L’appropriation étrangère et l’accaparement des terres
Dans le monde et en Colombie : « des affaires
socialement et humainement illégitimes »
Par Imelda Daza Cotes, traduction de Libres Amériques
Les pays ayant la plus forte consommation d'aliments et de biocarburants
sont de plus en plus dépendants des produits importés en provenance des marchés
dispersés et difficiles à contrôler. Cela les a amenés à élaborer une nouvelle
stratégie, définie comme «l'agriculture à l'étranger», dont l’objet est de
produire ailleurs ce qu’ils ne peuvent pas faire sur leur propre territoire, et
ils ont décidé d'acquérir par achat, location à long terme, usufruit ou
concession, de grandes étendues de terres agricoles dans d'autres pays.
De plus, la crise financière a déplacé les flux
d'investissements spéculatifs, sur le marché très rentable et sûr des terres
agricoles. Les litiges fonciers pour les cultures vivrières se sont intensifiés
et l’accaparement s’est accéléré à partir de 2001.
Plus d'une soixantaine de pays sont dans le collimateur de
centaines de groupes d'investissements étrangers et une douzaine d'Etats sont
désireux de contrôler les meilleures terres, ils ont déjà négocié environ 167
millions d'hectares et prennent le contrôle de toutes les ressources en eau, en
minéraux - se trouvant dans les aires cédées.
Les entreprises avancent à un rythme si rapide, qu'il est
estimé que d'ici 2012 ce chiffre devrait doubler. Chaque jour, il leur est
concédé des permissions, les sols sont défrichés et les espaces s'étendent ; de
nombreuses populations locales sont expulsées de leur lieu d'origine. Le
processus d'expansion et de restructuration des entreprises agroalimentaires
mondiales entraînant plus de pauvreté.
Les entreprises les plus actives sont les sociétés :
des groupes de l’agro-alimentaire, de l'industrie, et des fonds
d'investissement (ceux des pensions sont les plus grands investisseurs
institutionnels), un capital purement spéculatif.
Les gouvernements les plus intéressés par ces affaires sont
les États du Golfe, les Etats-Unis, une partie de l'Union européenne, la Corée
du Sud, la Chine, le Japon, l'Inde et l'Afrique du Sud, et les terres les plus
attractives sont en Amérique latine, en Afrique, en Australie et en Europe de
l'Est. La communauté internationale des institutions financières du FMI, de la
Banque mondiale et les banques de développement aide à promouvoir ces
entreprises.
Certaines personnes commencent à réagir et attribuent à la
crise alimentaire mondiale l'accaparement des terres. Au Mali (Afrique) s’est
tenu la première conférence Internationale des organisations paysannes pour
renforcer l'alliance mondiale pour défendre de la souveraineté alimentaire, du
bien commun et le droit des peuples à bénéficier de leurs ressources
naturelles.
En Colombie, cette politique d’appropriation étrangère a pu
compter sur le soutien des gouvernements toujours complaisants avec ce type
d’investissement. L’Altillanura (environ 7 millions d'hectares productifs) et
l'Orénoque sont de vastes zones d'investissements agricoles à l'étranger.
L'organisation Oxfam a récemment dénoncé, que des
entreprises multinationales s’étaient emparées de terrains en friche et de
terres de paysans déplacés par des pratiques frauduleuses.
Dans le Chocó (département au nord-ouest), il a été accordé à la société
« Colombia Hardword » une licence forestière pour exploiter le bois
(15 millions de m3) sur un territoire de 67.000 hectares, au sein de l'une des
forêts les plus riches (en biodiversité) de la planète.
L'entreprise a installé un campement avec quelques employés
canadiens, des originaires a commencé à couper du bois sur une superficie de
45.000 hectares, c’est-à-dire, 70 pour cent de la zone habitée par 18
communautés sont occupés et contrôlés par la société étrangère.
Le conseil de la communauté recevra 10 pour cent de la
valeur du marché à titre de compensation, mais les natifs n’ont pas de moyens
pour contrôler les chiffres de l'entreprise.
Cet essor d'achat massif de terres par des entreprises ou
des États étrangers, en plus de porter atteinte à la souveraineté nationale,
les exploitations familiales sont
remplacées par les grandes exploitations destinées à l'exportation.
Le modèle agro-industriel et latifundiste, de même que
l'exploitation minière à ciel ouvert, est intensif dans son usage du capital,
sans main-d'oeuvre, par ce qu'il ne génère pas de bien-être et farend
impossible tout développement. Sa seule motivation est le profit.
Ce sont des affaires socialement et humainement illégitimes.
Source : El Tiempo (Colombie)