Sur le Rio Madeira,
des Amazoniens
en colère !
Par Pública - Agence de journalisme d’investigation ·
Traduction de Henri Dumoulin
Les plaintes pour promesses non tenues sont nombreuses chez
les habitants des rives du Rio Madeira qui ont quitté leur commune de Velha
Mutum (Vieux Mutum) pour aller
vivre à Nova Mutum état du Parana (maquette de la ville en une), cité construite par l'entreprise brésilienne Energia
Sustentável pour héberger d'abord les ingénieurs puis les ouvriers du complexe
hyodroélectrique de Jirau. Sônia Cabral Costa, ex-habitante de velha Mutum,
aujourd'hui propriétaire d'une boutique de vêtements, se pose des questions:
Ils ont promis qu'il y aurait ici des collèges, des industries, des milliers
d'emplois…où sont-ils ?
Rien de cela n'a été fait. Certains ont une bonne rente de
situation et continuent à croire en ce que l'entreprise a promis.
Cette année,
le neveu de Sônia achève l'école primaire. L'année prochaine, il sera obligé de
faire 30 km tous les jours pour étudier à Jaci Paraná. Il y avait dans les
promesses de l'entreprise la construction d'une école primaire et d'un collège.
En réalité, les deux écoles ont été construites mais le problème
est que l'une d'entre elles a été transférée au secteur privé : à la porte du
Collège Einstein, une pancarte avec le logo de l'usine rappelle que le bâtiment
a été construit avec des fonds de la Banque nationale de développement
économique et social (BNDS).
Ne peuvent y être admis que les élèves dont les parents
peuvent payer des mensualités de 240 Reais ou 200 Reais si on est enfant de
“Camargueiro”, nom donné par les habitants aux employés de l'entreprise Camargo
Corrêa qui pilote les chantiers des centrales hydroélectriques.
Alors que le collège privé a 20 élèves par classe, l'école
publique en a plus de 40 et fonctionne aussi la nuit pour répondre à la
demande. Neida Rodrigues dos Santos, sous directeur de l'école municipale,
raconte:
L'année dernière, plus de 230 élèves n'ont pas été inscrits par manque
de place
Les parents sont venus pleurer à ma porte mais on ne savait pas où
les mettre : « Ce devait être municipal mais on avait besoin d'une
école pour les enfants des ingénieurs et la Jirau s'est tournée vers le privé,
je ne vois pas où est le problème” déclare Pedro Bébert, responsable de la gestion des fonds de
compensation sociale gérés par la mairie. S'ils payent les enseignants, la
mairie n'a pas intérêt à gérer cette école ».
Ces problèmes d'infrastructures sont également courants dans
les autres sites créés par Jirau et Santo Antônio pour héberger la population
rurale qui devait être déplacée. Une plainte fréquente concerne l'odeur d'égout
dans les maisons : les travaux
d'assainissement ont été faits à des endroits trop proches des zones
inondables.
Du fait de l'expansion de la retenue d'eau, la nappe
phréatique remonte et provoque un débordement des égouts et des fosses
septiques. Enfin, tous insistent sur la grande difficulté qu'ils rencontrent
pour cultiver quelque chose. Ces riverains ont été expulsés des rives du fleuve
naturellement fertilisées par les crues et installés sur des terres achetées à des “fazendeiros” où
certains élevaient du bétail.
Le projet initial tablait sur un déplacement de 2 849
personnes, 1 087 dans la zone inondée par Jirau et 1 762 dans celle inondée par
Santo Antônio. Selon le Mouvement des sinistrés par les barrages, il y aurait
aujourd'hui 4 325 personnes déplacées où indirectement sinistrées par la montée
des eaux.
Le projet Amazônia Pública a mobilisé trois équipes de
reporters de l'Agence publique de reportage et de journalisme d'Investigation
qui ont travaillé sur trois régions amazoniennes entre juillet et octobre 2012.
Tous ces reportages ont pour but de chercher à comprendre la
complexité des grands projets actuellement en cours en Amazonie, leurs
multiples négociations et articulations politiques, d'entendre les différents
acteurs (gouvernement, entreprises, société civile) pour analyser le contexte
dans lequel ils se développent. La ligne générale de ces reportages s'oriente
toujours, comme le travail de l'Agence, vers l’intérêt public.
Il s'agit de décrire l'impact des négociations politiques
et économiques sur la vie de la population.
Note :
Ceci est le 3 ème article du reportage « Vies
en transit », d’Ana Aranha, sur l'impact des grands chantiers du Rio
Madeira en Amazonie dans l'état de Rondônia au Brésil, fait partie d'un dossier
spécial, « Amazônia Pública, » de Publica, l'Agence Publique de
journalisme.
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Source : Global Voices