JORGE VIDELA
EST MORT
Par le Collectif Argentin de la Mémoire
« Tant qu’il est disparu, il ne peut recevoir de traitement spécial, c’est une inconnue, c’est un disparu, il n’a pas d’entité, il n’est…ni vivant ni mort, il a disparu » ; voilà ce que disait le dictateur Jorge Videla lors d’une conférence de presse en 1979. Celui qui fut autrefois l’homme fort de la dictature génocidaire qui avait pris d’assaut le pouvoir le 24 mars 1976 quand commença la nuit la plus sombre et sanglante de notre histoire, définissait ainsi les 30.000 compañeras et compañeros disparus.
La semaine dernière, à 87 ans, prisonnier dans une cellule de droit commun, la mort l’a trouvé. Depuis le 5 février, il était jugé par le Tribunal oral fédéral du crime n° 1 de la capitale fédérale, pour crimes contre l’humanité commis dans le cadre de l’Opération Condor.
Il a présidé le Pouvoir exécutif jusqu’en 1981. Après la récupération de l’Etat de droit, il fut jugé en 1985 et condamné à la prison à perpétuité et à la destitution de son rang militaire dans le procès historique aux Juntes durant le gouvernement de Raúl Alfonsín.
Après seulement cinq ans de prison effective, il fut gracié en 1990 par Carlos Menem. Ce fut le début des années d’impunité. En 1998, il fut arrêté quelques jours dans la prison de Caseros pour le vol de bébés puis la justice lui concéda le droit à l’arrestation à domicile.
Suite à la décision du gouvernement national en 2003 du Président Néstor Kirchner, de promouvoir les procès pour crimes contre l’humanité et d’abroger les lois d’amnistie, il est transféré à la prison de Campo de Mayo. En 2010, il est jugé dans la province de Cordoba et le 22 décembre de cette année, condamné à la prison à perpétuité à accomplir dans une prison de droit commun pour crimes de lèse-humanité.
Le 5 juillet 2012, lors d’un autre procès historique, il est condamné à 50 ans de prison après qu’un tribunal l’ait déclaré coupable du plan systématique d’appropriation de bébés perpétré pendant la dernière dictature civile-militaire.
Le 24 mars 2004, le président Néstor Kirchner donnait l’ordre de retirer le cadre de Videla et de Reynaldo Bignone de la galerie de photos du Collège militaire El Palomar. Le même jour, la cour de l’ancienne Ecole de mécanique de la Marine de guerre (ESMA) fut rendue au public et fonctionne actuellement comme l’Espace pour la mémoire, la promotion et la défense des droits humains.
Nous regrettons que Videla n’ait jamais apporté aucune information qui aurait permis aux familles –et à toute la société argentine- de savoir où étaient chacun des 30.000 militants détenus-disparus pendant la dictature.
Il nous est également douloureux que Videla, avec sa mort, ait emporté toute les informations qui auraient pu aider à ce que les plus de 400 jeunes qui sont toujours appropriés puissent connaître leur véritable identité.
La face la plus visible du plan d’extermination prémédité est morte dans le silence sur ses crimes et sans la moindre repentance. Il aura une sépulture, droit qu’il a nié à 30.000 compañeras et compañeros.
Il est mort coupable, condamné par la Justice pour quelques uns de ses innombrables crimes, grâce à la lutte opiniâtre des organisations de défense des droits humains et à la décision politique des trois pouvoirs de l’Etat de donner réalité aux bannières de la Mémoire, de la Vérité et de la Justice.
Il est de la responsabilité de nous tous et des générations futures que leurs noms restent gravés pour toujours dans la mémoire collective comme synonymes de génocide, torture, assassinat, appropriation, anéantissement et mort.
30 mille compañeros Détenus-Disparus !
Présents ! Maintenant et pour toujours !
Présents ! Maintenant et pour toujours !