Mouvement
de
protestation autochtone
par ICRA International
Depuis maintenant près d'un mois, une dirigeante autochtone
campe sous un tipi traditionnel devant le siège du Parlement canadien à Ottawa.
Elle y mène une grève de la faim dans le but d'obtenir un entretien avec
Stephen Harper, le Premier ministre. Theresa Spence, chef de la Première nation
d'Attawapiskat, a entamé son jeûne le 11 décembre 2012 afin d'attirer
l'attention sur la crise du logement endémique touchant son peuple, ainsi que
sur de nouvelles lois portant atteinte aux droits des Premières nations, des
Inuits et des métis à travers le Canada.
Parallèlement, Idle No More, un mouvement citoyen prenant de
plus en plus d'ampleur, a utilisé avec succès les médias sociaux pour
l'organisation de manifestations en faveur des droits des autochtones à travers
le Canada ; des actions de solidarité ont suivi dans le monde entier.
Comme la grève de la faim de Theresa Spence, les
manifestations d'Idle No More sont une réaction au programme législatif du
gouvernement, ainsi qu'aux discriminations et injustices que subissent de
longue date les peuples autochtones au Canada, notamment du fait des manquements
des autorités à certains traités ayant été négociés.
“ L'esprit des traités veut que les peuples des Premières
nations partagent leurs terres, tout en conservant leurs droits sur celles-ci
et sur les ressources associées. Au lieu de cela, les Premières nations
subissent une colonisation dont découlent des revendications foncières restant
en suspens, une pénurie de ressources et une inégalité de financements pour des
services tels que l'éducation et le logement” , explique le manifeste d'Idle No
More.
“Idle no More et les actions de Theresa Spence ont à juste
raison braqué les projecteurs sur le programme de travail politique et
législatif des autorités fédérales canadiennes, qui piétine les droits
fondamentaux des peuples autochtones, pourtant consacrés par le droit canadien
et le droit international” , a déclaré Susan Lee, directrice du programme
Amériques d'Amnesty International. “Il est grand temps que le Canada en finisse
avec les pratiques discriminatoires datant de l'époque coloniale et commence à
respecter les droits des Premières nations, des Inuits et des métis qui sont
garantis par le droit canadien et le droit international. ”
Des lois adoptées sans leur consentement
On trouve à l'origine de l'action de protestation de Theresa
Spence et du mouvement plus large d'Idle No More un sentiment de frustration
face à l'adoption de nouvelles lois violant les traités et ayant des
répercussions sur les droits des autochtones.
En privant les Premières nations de toute participation
active dans l'élaboration des lois – et souvent en adoptant celles-ci malgré
une opposition vigoureuse –, le Canada manque gravement à ses obligations en
vertu du droit national et bafoue les normes internationales en matière de
droits humains telles que la Déclaration des Nations unies sur les droits des
peuples autochtones .
La Cour suprême du Canada a appelé à une “
réconciliation”entre le pouvoir de l'État et la souveraineté antérieure des
peuples autochtones. Il convient d'atteindre un équilibre entre les lois
adoptées par le Parlement et les lois, coutumes et points de vue des peuples
autochtones ; chaque conception doit se voir conférer un “ poids égal” .
Lorsque des projets de loi sont en relation avec les terres
et ressources de peuples autochtones, les autorités sont généralement tenues de
chercher à obtenir le consentement libre et éclairé de ces derniers,
préalablement aux changements proposés.
Or, cela n'a simplement pas été le cas au Canada. Un grand
nombre de nouvelles mesures ont été introduites dans la précipitation par le
biais de projets de loi omnibus [généraux] relatifs au budget, notamment des
modifications apportées à des lois relatives à la protection environnementale
et à la législation fédérale sur l'administration des terres des Premières
nations.
Projets de développement
Les récents changements apportés au droit canadien
s'inscrivent dans une stratégie à long terme menée par les législateurs
canadiens afin d'ouvrir la voie à de futurs projets de développement de grande
envergure.
D'après le gouvernement canadien, plus de 600 grands projets
de développement en rapport avec les ressources naturelles – d'une valeur
totale estimée à plus de 650 milliards de dollars canadiens, soit environ 500
milliards d'euros – sont programmés pour la décennie à venir.
L'immense majorité de ces projets aura des conséquences sur
des terres et des points d'eau qui sont vitaux pour les peuples des Premières
nations, les Inuits et les métis à plusieurs égards – culture, moyens de
subsistance et bien-être .
Les autorités canadiennes affirment que leur procédure
d'évaluation de l'impact sur l'environnement est le principal instrument de
consultation des peuples autochtones sur les projets de ce type.
Or, dans deux projets de loi budgétaires généraux adoptés en
2012 – sans que les peuples autochtones n'aient donné leur accord ni même été
consultés comme il se doit –, le gouvernement fédéral a mené un profond
remaniement de la législation relative à la protection de l'environnement. Les
projets d'exploitation des ressources naturelles sont désormais beaucoup moins
susceptibles de donner lieu à une évaluation environnementale, ce qui signifie
qu'il est également peu probable qu'une véritable consultation soit menée
auprès des peuples autochtones.
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Source : Icra International