d'êtres humains à fins d'exploitation sexuelle
en prime time
Par Emmanuelle Leroy Cerqueira · Traduction de Jean Saint-Dizier
Dans le premier article de cette série, nous esquissions les grandes lignes que suivait la
politique abolitionniste européenne de la prostitution sur le
continent. Nous avions mis l'accent sur la situation actuelle en France
où, comme au Brésil, ni la criminalisation ni la réglementation de la
prostitution ne sont défendues avec unanimité, même dans certains
cercles féministes ou de professionnelles du sexe.
Le 6 décembre 2012, à Bordeaux, un couple de proxénètes qui
organisait la prostitution de jeunes Brésiliennes dans des hôtels de
cette ville française, a été condamné à trois ans de prison
[fr].
Les 13 jeunes filles qui exerçaient leur activité en subissant
une certaine pression financière (NdT: sur le rendement) et dont avait,
de plus, pris soin de confisquer les documents d'identité, avaient été
recrutées par des ressortissants brésiliens résidant en Espagne. Des
clients, complices dans la location des chambres, ont été condamnés à
des peines allant de 3 à 4 mois avec sursis.
Au Brésil, où la nouvelle est passée totalement inaperçue, le
gouvernement et la presse essaient d'attirer l'attention sur
l'importance du phénomène du trafic humain à fins d'exploitation
sexuelle.
Une étude du ministère de la Justice
publiée début octobre 2012, réalisée avec le concours du Secrétariat
National de la Justice brésilienne (SNJ), et du Bureau des Nations Unies
contre les Drogues et le Crime (UNODC) ainsi que des gouvernements de
plusieurs pays, a révélé qu'entre 2005 et 2011, au moins 337 personnes,
des femmes dans leur majorité, avaient été poussées à quitter le Brésil
et contraintes à la prostitution en Europe. Les états du Pernambouc, de
la Bahia et du Mato Grosso do Sul comptent le plus de victimes. Les
principales destinations européennes sont la Suisse (127 victimes),
l'Espagne (104) et la Hollande (71). Dans ces pays, la prostitution est
autorisée et réglementée comme n'importe quel travail.
Selon cette étude, les victimes ont entre 10 et 29 ans, sont
célibataires et ont un niveau d'éducation et de revenus assez bas. Le
recrutement et le trafic sont principalement gérés par des femmes,
tandis que les hommes sont responsables du contrôle de l'activité.
Une vidéo décrivant le processus a été réalisée par les journalistes
Rafael Marcante, Juliet Manfrin, Vagner Krazt, Margareth Andrade et
Thiago Correia :
C'est le cadre qui a été choisi par la réalisatrice Gloria Perez pour
la télénovela “Salve Jorge”. Programmée à 21 heures, donc en prime time
elle tente d'attirer l'attention (NdT: du public) sur le trafic
international d'êtres humains et souhaite donner plus de visibilité aux
victimes. Gloria Perez déclare:
Le trafic de personnes est un problème mondial et l'une des formes les plus rentables que recouvre la criminalité. Mais même dans ces conditions, il reste toujours invisible et passe pour une légende urbaine.
Dans un article intitulé “L’hypocrisie alimente le trafic de femmes“, le journaliste Bruno Astuto commente :
Il y a deux réalités dans le trafic de femmes à fins d'exploitation sexuelle. Dans la première, il s'agit de jeunes filles trompées par un réseau de trafiquants sournois, qui leur promettent des emplois de serveuses, de vendeuses ou de danseuses à l'étranger […]. L'autre réalité et celle des jeunes filles qui partent à l'étranger en sachant qu'elles vont se prostituer.[…]
Avec Salve Jorge, le silence va être rompu, exposant ainsi à la société brésilienne un crime qui se passe si naturellement sous leur nez, mais qui, à cause de l'hypocrisie avec laquelle on a l'habitude de traiter la prostitution et l'exploitation sexuelle dans ce pays, a été mis sous l'éteignoir comme s'il n'existait pas ou comme s'il ne concernait que les femmes de mauvaise vie.
