Par Lionel Mesnard
Cette année 1812 sera marquée par plusieurs événements
importants qui coûteront aux indépendantistes et à la nouvelle République du
Venezuela. La deuxième République sera promulguée en août 1813 suite à l’échec
de la Première République Confédérale et l’arrestation de Francisco de
Miranda un an auparavant. Fait marquant, le Généralissime Francisco Miranda,
responsable de la défense du pays sera sacrifié ou livré aux anciens colons
suite à la chute de Puerto Cabello, qui était sous le commandement du colonel
Bolivar.
Miranda en capitulant face à l’ennemi le 25 juillet 1812
s’en suivra la fin de la première République et la victoire de toutes les
haines qu’il a pu concentrer sur lui. Il est un ennemi à abattre depuis sa
rupture avec l’Espagne monarchique, notamment après avoir passé armes et
bagages du côté de l’indépendance étasunienne.
Miranda, rapports de force et la junte de Caracas
Au Venezuela, l’adhésion à l’indépendance est loin d’être
unanime, ou ne pouvait se faire qu’au prix de ne pas toucher à l’édifice social
raciste. Ce qui sera venu de la
bourgeoisie et de la noblesse locale fut surtout le résultat de la montée sur
le trône d’Espagne du frère de l’empereur des Français, Joseph Bonaparte en
1808.
Le retour de Ferdinand VII en 1813 et aussi l’implication des Britanniques dans
cette région du monde (qui deviendra plus tardivement la Grande Colombie)
permet le renforcement des troupes coloniales et au Général de Monteverde de
reprendre le Venezuela au nom de l’Empire espagnol, cette même année de 1812.
La junte de Caracas (ou junte provinciale) qui se constitua
à la chute de Ferdinand VII à Bayonne, fit appel dés 1809 à celui qui pouvait
faire penser au pire des renégats ou fomenteur de révolution.
Qui valut néanmoins à Miranda de remporter la décision de
cette assemblée de notables (auto-désignés), malgré l’opposition forte de la
part de la noblesse à ce que l’on puisse faire appel à cet exilé et traître à
la patrie espagnole. Et sans, que celui-ci en soit informé avant que ne se rende une délégation à son domicile londonien et avec à sa
tête Simon Bolivar, qui mit près de 6 mois à le convaincre de rejoindre la
junte.
Le contexte de l’année 1812
L’année 1812 est une année plus que difficile pour la
révolution d’indépendance, en mars une secousse de grande amplitude provoque à
Caracas et dans la région un désastre effroyable, plus de 10.000 morts (sur
quelques dizaines de milliers d’habitants). La ville voit la plupart de ses
habitations effondrées. Caracas est un amas de ruine où la décomposition des
corps et la peur des survivants se côtoient. Le tremblement de terre est vécu
au sein de la population comme une épreuve « divine ».
Bolivar face à ce sinistre déclara « Si la nature s'oppose à nous, nous la
combattrons et ferons en sorte qu'elle nous obéisse ». Si cette phrase
marque la détermination du jeune Bolivar, elle ne sera pas pour autant
accueillie avec la même volonté.
Si quelques mois auparavant, la déclaration d’indépendance
de la métropole espagnole est promulguée, le 5 juillet 1811, la nouvelle
République reste fragile et contestée en son propre sein en raison de la
liberté octroyée aux esclaves et la fin, du tribut payé par les populations
amérindiennes.
En plus, le contexte en Europe n’est plus vraiment en faveur
d’une émancipation possible, l’échec de Napoléon 1er en Espagne et
l’entrée des troupes anglaises de Wellington à Madrid (le 11 août 1812) marque
un début de reconquête de la contre-révolution sur les territoires
indépendantistes en Amérique du Sud et le retour de la couronne espagnole sur
ses anciennes possessions.
La capitulation de San Mateo
En juin 1812, Francisco de Miranda est battu. « Après
avoir mandaté auprès du Commandant Général des troupes de la Régence Espagnole
à une conférence, deux mandataires devant s'en remettre à l'armée de la
Confédération du Venezuela, et ayant déjà envoyé le passeport leur devant
servir de sauf-conduit à leur passage jusqu'à la ville de Valencia, sont effectivement
nommés pour cette mission, les citoyens, José de Sata y Bussy, le général de
l'armée, et Manuel Aldao, lieutenant-colonel d'ingénierie, accompagnés de leurs
aides respectifs. Ces sujets sont autorisés à traiter et à stipuler avec don
Domingo de Monteverde des mesures de conciliation entre les deux partis, en
réservant son approbation et ratification au Généralissime de l’Armée du
Venezuela, qui pour sa part les a nommés. » F. de Miranda
Miranda va se mettre à dos son propre héritier spirituel
Simon Bolivar va le considérer comme un traître suite à sa
capitulation intervenant en juillet, bien que Bolivar se soit révélé assez
inconséquent à Puerto Cabello dans la défense de la forteresse. Il aurait
préféré les plaisirs terrestres, plus que son rôle clef dans la défense de ce point d’entrée majeur sur le pays que représentait la
citadelle. Une erreur de jeunesse doublée d’une certaine impréparation, peut-on
présumé. .
Ce fut une année obscure pour Simon Bolivar, ou la flamme de
ce dernier l’amènera probablement à faire livrer Miranda à son pire ennemi
Domingo de Monteverde. Lui qui sortit deux auparavant Miranda de sa retraite de
Londres et l’aidera à prendre la tête des armées de la nouvelle République, et
sera avec lui un des signataires de l’acte d’indépendance.
Troublante contradiction, mais il difficile de ne pas
attribuer au jeune Bolivar une responsabilité dans l’arrestation du précurseur
de l’émancipation des nations latino-américaines.
Ségrégations au sein de la société vénézuélienne
Il existait au sein de la société vénézuélienne, une
séparation nette entre différentes catégories de la population. A la tête de
cette société sont les familles Mantuanes issues de la noblesse, à laquelle
appartient Simon Bolivar y Ponte. Il est issu d’une famille considérée comme
l’une des plus riches (en terres et mines) de ce qui fut la Capitainerie du
Venezuela.
Les « blancs » représentaient environ 20% de la
population et la noblesse un infime pourcentage. Les métis, noirs et amérindiens
étant ramené chacun à une ségrégation propre, mais elles pouvaient aussi jouer
en défaveur de « blanc » issu principalement de la bourgeoisie, comme
les canariens.
Côté « tiers-état », des personnages comme Miranda
et ses faux quartiers de noblesse, ou ceux que l’on désignait comme les colons
des îles Canaries constituaient les classes bourgeoises ou marchandes, comme le
fut son père qui vint s’établir au Venezuela au début du 18ème
siècle comme marchand drapier.
Le père de Miranda fut frappé d’une interdiction qui
l’humilia. Il n’a pas pu porter
son uniforme d’officier de la garde de Caracas, en raison du refus de la classe
privilégiée, à l’idée de voir un Canarien à ce niveau de responsabilité. Certains
y virent une haine tenace de Francisco Miranda à l’encontre de la noblesse (et
adolescent au moment des faits).
Mieux vaut y voir une logique sociale très rigide allant des
hidalgos ou nobles rentiers aux populations noires et autochtones. Dans cet édifice social très rigide,
raciste et organisé en tant que tel, la révolution d’indépendance ne prend pas
fin, en décembre Simon Bolivar reprend le flambeau avec sa déclaration de
Carthagène (Colombie ou Nouvelle Grenade), et qui préfigure un début de
reconquête du Venezuela en 1813.
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