ou les paradoxes d’un journalisme de propagande?

 

Par Ivan de la Pampa 

Encore une fois, le plat est resservi d’un Chavez «antisémite», plus exactement « la campagne de Chavez », si l’on reprend les mots de l’auteur sur son blog, Paolo Paranagua : «Les dérapages antisémites de la campagne de Chavez au Venezuela», lire ci-après :

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Paolo Paranagua n’aime pas le président vénézuélien et c’est son droit. Mais Paolo Paranagua, ce n’est pas vous et moi, c’est un journaliste d’un média important. Un homme de plume, qui parfois a le bon goût de parler de sujets peu relatés sur l’Amérique Latine. 

Le but n’est pas de lui contester son métier de journaliste, mais de ne pas perdre son temps dans des colères ne nous concernant pas et n’expliquant rien sur le Venezuela. S’il sait manier le langage et jouer de la forme, il n’est pas obligé de prendre ses lecteurs pour des demeurés incapables de se faire une idée, sauf à leur sortir une vieille bouillie. C’est la réaction première à la lecture de cet article accusateur, mais dont le contenu n’a rien de neuf. La forme pose un sérieux problème et nous renvoie à la question de l’objectivité et du tir croisé entre opposants et partisans de Chavez.

Point besoin de prononcer le nom de Dany Cohn-Bendit, qui avec son fusil à tirer dans les coins compare Chavez au président extrême droitier de Hongrie, Viktor Orban. Même au fin fond du département de la Creuse, on a droit au couplet Chavez « dictateur », sans que par ailleurs la personne ne sache quoi que ce soit du Venezuela, ou que ce que peut lui donner à dire les médias conventionnels. Sur le fond pas grand-chose s’écrit sur ce pays, mais sur la forme, bonjour les clichés, les raccourcis de la pensée que les politiques et les journalistes aiment à nous offrir. Quand le gouvernement français est amené à rencontrer des diplomates latino-américains ou des élus de même rang, souhaitons que les particularismes de chacun restent dans un placard.

C’est une redite cet antisémitisme que l’on voudrait coller à la peau d’Hugo Chavez. Qu’il existe parmi les partisans de Chavez des antisémites, oui certainement, mais si c’est le cas au Venezuela, attention « L’antisémitisme des Vénézuéliens » est à analyser non pas sous un angle comparatif entre nos deux pays, mais selon sa nature propre et ses lectures latino-américaines. S’il existe une nation en Europe n’ayant pas encore finie avec ses dérapages incontrôlés contre la communauté juive, il n’y a pas besoin de se précipiter de l’autre côté de l’Atlantique. Il suffit de regarder au-devant de son paillasson. Trois enfants juifs tués à bout portant à Toulouse et des adolescents violemment pris à partie à Lyon quelques semaines après, tout cela s’est passé en France en 2012, et pas semble-t-il, à Caracas.

Et si l’on prend en compte la montée en puissance des organisations d’extrêmes droitières et droites ultras dans toute l’Europe. J’aurais plutôt tendance à peser mes mots. Par ailleurs, je chercherai plutôt dans les soutiens francophones de Chavez, mais certainement pas tous. Il existe quelques individualités médiatiques bien de chez nous, dont un de ses tristes sires a été plusieurs fois condamnés par la justice française pour antisémitisme. Mais ce n’est pas parce quelques individus de « gauche » sont passés armes et bagages avec la droite du FN, que l’on peut prouver l’antisémitisme de Chavez. Ce petit jeu est malsain et n’aboutit qu’à nourrir une polémique stérile de plus, et à jouer une fois de plus avec le feu. 


Revenons-en à ce qu’a pu écrire Monsieur Paranagua sur son blog : « Mais Chavez ne s’est pas contenté de pointer du doigt Capriles comme « candidat de l’étranger » : il est passé de « candidat anti-patrie » à « candidat apatride ». Ce glissement est lourd de sens. Dans le premier cas, on est dans le système binaire, pour ou contre, ami ou ennemi. Dans le second cas, on désigne un candidat qui n’a pas de patrie, qui n’a pas sa place dans le concert des nations. Appliqué à Capriles Radonski, catholique d’origine juive, il renvoie implicitement à la figure du juif dépourvu de patrie, le juif de la diaspora, le juif errant. ». La première chose qui vient à l’esprit c’est l’usage de mots sortis d’un contexte, dans ce cas, il est difficile de juger, de se faire une idée fiable, à ce titre il est possible de faire tout dire à n’importe qui avec ce type de rhétorique.

