ne peut être que partielle
pour les Colombiens,
mais nécessaire ?
Par Lionel Mesnard
En quelques jours ce sont 8 amérindiens de Colombie qui ont
perdu la vie, ainsi qu’un responsable autochtone Wiwa, Pedro Loperena ayant
connu un attentat à l’explosif contre son domicile, heureusement n’ayant fait
aucune victime parmi ses proches. Le président colombien Juan Manuel Santos a
aussi pris la décision de protéger 90 journalistes colombiens et dénonçant un
complot (1), récemment des menaces de mort avaient été proférées contre 8
d’entre eux dans le nord du pays selon Reporters sans Frontières (2). La
situation reste toujours aussi préoccupante dans les campagnes, même si, il est
possible de constater une embellie démocratique, une volonté de rompre le
silence dans les villes, la violence paramilitaire règne toujours et laisse
régulièrement son lot de victime.
Les discussions entreprises à la Havane continuent, et le
lieu clos des échanges pourrait amener à un arrêt des combats d’ici quelques
mois. Si la question d’une
amnistie est posée concernant les crimes contre l’humanité ou de guerre, aussi
bien pour le camp rebelle (FARC et ELN) que l’armée nationale, cette question
clef permettrait la fin des hostilités et dans le processus entrepris c’est une
étape à prendre en considération. Bien évidemment, les
défenseurs des Droits de l’Homme se manifesteront, ils auront vraisemblablement
gain de cause, mais pas avant de longues années.
Pourquoi ? Parce qu’en l’état, les Colombiens eux-mêmes
doivent inventer des mécanismes, pour s’attaquer à un à un aux déséquilibres
trop nombreux de ce pays, et qu’il est difficile de demander à des hommes en
arme de cesser de semer la terreur dans le pays, si à un moment ou à un autre,
« la paix des braves » n’est pas signée (3). Pas comme un point final à la mémoire
des victimes, mais comme un passage obligé. C’est même un peu toute l’épée de
Damoclès pour les belligérants, et l’amorce d’un processus politique est
nécessaire, même si la forme pose problème.
Il est important de souligner que la Colombie dispose depuis
1991 d’une constitution étonnante et remarquable en bien des points, pour
celles et ceux aimant les textes constitutionnels, ils trouveront là des puits de
bon sens, mais peut terminer sa lecture sur un constat, faut elle qu’elle soit
appliquée. Et par ailleurs que le Président Santos puisse assumer la transition
et d’ici au moins deux ans, et mettre un terme à un conflit qui aura cinquante ans
l’an prochain, si les discussions de la Havane ne portent pas leurs
fruits.
Mais les « si » n'auront aucun poids tant que les
choses ne seront pas actées, et il ne faut pas oublier que les populations civiles restent les cibles
favorites, des paramilitaires, des gangs locaux et mafias internationales. Que
régulièrement des attentats, par armes à feu, engins explosifs, des mines sur
le chemin de l’école viennent plomber des vies innocentes pour le contrôle de
territoire ou la circulation des trafics en tout genre (arme, drogue, …). Sans
omettre une situation environnementale ou l’industrie minière risque de
dévaster ou plus exactement à commencer à détruire des niches écologiques d’une
très grande importance.
Cet enfer colombien difficilement compréhensible pour qui
vit dans un pays ou l’état de droit fonctionne et ou la guerre semble
lointaine, doit amener à mieux comprendre notre monde. Pour comble, comme
n’importe quel pays où la complexité économique de la planète et les enjeux
politiques sont liés, le soutien du Pape François à la paix n’y suffira pas,
car les symptômes sont très lourds. Nul ne sait comment résoudre 500 ans
d’inégalité sociale et culturelle en un claquement de doigt, il faut s’armer de
patience et accompagner les Colombiens sur le chemin en l’état d’une paix
partielle et encore à venir.
Il y a tout à
gagner et à accompagner ce processus aux côté des artisans de la paix, et ne
serait-ce que pour la paix dans la région. Parce que ce conflit dépasse les
seules frontières très poreuses de ce pays avec tous ses voisins, et au-delà,
en prenant en considération ce qui se passe en Amérique Centrale. Aux concours
des violences criminelles, le Honduras est au plus haut (il a été fait
récemment état d’une criminalité de plus de 80 homicides pour 100.000
habitants, faisant du Honduras le pays le plus dangereux au monde) et en
remontant sur le Mexique, la nature des meurtres, des actions commises contre
des victimes civiles explosent dans toute la région, et cela n’a rien de
nouveau.
S’il n’y avait pas les ONG pour informer opiniâtrement sur
les situations vécues par les victimes, cela pourrait passer inaperçu, tant la
question politique et économique est indissociable, et sachant que la paix
n’est jamais chose gagnée. Si l’on peut se réjouir d’un Rios Montt, ancien
dictateur du Guatemala soit condamné pour ses crimes, les plaies, les problèmes
récurrents sont toujours à vif et nombres de criminels bien à l’abri. Et ceux
qui sont à combattre en Colombie sont toujours en activité et il est compliqué
de distinguer la part criminelle et politique, comme aux pires moments de la
présidence d’Alvaro Uribe (2002-2010).
