par Chema Costa
Rouge sang comme celui de centaines de familles
colombiennes assassinées et expulsées de leurs terres par la famille
Dávila Abondano, du groupe colombien Daabon, principal fournisseur en
huile de palme bio de la société française Brochenin SA, distributeur
européen. Depuis près de 20 ans, on sait en Colombie que cette
puissante famille politique et d’affaires est intimement liée au
paramilitarisme et au narcotrafic (en 2007, la famille Dàvila a acheté
des terres à l’oncle de Pablo Escobar, prête-nom de ce dernier).
On sait
que la région du Magdalena où se trouvent ses plantations est le
berceau et sous étroit contrôle paramilitaire. On sait que de 2002 à
2010, la culture de la palme a été le fer de lance du « développement
durable » du président Uribe, on sait aussi que pendant ses 2 mandats le
paramilitarisme a été a son apogée, en toute impunité, et que 5
millions d’hectares ont été spoliés –à feu et à sang- aux petits
agriculteurs dans les régions à forte présence paramilitaire.
Le témoin d’un retentissant procès contre le paramilitarisme, alias Pitirri, déclarait : « Certains tuaient, les autres achetaient (des terres) et les derniers les légalisaient » .
On estime que 221 maires, 4000 conseillers municipaux et
9 gouverneurs départementaux ont été élus grâce à l’appui et à
« l’intervention » des paramilitaires et que les membres de la famille
Dávila ainsi que leurs hommes de paille ont acquis nombre de ces postes
publiques grâce à cette « intervention ».
Mais, en France on ne voit rien, on ne dit rien, on n’écoute rien et on reste sourd à cette monstrueuse réalité colombienne.
Gigantesque naïveté commerciale, cynisme ou fruit de la
« raison financière » comme il y a une « raison d’État » et qui engendre
cette omerta ?
D’alter Eco en passant par Biobleud, Soy, Biocoop , Body
Shop et bien d’autres, votre huile, vos biscuits, vos pâtes à tartiner,
vos quenelles, votre pain de mie, vos chips-apéritif, votre savon et
dizaines d’autres produits ont été fabriqués avec l’huile de palme
Daabon, dans une région où la violence est reine et où le sang a imbibé
la terre des plantations de palmes.
Un exemple : selon Tristan Lecomte (fondateur et
dirigeant d’Alter Eco) , l’huile bio achetée par Alter Eco provient
d’Aracata et est importée par Brochenin.
Mais sait-il seulement qu’entre 2001 et 2003, près de 15 massacres ont
eut lieu à Aracata durant lesquels plusieurs dizaines d’hommes et de
femmes ont été torturés, massacrées à la machete et à la tronçonneuse, brûlés dans des fours crématoires !
Pour sa part, le responsable de la certification
internationale d’ Ecocert, Michel Reynaud, se défend de telles
accusations et ose déclaré dans un article de presse : « Nous
avons un bureau en Colombie et travaillons depuis 1995 avec Daabon qui
n’est pas un nouveau venu dans la bio, explique-t-il. Nous allons
régulièrement sur place, mais au vu des allégations, nous avons en plus
mené un audit, avec deux auditeurs dont un indépendant et nous n’avons
pas trouvé de preuves. »
Toutes les Ong’s des droits de l’homme et d’études sur
la violence, la presse alternative et certaines revues colombiennes
regorgent d’articles et d’enquêtes sur les méfaits de cette sinistre
famille ! Mais les membres d’Ecocert-Colombie n’ont pas trouvé de
preuves ! Ils semblent qu’ils ne lisent pas non plus la presse !
Chez Biocoop, qui commercialise, par le biais de la société importatrice Brochenin SA, même son de cloche : « Pour
le moment, nous n’avons pas de preuves avérées d’un côté comme de
l’autre, nous sommes donc en train d’interroger les acteurs de la
filière pour avoir tous les éléments nécessaires », précise la responsable de la communication. Ont-ils interrogé les familles spoliées ? Les veuves ? Les orphelins ?
Évidemment, l’huile de palme Daabon/Brochenin est bio,
respectueuse de l’environnement, etc. Elle est même certifié Ecocert ,
Proforest , WWF, FSC, RSPO, etc.
Et comme l’affirme une attestation officielle de Brochenin en 2010 « aucune
déforestation n’a été constatée… ces terres servaient déjà à l’élevage
bovin dans les années 70… depuis 2008, la plantation a mis en
place dès le début de sa certification bio, une
politique interne de préservation de l’environnement… L’inventaire de
toutes les espèces animales sur la plantation est un indicateur fiable
des zones de conservation définies à l’intérieur de la plantation ».
Oui, sauf l’espèce animale « humaine ». Celle-ci ne fait pas partie des indicateurs de Brochenin SA.
Alors, est-ce que l’huile de palme bio et d’origine
colombienne est mauvaise pour notre santé ? Pour les arbres ? Pour les
bovins ? Pour les petits oiseaux ?
Mais elle est surtout mortelle, létale pour ceux qui sont en début de la
chaîne de production. Et pour ceux dont on a spolié la terre.
Il serait temps de nous faire des bains d’yeux, de
porter notre regard sur l’autre rive de l’atlantique et de s’en
préoccuper sérieusement.
Personnellement, je ne consomme pas l’huile de palme
colombienne. Car même si elle a été raffinée, je vois encore et toujours
sa couleur rouge sang.
Les spoliations du sol et du sous-sol, ainsi que la
« réorganisation » interne de l’accès à leurs richesses par les
multinationales et la classe politique et économique colombienne, ont
préparé le terrain et coïncidé avec les négociations et premières
signatures des accords de Traités de Libre Commerce –TLC- entre la
Colombie, les États-Unis, le Canada et l’Union Européenne –UE, entre
autres.
Source : Organisation Communiste Libertaire