mardi 14 mai 2013

Brésil, corporatisme et dépenses sans financements

"Le Brésil qui patine" : 
lois du travail 
et dépenses sans rentrées

 

Par Jean Jacques Fontaine

70 ans de lois sur le travail et 18 millions de travailleurs sans contrat d’emploi en bonne et due forme, soit 20% de toute la main d’œuvre du pays. C’est un constat bien amer, qui a terni la célébration 70ème anniversaire de la CLT, la « Consolidation des Lois du Travail », fêté le 1er mai par les différents syndicats du pays. La CLT a été instaurée en pleine dictature, par Getúlio Vargas, à la fin des années 1930, et ses 922 articles s’inspirent des lois corporatistes du fascisme mussolinien d’alors. 

Le Brésil qui patine I : l’enfer des lois sur le travail

Ces 922 articles sont toujours en vigueur aujourd’hui, paralysant le marché du travail et augmentant singulièrement le coût de production. C’est ainsi que les employeurs doivent obéir à 1’700 règles, normes et directives différentes lorsqu’ils engagent un salarié.

Le coût de l’heure de travail est ainsi de 11,65 US$ au Brésil contre 6,48 au Mexique, certes, encore sans comparaison avec le coût horaire des Etats-Unis (35,53 US$) ou de la France (42,12 US$), mais largement plus élevé que dans les autres pays émergents et les voisins latino-américain. Ceci pour une productivité brésilienne qui est à la traîne de ces pays.

Autre boulet imposé par la CLT, la cotisation syndicale obligatoire, que chaque patron et chaque employé est tenu de verser mensuellement. Un impôt social parmi d’autres, mais dont la caractéristique c’est qu’il est entièrement reversé aux syndicats. Lesquels ne se privent pas de se multiplier à vitesse grand V pour profiter de cette manne, dont le montant total s’élève à 2,4 milliards de R$ par an (1,2 milliards de CHF / 920’000 d’€).

C’est ainsi que chaque année 250 nouveaux syndicats voient le jour. Ils sont aujourd’hui 15’000 au total, 2’050 ont été créés depuis 2005. Cela forme une nébuleuse d’entités sans force et sans coordination, que n’arrive plus à contrôler les principales centrales syndicales, et qui alimente une armée de bureaucrates. 

« La réforme syndicale est encore plus urgente que la réforme des lois du travail » affirment les juristes, mais aussi un nombre non négligeable de leaders syndicaux.
 

Le Brésil qui patine II : trop de dépenses, pas assez de rentrées…

L’industrie déçoit, le gouvernement continue à gaspiller et l’inflation monte… Au terme de ce premier trimestre 2013, les chiffres ne sont pas conformes aux attentes. Les analystes prévoyaient une augmentation de la production industrielle de 1,3% en mars par rapport à février, elle n’a été que de 0,7%. 

Un  très mauvais indicateur, alors que le secteur des machines avait déjà reculé de 2,7% en 2012 et qu’on attendait une récupération cette année. Seule consolation, une relative croissance des biens de capitaux. Cela laisserait supposer que l’industrie s’équipe pour pouvoir répondre à une augmentation de la demande au second trimestre 2013. En y regardant de plus près, ce n’est pas si sûr : l’essentiel de ces investissements concernent l’achat de véhicules, et plus particulièrement de camions, mais pas de machines.

Pendant ce temps, les pouvoirs publics continuent allègrement à dépenser plus qu’ils n’encaissent : 4,6% de dépenses de plus durant les 3 premiers mois de 2013, en comparaison avec la même période de 2012 et un repli de 2,55% des rentrées fiscales. L’Etat, toujours aussi dépensier, donne un mauvais signal, qui contribue à alimenter l’inflation. 

C’est devenu une préoccupation de premier plan pour la Banque centrale et les autorités depuis qu’elle a crevé le plafond admis de 6,5%. C’était en avril et cela menace de ne pas faiblir durant le reste de l’année, alors que la reprise économique est plus anémique que prévu.

Pour faire face à ce scénario, le gouvernement étudie de nouvelles coupes budgétaires, pour un montant variant de 25 à 35 milliards de R$. Le chiffre est bien inférieur à celui des économies qui étaient discutées en 2012, 50 milliards de R$, car le gouvernement ne veut pas entrer sur le terrain des mesures d’austérité pour ne pas compromettre la fragile relance. Il a donc les mains liées par la nécessité de procéder à des investissements importants dans les infrastructures afin de redonner au pays un peu de compétitivité.
Les analystes anticipent maintenant que l’objectif fiscal de dégager un surplus de 159 milliards de R$ en fin d’année, nécessaire pour assurer le financement des intérêts de la dette, ne sera pas atteint. 

C’est sans conséquence à cours terme pour l’équilibre de la balance des payements, le Brésil est aujourd’hui peu endetté, mais ces révisions successives à la baisse et le maintien d’un niveau trop élevé des dépenses de l’Etat contribuent à décrédibiliser la politique économique des autorités et, en conséquence, affaiblissent sa position sur les marchés.



Source : le blog de Jean-Jacques Fontaine "VISION BRéSIL"