mercredi 16 janvier 2013

Colombie, huile de palme couleur rouge sang

Avant d’être raffinée, 
l’huile de palme 
est rouge sang

 

 


 

par Chema Costa

Rouge sang comme celui de centaines de familles colombiennes assassinées et expulsées de leurs terres par la famille Dávila Abondano, du groupe colombien Daabon, principal fournisseur en huile de palme bio de la société française Brochenin SA, distributeur européen. Depuis près de 20 ans, on sait en Colombie que cette puissante famille politique et d’affaires est intimement liée au paramilitarisme et au narcotrafic (en 2007, la famille Dàvila a acheté des terres à l’oncle de Pablo Escobar, prête-nom de ce dernier). 

On sait que la région du Magdalena où se trouvent ses plantations est le berceau et sous étroit contrôle paramilitaire. On sait que de 2002 à 2010, la culture de la palme a été le fer de lance du « développement durable » du président Uribe, on sait aussi que pendant ses 2 mandats le paramilitarisme a été a son apogée, en toute impunité, et que 5 millions d’hectares ont été spoliés –à feu et à sang- aux petits agriculteurs dans les régions à forte présence paramilitaire.

Le témoin d’un retentissant procès contre le paramilitarisme, alias Pitirri, déclarait : « Certains tuaient, les autres achetaient (des terres) et les derniers les légalisaient » .

On estime que 221 maires, 4000 conseillers municipaux et 9 gouverneurs départementaux ont été élus grâce à l’appui et à « l’intervention » des paramilitaires et que les membres de la famille Dávila ainsi que leurs hommes de paille ont acquis nombre de ces postes publiques grâce à cette « intervention ».

Mais, en France on ne voit rien, on ne dit rien, on n’écoute rien et on reste sourd à cette monstrueuse réalité colombienne.

Gigantesque naïveté commerciale, cynisme ou fruit de la « raison financière » comme il y a une « raison d’État » et qui engendre cette omerta ?

D’alter Eco en passant par Biobleud, Soy, Biocoop , Body Shop et bien d’autres, votre huile, vos biscuits, vos pâtes à tartiner, vos quenelles, votre pain de mie, vos chips-apéritif, votre savon et dizaines d’autres produits ont été fabriqués avec l’huile de palme Daabon, dans une région où la violence est reine et où le sang a imbibé la terre des plantations de palmes.

Un exemple : selon Tristan Lecomte (fondateur et dirigeant d’Alter Eco) , l’huile bio achetée par Alter Eco provient d’Aracata et est importée par Brochenin. Mais sait-il seulement qu’entre 2001 et 2003, près de 15 massacres ont eut lieu à Aracata durant lesquels plusieurs dizaines d’hommes et de femmes ont été torturés, massacrées à la machete et à la tronçonneuse, brûlés dans des fours crématoires !

Pour sa part, le responsable de la certification internationale d’ Ecocert, Michel Reynaud, se défend de telles accusations et ose déclaré dans un article de presse : « Nous avons un bureau en Colombie et travaillons depuis 1995 avec Daabon qui n’est pas un nouveau venu dans la bio, explique-t-il. Nous allons régulièrement sur place, mais au vu des allégations, nous avons en plus mené un audit, avec deux auditeurs dont un indépendant et nous n’avons pas trouvé de preuves. »

Toutes les Ong’s des droits de l’homme et d’études sur la violence, la presse alternative et certaines revues colombiennes regorgent d’articles et d’enquêtes sur les méfaits de cette sinistre famille ! Mais les membres d’Ecocert-Colombie n’ont pas trouvé de preuves ! Ils semblent qu’ils ne lisent pas non plus la presse !

Chez Biocoop, qui commercialise, par le biais de la société importatrice Brochenin SA, même son de cloche : « Pour le moment, nous n’avons pas de preuves avérées d’un côté comme de l’autre, nous sommes donc en train d’interroger les acteurs de la filière pour avoir tous les éléments nécessaires », précise la responsable de la communication. Ont-ils interrogé les familles spoliées ? Les veuves ? Les orphelins ?

Évidemment, l’huile de palme Daabon/Brochenin est bio, respectueuse de l’environnement, etc. Elle est même certifié Ecocert , Proforest , WWF, FSC, RSPO, etc.

Et comme l’affirme une attestation officielle de Brochenin en 2010 « aucune déforestation n’a été constatée… ces terres servaient déjà à l’élevage bovin dans les années 70… depuis 2008, la plantation a mis en place dès le début de sa certification bio, une politique interne de préservation de l’environnement… L’inventaire de toutes les espèces animales sur la plantation est un indicateur fiable des zones de conservation définies à l’intérieur de la plantation ».

Oui, sauf l’espèce animale « humaine ». Celle-ci ne fait pas partie des indicateurs de Brochenin SA.

Alors, est-ce que l’huile de palme bio et d’origine colombienne est mauvaise pour notre santé ? Pour les arbres ? Pour les bovins ? Pour les petits oiseaux ?

Oui… peut-être.
 
Mais elle est surtout mortelle, létale pour ceux qui sont en début de la chaîne de production. Et pour ceux dont on a spolié la terre.

Il serait temps de nous faire des bains d’yeux, de porter notre regard sur l’autre rive de l’atlantique et de s’en préoccuper sérieusement.

Personnellement, je ne consomme pas l’huile de palme colombienne. Car même si elle a été raffinée, je vois encore et toujours sa couleur rouge sang.

Les spoliations du sol et du sous-sol, ainsi que la « réorganisation » interne de l’accès à leurs richesses par les multinationales et la classe politique et économique colombienne, ont préparé le terrain et coïncidé avec les négociations et premières signatures des accords de Traités de Libre Commerce –TLC- entre la Colombie, les États-Unis, le Canada et l’Union Européenne –UE, entre autres.


Source : Organisation Communiste Libertaire