des ex. otages
médiatisés en
Colombie ?
Par Ivan de la Pampa
Clara Rojas a saisi le Tribunal supérieur de Bogota pour que
ne soit pas diffusé en Colombie le film franco-espagnol « Opération
E », en mettant en avant que son fils pourrait en avoir des séquelles
psychologiques, si cette fiction venait à être projeté dans son pays.
L’ancienne otage des FARC tente ainsi d’interdire la diffusion du film dont le
« E » fait référence à son enfant Emmanuel et à l’histoire de sa
captivité en Colombie de 2002 à 2008.
« On a abusé de notre nom et de notre image » a déclaré Clara Rojas. Censure, logique
d’intérêt et de profit à faire, cette tentative de censure inopportune est
cependant un des aspects de deux mondes en décalage : la vie médiatique et
ce qu’en pensent les Colombiens, un peu excédés par ce déballage médiatique
régulier des deux seuls otages à petite notoriété locale (sur des dizaines
de milliers qui ont connu un sort comparable). Toute ceci peut fortement
agacer, et il y a de quoi en partager les raisons.
Un temps co-otage, Ingrid Betancourt et son ancienne
directrice de campagne, toutes deux anciennes du parti Oxygeno, n’en finissent
pas défrayer les chroniques depuis leurs libérations respectives en janvier et
juillet 2008. Ce fute je t’aime, moi non plus ! Ingrid et Clara, l’une et
l’autre sont des quasi-idoles de la presse internationale et en particulier à
la rubrique des potins. Elles sont le reflet pourtant lointain de la
considération pouvant connaître nos deux divas colombiennes dans leur propre
pays.
L’absurde aussi de ce que les médias et les lecteurs aiment,
des polémiques qui éviteront de parler de ce qui passe réellement en Colombie
et comment on accorde moins d’importance à la relance des hostilités par les
FARC sur le terrain de la guerre en Colombie et en reprise des discussions de
paix en cours à Cuba.
En Colombie, les ex. captives surmédiatisées ne font pas
vraiment l’unanimité et finissent par provoquer de sacrés débordements. Quand
Ingrid Betancourt en 2010 avait
annoncé qu’elle se porterait contre l’état colombien comme ex. otage et voulait
récupérer quelques sommes trébuchantes pour indemnisation (plusieurs millions
de dollars), cela avait provoqué en Colombie une lourde indignation et sourde
colère. Elle avait du renoncer et se faire oublier en France comme en Colombie.
Cette nouvelle affaire va probablement laisser une nouvelle
trace dans l’opinion publique colombienne, et qui sait tourner la page de deux
figures médiatiques dont l’inconséquence et le cynisme ont atteint certains
sommets. En Colombie, la perception de l’ancienne candidate à la présidentielle
est très négative, et Clara Rojas semble suivre quelque part ses traces.
Libérée en janvier 2008, Clara Rojas semblait échapper un
tout petit peu aux sirènes du vedettariat, un livre à part et plutôt
insignifiant, et voilà qu’à son tour, elle s’inquiète de son image prétextant
la santé mentale de son fil, et chose étonnante, elle voudrait faire un film
sur Emmanuel (texte en espagnol en bas de page). Difficile de comprendre, si c’est la raison d’une mère pour
son chérubin, ou bien quelqu’un cherchant seule à tirer les marrons du profit
qu’il y aurait à gagner de sa progéniture ?
Tout cela a commencé par un échange de courriers entre Clara
Rojas et les producteurs d’ « Opération E », film franco-espagnol
(articles en espagnol en bas de page). Le film sujet de discorde retrace
l’histoire d’un paysan qui s’occupa les premiers mois de vie d’Emmanuel,
l’enfant de Clara Rojas né en captivité (dont le père est un guérillero des
FARC).
Cette polémique
soulève en Colombie une controverse. Et pour cause, il y a de quoi se demander,
s’il ne s’agit pas tout simplement d’un acte de censure. Plus encore, les
arguments sur une possible atteinte au développement psychique de l’enfant qui
a aujourd’hui neuf ans sonnent faux. En allant au-devant de la scène et en
jouant les mères courages, on peut s’interroger sur ses intentions profondes de
Clara Rojas.
Le producteur espagnol Farruco Castroman (lire l’entretien
sur El Tiempo) arrivera cette semaine en Colombie et attendra la décision qui
interviendra le 25 janvier 2012 ou sera prononcé la décision d’interdiction ou
pas par le Tribunal Suprême de Bogota de la diffusion du film « Opération
E ». Dans l’entretien qu’il a accordé à un journal de Bogota, il souligne
que tout s’est fait en respect des lois colombiennes et qu’il attend pour sa
part à un rejet.
Il serait étonnant qu’un film, déjà diffusé en Europe depuis
novembre 2012, ne puisse pas sur un sujet qui touche à l’histoire récente de
cette nation, qui plus est qu’une œuvre de fiction ne puisse être vu par les
Colombiens, et en plus découvrir d’ici quelque temps Clara Rojas sortir son
petit film. C’est assez grotesque, et
pas vraiment touchant.
A moins, que ce ne soit qu’un syndrome ou un choc post
traumatique après un enlèvement, la seule chose à penser, c’est que le ridicule ne
tue pas, toutefois le mélange des genres à ses limites…
Articles en relation en espagnol sur El Tiempo.com :
- Clara Rojas et les producteurs d’« Opération E », cliquez ici !
- Le projet de film de Clara Rojas, cliquez ici !
- Entretien avec le distributeur du film, cliquez ici !
Notes sur le film :
OPERACION "E" durée : 1h49 min.
Réalisé par Miguel Courtois Paternina - Acteurs: Martina
Garcia , Luis Tosar , Gilberto Ramirez, ... - Pays de production : Colombie
France Espagne
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