Pour la première fois depuis l’élection d’Enrique Peña Nieto,
Barack Obama a effectué, le 2 mai 2013, une visite officielle au Mexique.
L’occasion de revenir sur les enjeux principaux de la relation
américano-mexicaine. Une relation paradoxale : « L’histoire d’un Etat est toujours en même temps une partie de l’Histoire des Etats voisins ».
Aucune relation entre deux pays ne peut davantage correspondre à cet
adage que celle entre les Etats-Unis d’Amérique et le Mexique (de son
vrai nom «États-Unis mexicains »).
Ainsi, l’histoire de ces deux pays,
qui partagent 3 200 kilomètres de frontière, est indissociable : Mexico
et Washington se sont tout d’abord affrontés au cours du 19ème
siècle.
Entre 1836 et 1853, le Mexique perdit près de 2 millions de Km² au profit de son voisin du nord : Cette zone qui comprend notamment le Texas, le Nouveau Mexique, l’Arizona et la Californie est devenue aujourd’hui une aire d’intense métissage culturel qui symbolise à merveille l’interpénétration entre les deux pays (cet espace intermédiaire à cheval sur les deux pays est parfois appelé « Mexamérica »).
Entre 1836 et 1853, le Mexique perdit près de 2 millions de Km² au profit de son voisin du nord : Cette zone qui comprend notamment le Texas, le Nouveau Mexique, l’Arizona et la Californie est devenue aujourd’hui une aire d’intense métissage culturel qui symbolise à merveille l’interpénétration entre les deux pays (cet espace intermédiaire à cheval sur les deux pays est parfois appelé « Mexamérica »).
Au 20ème siècle, les
relations entre ces deux nations ont été marquées par les trafics en
tout genre le long de la frontière, par des flux de marchandises de plus
en plus importants créant une interdépendance économique et enfin par
une immigration massive de Mexicains au Etats-Unis.
La relation entre ces deux pays est paradoxale, à la fois symbiotique
et antagoniste. Tout semble opposer ces deux nations qui atteignent
pourtant un degré d’interpénétration rarement égalé. Les Etats-Unis sont
un pays majoritairement protestant et anglo-saxon qui domine le monde
depuis plus d’un demi siècle et se targue d’une longue tradition
démocratique.
Le Mexique est un pays hispanique et catholique qui n’a
pas encore totalement achevé sa transition démocratique et qui est
fragilisé par une corruption endémique. Si le Mexique possède la 11ème économie mondiale, il doit aussi faire face à une pauvreté massive touchant quasiment la moitié de sa population.
Les enjeux des relations américano-mexicaines
Au cours de sa visite à Mexico, Barack Obama a abordé avec Enrique
Peña Nieto les trois enjeux majeurs des relations américano-mexicaines :
les questions sécuritaires, l’immigration et l’économie.
La gestion de la frontière entre les deux pays est
un enjeu-clef des rapports bilatéraux. Cette frontière de 3 200 km avec
les Etats-Unis, en partie naturelle (Rio Bravo), connaît un trafic
journalier de 8000 véhicules et 300 000 personnes avec passeport. Le
poste frontière entre San Diego (Etats-Unis) et Tijuana (Mexique) est le
plus fréquenté au monde.
Devant le flux de personnes et de
marchandises, il est impossible pour les autorités américaines de
contrôler toutes les entrées sur le territoire national. Une délinquance
spécifique due à tous les trafics (drogues, armes, faux-papiers, traite
des femmes …) couverts et parfois aidés par la police mexicaine, s’est
développé depuis longtemps le long de cette frontière et perdure
aujourd’hui.
La frontière est souvent lieu d’affrontements (5 000 morts
en 15 ans selon la commission nationale des droits de l’homme à Mexico).
Cette criminalité s’explique en partie par le trafic de drogue et la
lutte entre les cartels mexicains pour le contrôle de cette région
stratégique. Le trafic de cocaïne rythme ainsi le quotidien de la
frontière (entre 75 et 90% de l’approvisionnement du marché américain
transite par le Mexique).
Sous le prétexte de lutter contre l’insécurité
et le terrorisme (empêcher des membres d’Al Qaida de s’infiltrer aux
Etats-Unis par la frontière Mexicaine), le gouvernement américain a
promulgué, en novembre 2006, une loi pour la construction d’une
« clôture » de 1200 km, instaurant une véritable militarisation de la
zone.
