jeudi 20 décembre 2012

Guatemala, l'Imprescriptibilité des crimes contre l'Humanité

La FIDH rappelle que 
les crimes de génocide 
et les crimes contre l’humanité 
sont imprescriptibles

par la FIDH (commnuniqué)

Face au risque imminent que la Cour Constitutionnelle du Guatemala rende une décision qui mettrait un terme aux enquêtes ouvertes sur les responsabilités des généraux Ríos Montt et López Fuentes pour génocide et crime contre l’humanité, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) rappelle qu’en vertu du droit international, ces crimes ne peuvent faire l’objet d’amnistie, de grâce ou de prescription, et qu’ils doivent être nécessairement poursuivis.


À l’issue des recours formés par la défense des généraux José Efraín Ríos Montt et Héctor Mario López Fuentes, la Cour constitutionnelle du Guatemala serait sur le point de clore les enquêtes en cours à leur encontre pour génocide et crimes contre l’humanité.

Le général López Fuentes
a formé un recours en inconstitutionnalité afin de bénéficier du décret 8-86 d’amnistie, promulgué par Óscar Mejía Víctores, chef d’Etat de 1983 à 1986, et abrogé en 1996 par la Loi de Réconciliation Nationale, qui dispose dans son article 8 que « l’extinction de la responsabilité pénale n’est pas applicable aux crimes de génocide, torture et disparition forcée. » Ce recours en inconstitutionnalité a été rejeté en première instance devant la Cour d’appel, cependant la défense a interjeté un appel, de compétence de la Cour Constitutionnelle.


Le général Ríos Montt (ci-contre) a pour sa part interjeté un appel devant la Cour Constitutionnelle pour incompétence après le rejet de la demande de recours en inconstitutionnalité formé dans le cadre de l’affaire du massacre de las Dos Erres, et dans le but de bénéficier de cette même Loi de Réconciliation Nationale, dont l’article 11 prévoit que les crimes qu’elle définit comme pouvant faire l’objet d’une amnistie doivent être jugés directement par la Chambre de la Cour d’appel.

Le général Ríos Montt
est poursuivi pour sa responsabilité intellectuelle présumée dans le massacre de las Dos Erres, département de Petén, durant lequel 201 personnes furent torturées et assassinées, parmi lesquelles 67 mineurs de moins de 12 ans. Lors de son gouvernement de facto, le général a intensifié la politique de la terre brûlée et a mis en place les plans « Victoria 82 » et « Firmeza 83 », destinés à combattre la population civile soupçonnée de soutenir la guérilla dans le cadre du conflit armé interne. Les généraux Ríos Montt et López Fuentes sont accusés par le Ministère Public d’être responsables d’une dizaine de massacres de communautés indigènes Ixil perpétrés par l’Armée entre mars 1982 et août 1983.



La décision de la Cour Constitutionnelle d’amnistier les généraux Héctor Mario López Fuentes et José Efraín Ríos Montt serait irrecevable et de surcroît représenterait un manquement grave aux obligations internationales souscrites par le Guatemala, puisqu’en vertu du droit international, les crimes contre l’humanité ne peuvent faire l’objet d’amnistie ou de grâce, sont imprescriptibles et doivent obligatoirement être poursuivis. 

« La clôture des enquêtes sur la responsabilité des généraux au Guatemala représenterait un recul significatif pour la justice et équivaudrait au triomphe de l’impunité », a affimé Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH. 


D’autre part, cela constituerait un manquement aux décisions rendues par la Cour interaméricaine des droits de l’Homme, qui à plusieurs occasions s’est prononcée sur l’irrecevabilité des dispositions du droit interne en vertu desquelles les poursuites pénales à l’encontre de personnes responsables de graves violations des droits de l’Homme sont écartées, à l’instar du cas Carpio Nicolle et autres contre le Guatemala du 22 novembre 2004, qui affirme explicitement que : 



 “[...] les dispositions d’amnistie , les dispositions de prescription et l’établissement de cas d’exonération de responsabilité tendant à empêcher l’ouverture d’enquêtes et la sanction de responsables de graves violations des droits de l’Homme, telles que la torture, les exécutions sommaires, extrajudiciaires ou arbitraires et les disparitions forcées, sont interdites car elles portent atteinte aux droits indérogeables reconnus par le droit international des droits de l’Homme.”

Aussi, la décision du 24 novembre 2009 sur le cas du Massacre de la Dos Erres, à travers laquelle la Cour interaméricaine des droits de l’Homme a condamné l’Etat guatémaltèque, prévoit que les crimes perpétrés ne peuvent faire l’objet d’amnistie et sont imprescriptibles. 


La FIDH espère que les Magistrats de la Cour Constitutionnelle prendront la décision adéquate en poursuivant les enquêtes ouvertes sur la responsabilité des généraux José Efraín Ríos Montt et Héctor Mario López Fuentes, en vertu du principe d’indépendance et d’impartialité du pouvoir judiciaire et des obligations internationales du Guatemala d’enquêter, de juger et de condamner les responsables de génocide et de crimes contre l’humanité. 



Source : FIDH