lundi 21 janvier 2013

Venezuela, l'absence de Chavez provoque de l'incertitude

Le Venezuela 
déboussolé




Par Jean-Baptiste Mouttet

Cela fait maintenant plus d’un mois que le président socialiste Hugo Chávez est absent du pays. Le 10 décembre, il partait se faire opérer pour la quatrième fois à La Havane de son cancer dans la zone pelvienne. La localisation exacte de ce cancer est d’ailleurs toujours tenue secrète. Depuis, le gouvernement donne des nouvelles laconiques et parfois contradictoires sur l’état de santé du comandante.

Le vice-président, Nicolás Maduro, a assuré ce mardi que le chef de l’Etat est en train de «remonter la pente». Il souffrait d’une «insuffisance respiratoire» consécutive à une «grave infection pulmonaire», selon les informations données la semaine dernière. En l’absence du président, c’est Nicolás Maduro qui assure l’intérim. Hugo Chávez l’avait désigné comme son successeur et lui a délégué une partie de ses pouvoirs.

Force est de constater que le vice-président s’installe toujours un peu plus dans le siège présidentiel. Le nouvel homme fort du régime est parvenu à faire taire les voix dissonantes au sein de son parti. Les socialistes avancent ensemble. Ils ont tous affirmé que Hugo Chávez demeurait le président en exercice et qu’il ne devait pas nécessairement prêter serment le 10 janvier devant l’Assemblée nationale, mais à une date ultérieure devant le Tribunal suprême de justice (TSJ).

Maduro à la tête du pays ?

«Le peu qui est fait – fournir des aides, inaugurer des œuvres – l’est par Nicolás Maduro lui-même», assure Rafael Uzcátegui, sociologue et auteur de Venezuela: révolution ou spectacle? (Spartacus, 2011 ). «Il y a une nécessité à le mettre en avant», poursuit-il. L’organisation d’élections anticipées, si Hugo Chávez devait être dans l’incapacité de diriger le pays, plane. Il s’agit pour Nicolás Maduro de se positionner en héritier d’un président populaire.

Hugo Chávez, même absent, demeure donc omniprésent. Les discours de Nicolás Maduro y font continuellement référence et, selon ce dernier, c’est bel et bien Hugo Chávez lui-même qui a désigné mardi Elias Jaua comme ministre des Relations extérieures (Affaires étrangères).

Cette organisation de la passation du pouvoir semble être la priorité du gouvernement, qui a du mal à se passer de la figure tutélaire du meneur de la révolution bolivarienne.

Adriana Vasquez (1), qui travaille dans l’administration vénézuélienne, dit être en «stand by»: «Rien n’a été signé, ni aucune décision prise. Nous travaillons avec le budget qui nous reste et qui nous a été attribué l’année dernière», explique-t-elle. Pour Rafael Uzcátegui, c’est l’une des conséquences du système personnalisé institué par Hugo Chávez. Il a «créé une culture gouvernementale où toutes les décisions importantes étaient de sa propre initiative».

Une économie au ralenti

Même constat en ce qui concerne l’économie. Elle est «figée», «les mesures pour corriger le déficit fiscal, les problèmes de change et les pénuries de certains produits sont repoussées», relève l’économiste José Guerra. Adriana Vasquez raconte qu’elle a du mal à trouver du «poulet, du sucre et de la farine de maïs – la base de l’alimentation vénézuélienne». Comme à chaque crise ou événement important, telles les élections présidentielles, les Vénézuéliens se ruent dans les supermarchés et les épiceries en prévision de futures ruptures de marchandises. 

Une habitude prise en 2002-2003, lorsque la grève de la compagnie nationale d’hydrocarbures PDVSA, visant à contraindre Hugo Chávez à la démission, avait vidé les commerces de leurs produits.

Mais le gouvernement, qui contrôle le change, seul à pouvoir acheter et vendre légalement des devises, a aussi tardé à changer des dollars aux entreprises afin qu’elles puissent importer. Le pays vit en effet grâce à la rente pétrolière et dépend largement des importations. «Ce qui est en train de se passer, nous l’avions prédit. (...)

Nous avions alerté le pays en octobre dernier que, si les flux des devises ne s’amélioraient pas, il y aura une pénurie au premier trimestre 2013», affirme Jorge Roig, vice-président de la Fédération des chambres et associations de commerces et de productions du Venezuela (Fedecámaras), proche de l’opposition. Selon lui, seules sept mille entreprises sur cent mille ont reçu les dollars nécessaires aux importations. 

L’Etat assure que les marchés sont en voie d’approvisionnement. Il a été demandé aux producteurs de viande et de légumes de distribuer au plus vite les aliments.

Une opposition qui perd sa cible préférée

Le gouvernement n’est pas le seul à avoir du mal à faire face au vide du pouvoir. «L’opposition a construit son offre politique en s’attaquant à la figure d’Hugo Chávez», souligne le sociologue Rafael Uzcátegui. La Mud (la Table de l’unité démocratique) a désormais du mal à anticiper. 

En décembre, Henrique Capriles, le candidat malheureux contre Hugo Chávez lors de la présidentielle, déclarait qu’il n’avait rien contre un report de la prestation de serment prévue le 10 janvier, avant de changer d’avis. Les prises de position sont contradictoires. Le parti démocrate-chrétien Copei appelle à l’union du pays, tandis que d’autres partis redoublent d’attaques frontales contre le gouvernement. 

C’est le cas de Freddy Guevara, de Voluntad popular (Volonté populaire), qui n’hésite pas à qualifier Nicolás Maduro d’«usurpateur». Le parti Voluntad popular a d’ailleurs organisé des assemblées populaires dans le pays le 12 janvier. A la tribune, des citoyens et des responsables politiques prenaient la parole. Une ouverture au débat donc, qui met cependant en lumière un manque de réponses claires et immédiates à la crise constitutionnelle. 

En l’absence d’Hugo Chávez, c’est tout un pays qui se cherche. Le Venezuela continue d’avancer à vue et sans meneur.

Note :

(1). Le nom et le prénom de cette personne ont été modifiés à sa demande.


Source : Le Courrier (Suisse)