La résolution du conflit avec l’ELN et les FARC-EP en
Colombie, ne va pas résoudre l’ensemble des problèmes, ils peuvent même en
créer de nouveau. Mais face à la résolution d’un problème en cachant deux
autres : celui des trafics en général, et la question d’un développement social
et économique équilibré pour la Colombie, passant avant tout par une grande
refondation démocratique, pour que peu à peu, ce pays puisse trouver un équilibre
qu’il n’a jamais connu et mérite.
Le temps des mémoires n’est pas fini. Une fois de plus 8
amérindiens ont été assassinés par les FARC en ce mois de mai 2013 dans le
département du Cauca, et un amérindien Wiwa et sa famille sont passés près de
la mort suite à un attentat contre sa maison dans le département de César (lire
l’article en espagnol, cliquez ici !).
Sans parler des menaces téléphoniques, écrites nombreuses venant des divers
groupes paramilitaires clairement fascistes et visant à imposer un ordre de
terreur comme il se vit dans ce pays depuis 65 ans.
La somme des problèmes est telle et la liste des crimes bien
loin d’être close, pour prendre chaque problème à la racine, et s’il est
possible de trouver une concorde civile, il faudra aussi soutenir ce pays dans
ses démarches et faire preuve d’originalité, et admettre que de multiples
changements sont à opérer. Et des financements pouvant aller soutenir la paix
et accompagner ces changements, dans le tout le pays, semble le chemin à
ouvrir.
Aider directement ceux qui en besoin est une évidence. Il
faudra bien un jour sécuriser l’ensemble du pays et des départements comme
l’Arauca, l’Amazone, le Cauca, le Choco, le Santander, le Putumayo, de César,
du Narino et d’autres connus pour leurs conflits entrecroisés, ils auront besoin
de moyens spécifiques et l’application du droit pour tous à vivre en paix et d’être protégé de toutes formes de criminalités, des enjeux
cruciaux pour l’avenir de cette nation et pour toutes ses populations (lire en
espagnol la déclaration de 9 organisations européennes sur la place des populations amérindiennes, cliquez ici ! ).
Notes :
(1) Bogota dévoile un complot visant des journalistes
réputés
Le gouvernement colombien a fait état mardi d'un complot
monté par une organisation criminelle contre plusieurs journalistes réputés,
deux semaines après la tentative d'assassinat d'un reporter d'investigation.Le
président Juan Manuel Santos a annoncé que l'Etat avait décidé de renforcer la
protection de 90 journalistes au total. L'enquête a été confiée au procureur
général Eduardo Montealegre.
Le directeur de l'agence publique chargée de la
protection des personnalités, Andres Villamizar, a déclaré qu'un tueur à gages
se trouvait à Caracas pour éliminer l'éditorialiste Leon valencia, l'analyste
Ariel Avila et le reporter Gonzalo Guillen. Les journalistes sont fréquemment
la cible d'attaques et de menaces en Colombie de la part de politiciens
corrompus, de parrains de la drogue, de rebelles marxistes ou de groupes
paramilitaires d'extrême droite, qui cherchent ainsi à les faire taire sur les
dossiers qui pourraient nuire à leurs intérêts.
Le complot révélé par Bogota est probablement lié à une
enquête sur les liens entre paramilitaires et politiques lors des dernières
élections municipales en 2012, avance Leon Valencia, un ex-rebelle marxiste,
éditorialiste au respecté magazine Semana. "Bien sûr que nous avons peur car les gens impliqués
sont très puissants et n'ont aucune limite", a-t-il dit à Reuters.
Il y a
deux semaines, Ricardo Calderon, un journaliste d'investigation, a échappé de
peu à une embuscade au cours de laquelle sa voiture a été criblée de balles
alors qu'il revenait à Bogota après un reportage sur des infractions dans une
prison militaire. (Source : Les Echos
via l’agence Reuters)
(2) HUIT JOURNALISTES MENACÉS DE MORT DANS LE NORD DU PAYS
« Huit journalistes ont été menacés de mort sur une
liste noire signée du "Groupe anti-restitution des terres", apparue
le 6 mai 2013 à Valledupar, dans le département de Cesar, au nord du pays. Le
texte – assorti de la photo d’une mitraillette – indique que ces professionnels
des médias ont 24 heures pour quitter la ville, et leur conseille de cesser de
couvrir les sujets liés aux restitutions de terres, sous peine d’être
assassinés. Le tract constitue un avertissement à "tous les journalistes",
considérés comme des "objectifs militaires" ». (Source RSF en français – Cliquez ici !)
(3) « La
paix des braves » Au sens général « On appelle Paix des Braves une
proposition ou des accords de paix à des conditions honorables en considération
de la bravoure des belligérant »,
selon Wikipedia, mais d’autres interprétations sont possible selon les pays et
les époques.