Yolanda Oquelí, à droite sur la photo
© Frère des Hommes
Par Cecilia Díaz
Il est de ces histoires qui témoignent à elles seules de la réalité de nombreuses communautés rurales guatémaltèques confrontées à l’arrivée sur leur territoire d’une entreprise prédatrice. Celle de Yolanda en est une. Yolanda Oquelí est une femme de 33 ans, mariée et mère de deux enfants. Elle est fort investie dans la vie de sa communauté à San Juan el Golfo, une petite ville située à une trentaine de kilomètres de la capitale, Ciudad de Guatemala : « J’ai aidé ma sœur dans son magasin et plusieurs familles qui n’avaient pas d’argent pour acheter des produits de première nécessité, c’est pour cela que je suis connue ici. »
Cet engagement a failli connaître une fin tragique un soir de juin 2012, quand une balle tirée par un inconnu a manqué de la tuer. « Ce n’était apparemment pas mon heure, raconte Yolanda en souriant. Par miracle, je peux continuer à marcher, même si on n’a pas pu extraire la balle de mon dos. ».
Quand l’attentat est survenu, Yolanda quittait La Puya, un campement de fortune que sa communauté avait établi en guise de protestation pour bloquer l’entrée de la mine El Tambor. Après quatre mois de convalescence, elle a regagné sa communauté pour poursuivre la résistance pacifique. « Je crois que j’ai une mission et je dois l’accomplir : être aux côtés de toutes celles et ceux qui défendent les droits de nos communautés. »
Boom minier
Au Guatemala comme dans toute l’Amérique latine, l’industrie minière
connaît une forte croissance depuis plusieurs années. Cet essor génère
de nombreux conflits là où les entreprises s’installent. C’est le cas de
la mine d’or El Tambor exploitée par Exploraciones Mineras de
Guatemala, une filiale de Kappes, Cassiday & Associates (Etats-Unis)
et de Radius Gold Corp (Canada). Celle-ci a initié ses opérations en
2011 sur 1 200 km2 entre les villes de San Pedro Ayampuc et San José el
Golfo. Les habitants s’y sont vivement et rapidement opposés.
En novembre 2012, des hommes de main envoyés par l’entreprise sont
venus intimider et provoquer les résidents. Des insultes grossières
furent proférées en public à l’encontre de Yolanda et de dirigeants.
Des organismes de défense des droits humains ont pu enregistrer ces
propos déplacés. Les femmes de la communauté ont adopté une position
pacifique, elles se sont avancées et ont chanté pour faire taire les
injures proférées par les sbires de l’entreprise. Yolanda prône la
non-violence active, l’unité, la cohérence et la détermination à
défendre la communauté.
Former pour agir
La résistance à la mine El Tambor est devenue un symbole de la
lutte pacifique des populations qui cherchent à faire valoir leurs
droits. Plusieurs organisations sociales guatémaltèques soutiennent
activement cette lutte. C’est le cas du Comité d’unité paysanne (CUC)
qui a installé un stand solidaire à côté du campement de la communauté.
Pour ce mouvement paysan, il s’agit de défendre le territoire face aux
entreprises qui essayent de profiter des communautés pauvres et sans
protection.
Les Services juridiques et sociaux (SERJUS), est une
association qui, à l’instar du CUC, est soutenue depuis la Belgique par
l’ONG Frères des hommes et l’Opération 11.11.11. Elle apporte un soutien
concret à la communauté, en renforçant l’organisation communautaire à
travers la formation des dirigeants. En 2012, juste avant son agression,
Yolanda avait commencé avec enthousiasme les cours de l’école nationale
des SERJUS.
La formation « former pour agir » est destinée à renforcer
les actions des dirigeants comme Yolanda. Elle comptait ainsi améliorer
son travail de leader par une connaissance plus approfondie de la dure
réalité des mouvements guatémaltèques. Et par une meilleure organisation
des communautés indigènes à défendre leurs droits face aux
multinationales prédatrices. En particulier dans un pays où les
entreprises minières peuvent user librement de l’eau et de produits
chimiques, alors que le pays est signataire de la convention n° 169 de
l’OIT qui protège le droit des populations indigènes.
Yolanda pense aujourd’hui reprendre la formation, indispensable pour
mener à bien sa lutte pacifique. Son souhait étant que les communautés
gagnent enfin la bataille et puissent démarrer des projets bénéfiques à
toute la population.
Fiche du projet
Où ? San Pedro Ayampuc et San José el Golfo, Guatemala
Contexte ! Face au développement de l’industrie extractive, les conflits entre entreprises et communautés rurales au Guatemala sont en forte croissance. Les communautés doivent lutter pour faire valoir leurs droits.
Qui ?
Quoi ? Le programme « Former pour agir » a pour objectif de former les paysans et les dirigeants communautaires à devenir acteurs de leur société et à ainsi faire valoir leurs droits.
Pour cela, le CUC et le SERJUS dispensent des formations dans les écoles populaires.
Source : CNCD 11.11.11 (Bruxelles Belgique)