vendredi 21 décembre 2012

Chute de la 1ère République Confédérale du Venezuela

1812, la revanche de l’Espagne sur Francisco de Miranda et le jeune Bolivar dans la tourmente


Par Lionel Mesnard

Cette année 1812 sera marquée par plusieurs événements importants qui coûteront aux indépendantistes et à la nouvelle République du Venezuela. La deuxième République sera promulguée en août 1813 suite à l’échec de la Première République Confédérale et l’arrestation de Francisco de Miranda un an auparavant. Fait marquant, le Généralissime Francisco Miranda, responsable de la défense du pays sera sacrifié ou livré aux anciens colons suite à la chute de Puerto Cabello, qui était sous le commandement du colonel Bolivar.

Miranda en capitulant face à l’ennemi le 25 juillet 1812 s’en suivra la fin de la première République et la victoire de toutes les haines qu’il a pu concentrer sur lui. Il est un ennemi à abattre depuis sa rupture avec l’Espagne monarchique, notamment après avoir passé armes et bagages du côté de l’indépendance étasunienne.

Miranda, rapports de force et la junte de Caracas

Au Venezuela, l’adhésion à l’indépendance est loin d’être unanime, ou ne pouvait se faire qu’au prix de ne pas toucher à l’édifice social raciste.  Ce qui sera venu de la bourgeoisie et de la noblesse locale fut surtout le résultat de la montée sur le trône d’Espagne du frère de l’empereur des Français, Joseph Bonaparte en 1808.

Le retour de Ferdinand VII en 1813 et aussi  l’implication des Britanniques dans cette région du monde (qui deviendra plus tardivement la Grande Colombie) permet le renforcement des troupes coloniales et au Général de Monteverde de reprendre le Venezuela au nom de l’Empire espagnol, cette même année de 1812.

La junte de Caracas (ou junte provinciale) qui se constitua à la chute de Ferdinand VII à Bayonne, fit appel dés 1809 à celui qui pouvait faire penser au pire des renégats ou fomenteur de révolution.

Qui valut néanmoins à Miranda de remporter la décision de cette assemblée de notables (auto-désignés), malgré l’opposition forte de la part de la noblesse à ce que l’on puisse faire appel à cet exilé et traître à la patrie espagnole. Et sans, que celui-ci en soit  informé avant que ne se rende une délégation à  son domicile londonien et avec à sa tête Simon Bolivar, qui mit près de 6 mois à le convaincre de rejoindre la junte.

Le contexte de l’année 1812

L’année 1812 est une année plus que difficile pour la révolution d’indépendance, en mars une secousse de grande amplitude provoque à Caracas et dans la région un désastre effroyable, plus de 10.000 morts (sur quelques dizaines de milliers d’habitants). La ville voit la plupart de ses habitations effondrées. Caracas est un amas de ruine où la décomposition des corps et la peur des survivants se côtoient. Le tremblement de terre est vécu au sein de la population comme une épreuve « divine ».

Bolivar face à ce sinistre  déclara « Si la nature s'oppose à nous, nous la combattrons et ferons en sorte qu'elle nous obéisse ». Si cette phrase marque la détermination du jeune Bolivar, elle ne sera pas pour autant accueillie avec la même volonté.

Si quelques mois auparavant, la déclaration d’indépendance de la métropole espagnole est promulguée, le 5 juillet 1811, la nouvelle République reste fragile et contestée en son propre sein en raison de la liberté octroyée aux esclaves et la fin, du tribut payé par les populations amérindiennes.

En plus, le contexte en Europe n’est plus vraiment en faveur d’une émancipation possible, l’échec de Napoléon 1er en Espagne et l’entrée des troupes anglaises de Wellington à Madrid (le 11 août 1812) marque un début de reconquête de la contre-révolution sur les territoires indépendantistes en Amérique du Sud et le retour de la couronne espagnole sur ses anciennes possessions.

La capitulation de San Mateo

En juin 1812, Francisco de Miranda est battu. « Après avoir mandaté auprès du Commandant Général des troupes de la Régence Espagnole à une conférence, deux mandataires devant s'en remettre à l'armée de la Confédération du Venezuela, et ayant déjà envoyé le passeport leur devant servir de sauf-conduit à leur passage jusqu'à la ville de Valencia, sont effectivement nommés pour cette mission, les citoyens, José de Sata y Bussy, le général de l'armée, et Manuel Aldao, lieutenant-colonel d'ingénierie, accompagnés de leurs aides respectifs. Ces sujets sont autorisés à traiter et à stipuler avec don Domingo de Monteverde des mesures de conciliation entre les deux partis, en réservant son approbation et ratification au Généralissime de l’Armée du Venezuela, qui pour sa part les a nommés. »  F. de Miranda

Miranda va se mettre à dos son propre héritier spirituel

Simon Bolivar va le considérer comme un traître suite à sa capitulation intervenant en juillet, bien que Bolivar se soit révélé assez inconséquent à Puerto Cabello dans la défense de la forteresse. Il aurait préféré les plaisirs terrestres, plus que son rôle clef dans la défense  de ce point d’entrée majeur sur le pays que représentait la citadelle. Une erreur de jeunesse doublée d’une certaine impréparation, peut-on présumé. .

Ce fut une année obscure pour Simon Bolivar, ou la flamme de ce dernier l’amènera probablement à faire livrer Miranda à son pire ennemi Domingo de Monteverde. Lui qui sortit deux auparavant Miranda de sa retraite de Londres et l’aidera à prendre la tête des armées de la nouvelle République, et sera avec lui un des signataires de l’acte d’indépendance. 

Troublante contradiction, mais il difficile de ne pas attribuer au jeune Bolivar une responsabilité dans l’arrestation du précurseur de l’émancipation des nations latino-américaines.

Ségrégations au sein de la société vénézuélienne

Il existait au sein de la société vénézuélienne, une séparation nette entre différentes catégories de la population. A la tête de cette société sont les familles Mantuanes issues de la noblesse, à laquelle appartient Simon Bolivar y Ponte. Il est issu d’une famille considérée comme l’une des plus riches (en terres et mines) de ce qui fut la Capitainerie du Venezuela.

Les « blancs » représentaient environ 20% de la population et la noblesse un infime pourcentage. Les métis, noirs et amérindiens étant ramené chacun à une ségrégation propre, mais elles pouvaient aussi jouer en défaveur de « blanc » issu principalement de la bourgeoisie, comme les canariens.

Côté « tiers-état », des personnages comme Miranda et ses faux quartiers de noblesse, ou ceux que l’on désignait comme les colons des îles Canaries constituaient les classes bourgeoises ou marchandes, comme le fut son père qui vint s’établir au Venezuela au début du 18ème siècle comme marchand drapier.

Le père de Miranda fut frappé d’une interdiction qui l’humilia. Il n’a pas pu  porter son uniforme d’officier de la garde de Caracas, en raison du refus de la classe privilégiée, à l’idée de voir un Canarien à ce niveau de responsabilité. Certains y virent une haine tenace de Francisco Miranda à l’encontre de la noblesse (et adolescent au moment des faits).

Mieux vaut y voir une logique sociale très rigide allant des hidalgos ou nobles rentiers aux populations noires et autochtones.  Dans cet édifice social très rigide, raciste et organisé en tant que tel, la révolution d’indépendance ne prend pas fin, en décembre Simon Bolivar reprend le flambeau avec sa déclaration de Carthagène (Colombie ou Nouvelle Grenade), et qui préfigure un début de reconquête du Venezuela en 1813.


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