Pour un homme commençant son article, par un appel à la modération, Paolo Paranagua n’y va pas par quatre chemins, c’est brut de décoffrages... Oui incontestablement le discours de campagne de Chavez ne fait pas dans la subtilité, mais le raccourci est assez surprenant. Pourquoi se poser la question des origines du candidat de l’opposition ? Apparemment, Enrique Capriles Radonski ne s’est pas converti, mais un de ses parents ou aïeul au catholicisme, et le nom Radonski évoque surtout un nom venu de l’Est de l’Europe, sans plus. Pourquoi dans ce cas avoir fouillé dans ses origines et par finir par cette référence surprenante de « juif errant », une vision très chrétienne des choses, me semble t-il ou dès plus étrange... Il y aurait beaucoup à dire sur l’antisémitisme chrétien en Amérique Latine et un travail considérable sur les liens entretenus par les fascistes et nazis des deux versants depuis des décennies avec la bénédiction d’une partie non négligeable de l’Eglise catholique Romaine sur le continent américain.

Il y a eu en tout et pour en douze ans de Chavisme, deux incidents à forts relents antisémites, l’un s’étant produit à la fin 2004 lors d’une perquisition dans une école de confession juive, puis plus récemment une descente à la Grande Synagogue de Caracas avait provoqué des dégâts et quelques graffitis antisémites. Rien qui ne m’était directement en cause Chavez. La seule casserole que l’on lui connaît fut son amitié avec le négationniste argentin (décédé) Norberto Ceresole, et que son entourage avait pris soin d’expluser dans son pays à son arrivée au pouvoir. On peut douter de ses amitiés diplomatiques notamment avec l’Iran ou la Syrie, mais là aussi quand il s’agit de la France, nous sommes sur un terrain glissant. Ce n’est pas parce que quelques crétins chavistes vénézuéliens ont écrit des conneries qu’il faille, hurler à l’antisémitisme. Ils ne se glorifient pas à écrire sur les vieux bruits de chiotte circulant sur les autoroutes de l’information.

Que le conflit Israélo-palestinien  soit l’objet de toutes les ignorances et préjugés, cela ne fait aucun doute. Mais le problème ne se limite pas à un seul pays, quand peu de personnes sont en mesure d’aligner une explication historique de ce qu’est le Sionisme et ses courants politiques, et si ici les amalgames fait sur le sionisme à des signes patents d’un antisémitisme endémique ou millénaire. 

Au Venezuela, le problème est entier mais pas dans les mêmes termes ou proportions de violence verbale ou écrite, et encore moins physique. La synagogue de Caracas jouxte la Grande Mosquée, sans que cela n’engendre la moindre tension communautaire. De plus, il doit exister un peu moins de 30.000 juifs de confession dans le pays, et au passage, ils disposent d’associations, d’un grand Rabbin, donc des relais au sein de la société civile nationale et internationale, mais jusqu’à présent personne n’a constaté au sein de la communauté juive vénézuélienne de véritables attaques contre les biens ou les personnes.

Racisme et antisémitisme sont deux fléaux universels, ils frappent sans distinction des enfants, des femmes et des hommes de tous âges et de toute condition sociale. L’on peut tenter de temps à autre des comparaisons, se draper d’indignation face à des propos choquants, mais il n’y a pas besoin d’en rajouter, sauf à jeter du discrédit et mener sa petite campagne électorale. Et c’est très choquant, cette promotion d’un candidat de droite comme Enrique Capriles. Une figure du populisme faussement social-démocrate et de la tentation putschiste jamais lointaine, soit à ce point défendu. 

Et Chavez jeté une fois de plus « aux chiens », ne permettra pas d’expliquer ou de comprendre la complexité de cette nation bicentenaire, dont les racines ou les origines sont héritières du républicanisme social hexagonal.