Légiférer pour contrecarrer le trafic d'êtres humains
Fin octobre a eu lieu au Tribunal Régional Fédéral de la 3è Région, à São Paulo, le deuxième Symposium International pour la déclaration de guerre au trafic des personnes.
Le président de la Commission d'Accès à la Justice et à la
Citoyenneté du CNJ (Conseil National de Justice), le conseiller Ney
Freitas a attiré l'attention sur le manque d'efficacité des institutions brésiliennes dans le combat contre le trafic de personnes :
Il faut engager une procédure législative en vue de proposer une norme plus dure qui sanctionne avec une plus grande sévérité ce type de crime.
La législation brésilienne ne prévoit que la sanction du trafic des
femmes à fins d'exploitation sexuelle. La loi ne considère de manière
explicite, ni les hommes ni les enfants, comme elle ignore toute
exploitation dans d'autres types d'activités. La Sénatrice Lidice da
Mata (du Parti Socialiste Brésilien de l'état de Bahia) a rédigé une
proposition de loi visant à pénaliser le trafic d'être humains sous
toutes ses formes.
Une pétition datée du 18 octobre attend encore le soutien populaire pour que cette loi soit votée et approuvée.
La journaliste Priscila Siqueira lutte contre l'exploitation sexuelle des femmes, soulignant l'importance du traumatisme des victimes :
La femme esclave est réduite à une marchandise. Elle a besoin d'aide pour se restructurer et d'alternatives pour se professionnaliser, avoir une occupation et ne pas retomber dans les filets du trafic.
A propos de la Journée internationale contre l'exploitation sexuelle
et le trafic de femmes et d'enfants, le 23 septembre, le blog Collectif Roses de la Liberté a écrit :
Face à une tragédie exposée (digne d'être citée dans le calendrier), dont les racines sont si profonde, on doit dénoncer cette situation criminelle et grandement violatrice des droits de l'homme et exiger, des organisations responsables de la promotion et l'effectivité des droits de l'homme, plus de sérieux dans le combat contre ce type de crimes. Mais en allant plus loin que ça, dénoncer cette structure sociale qui chosifie les êtres humains et exploite jusqu'à leur dignité.
Au Brésil, les recherches qui ne font aucune distinction entre
l'exploitation sexuelle d'enfants et d'adolescents, le trafic de femmes
adultes et la prostitution volontaire à l'étranger, sont vivement
critiquées.
Le Professeur d'Anthropologie de l'UFRJ (Université
Fédérale de Rio de Janeiro) Thaddeus Gregory Blanchette a vivement
critiqué cette vision populaire de “trafiquée type” sur le Blog Bule Voador:
Il est impossible d'affirmer que toutes les brésiliennes vivant à
l'étranger en situation de prostitution soient des victimes du trafic.
L'Agence Ford Models a mis en ligne une vidéo, inspirée du fascicule
“Recommandations pour un emploi à l'étranger”, du Ministère des
Relations Extérieures:
La blogueuse Daniela Alves actualise
tous les jours les données sur le trafic de la vie humaine, dans
l'espoir d'être un lieu de rencontre, de réflexions et d'informations
entre ceux qui travaillent dans la prévention et le combat contre le
trafic d'êtres humains.
L'ONG Brésilienne Reporter Brasil coordonne le programme “Esclave,
même pas en rêve!”, qui a pour mission de diffuser les connaissances sur
le trafic de personnes.
Bénéficiant du soutien du Ministère Public du
Travail dans le Mato Grosso, l'ONG a publié une brochure [pdf] permettant d'aborder le problème du trafic de personnes en milieu scolaire.
Le projet The Bridge a publié
sur sa page Facebook des informations sur le N° spécial du central de
SOS femmes (Allo 180, appel anonyme et gratuit) qui reçoit des
dénonciations de violence, telles que le trafic de femmes, et donne des
conseils et des informations sur les droits :
Une étude du Secrétariat aux Politiques pour les Femmes (SPM) indique que, de janvier à octobre de cette année [2012], Le N° spécial “Allo 180″ a reçu 62 appels en relation [avec le trafic international de femmes], dont 34% venaient de l'Espagne, 34% de l'Italie et 24% du Portugal.
Source : Global Voices