Un des enjeux lié à la frontière entre les deux pays est l’immigration illégale massive
de Latino-Américains (majoritairement des Mexicains) aux Etats-Unis.
La frontière entre le Mexique et les Etats-Unis est le principal couloir
migratoire au monde.
Chaque année un million de personnes tentent de
rejoindre « l’eldorado Américain » et environ 500 000 y parviennent.
Entre 2001 et 2008, George W Bush a multiplié les surenchères pour
tenter de rendre hermétique cette frontière. Aujourd’hui, plus 12
millions de migrants illégaux sont déjà sur le sol américain dont 75 %
d’hispaniques et 59% Mexicains.
Les Latino-Américains représentent
désormais 16.3% de la population des Etats-Unis
En cette période de
crise économique, le sujet de l’immigration illégale est au cœur du
débat politique. Beaucoup accusent les immigrés latinos d’occuper les
emplois des travailleurs Américains. Certains responsables politiques
américains estiment aussi que l’arrivée massive de clandestins est une
menace pour la cohésion sociale et la sécurité du pays.
Mais de nombreux
chefs d’entreprises s’accommodent très bien de cette situation qui met à
leur disposition une « armée » d’immigrés illégaux près à effectuer les
travaux les plus pénibles pour $5 de l’heure. Aujourd’hui, l’économie
américaine, particulièrement dans les Etats du sud est totalement
dépendante des travailleurs illégaux hispaniques.
Outre le la sécurité aux frontières et la question migratoire, c’est la situation sécuritaire alarmante au Mexique
qui représente le principal enjeu pour la sécurité américaine. Depuis
2004, ce pays est en proie à une guerre des territoires entre les
« cartels de la drogue », des organisations criminelles transnationales
parmi les plus puissantes de la planète.
L’enjeu pour les cartels réside
dans le contrôle du marché local, et du trafic vers les États-Unis,
premier consommateur mondial de cocaïne.
En 2006, le précédent Président
mexicain, Felipe Calderón, décida, dès le début de son mandat, de faire
appel à l’armée pour reprendre le contrôle des territoires contrôlés
par les narcotrafiquants. Cette stratégie de militarisation du conflit
se révèle être un échec total.
Le nombre de victimes de la violence
criminelle depuis décembre 2006 s’élève à plus de 70 000, ce qui en fait
l’un des conflits les plus meurtriers de la planète pour cette période.
Dès 2009 le général Barry Mc Caffrey, l’ancien chef de la lutte
anti-drogue sous la présidence de Bill Clinton, déclarait ceci : « le Mexique est au bord de l’abîme et pourrait devenir un narco-Etat dans les dix ans à venir ».
Les Etats-Unis s’inquiètent donc d’avoir comme voisin un Etat qui a atteint la zone dite «d’alarme» au sein du classement mondial des Etats défaillants réalisé par le Fonds pour la paix et la revue « Foreign Policy ». De
plus, la majorité des régions les plus touchées par la “guerre des
cartels” (Chihuahua, Tamaulipas, Coahuila et Nuevo León) se trouvent le
long de la frontière avec les Etats-Unis.
Les autorités américaines
redoutent par ailleurs une contagion du conflit mexicain sur leur propre
territoire. L’Etat du Texas a ainsi été le théâtre au cours de l’année
2011 d’une augmentation sensible du nombre de morts liés au narcotrafic.
Enfin, mis à part les questions de sécurité, l’autre enjeu principal concernant le Mexique est d’ordre économique.
Entré en vigueur le 1er janvier 1994, l’Accord de Libre-échange Nord
Américain (ALENA) a fortement contribué à rapprocher le Mexique de son
voisin du Nord.
Les échanges commerciaux entre le Mexique et les
Etats-Unis ont atteint un nouveau record (370 milliards d’euros en
2012), correspondant à une augmentation de 12% par rapport à l’année
précédente. Le Mexique est ainsi devenu en 2012 le troisième partenaire
commercial des Etats-Unis (après l’Union Européenne et le Canada),
dépassant la Chine, alors que Washington est le premier partenaire
commercial de Mexico.
Le dynamisme de la relation commerciale entre les
deux pays s’explique notamment par leur proximité géographique,
l’appréciation du yuan chinois face au peso mexicain et la présence
d’une main d’œuvre qualifiée et bon marché au Mexique