encore deux ans !
Et les résultats provisoires des élections de 2013 (Députés et Sénateurs)
Par Lionel Mesnard (billet d'opinion)
A la lecture de certains articles de la presse
francophone, sur le résultat des élections en Argentine, il s’agirait presque
d’une défaite de la présidente et de son parti, certes le FPV (Front pour la
Victoire) perd certaines positions de force sur les 5 régions les plus peuplées
du pays, mais la gauche parlementaire se trouve confortée au Sénat, comme à la
chambre des député-e-s avec une majorité absolue. Et sur les 5 régions, 4 restent à
gauche ou du côté de la majorité actuelle au Congrès (qui regroupe les deux
chambres), mais n’a pas tant d’incidence, que l’on voudrait ou souhaiterait
dans certaines rédactions sur des élections nationales encore lointaines des
présidentielles. Encore deux ans !
A l’exception majeure du Figaro, reprenant une dépêche de
l’AFP et écrivant le strict nécessaire, mais sans chercher à altérer la nature des
résultats. …
A la lecture du Monde et de Libération, de BFM TV en ligne, ... Vous pouviez avoir le sentiment d’une défaite du
« Kirchnerisme », quand il s’agit simplement des deux dernières
années, que disposera comme mandat Mme Cristina Fernandez. Et rien de plus de normal en
démocratie ? Il y a toujours une fin, mais pourquoi en précipiter à ce
point son annonce ?
L’actuelle présidente de la République d’Argentine ne pourra
pas se représenter en 2015, car ne disposant pas d’une majorité des 2/3 au
congrès pour changer la constitution et modifier ainsi l’interdiction de faire
plus de deux mandats. On ne peut faire plus sobre et sans avoir à lire dans le
marc de café…
La fin du « Kirchnerisme » est une marotte
journalistique régulière en Argentine depuis plusieurs années, tendant à
expliquer la fin de l’ère des Kirchner approche (Nestor Kirchner a été élu de 2003 à 2007 et
son épouse et veuve Cristina en 2007 et 2011), probablement l’un des couples
politiques qui depuis 2003 aura le plus attaqué les fonds de spéculation
étasuniens et bien avant la crise systémique mondiale de 2008.
Plus exactement, l’état argentin a su mieux se protéger des
prédateurs boursiers et restaurer une confiance dans les classes populaires et
ses deux derniers mandataires ravivés une certaine fierté nationale, quand
beaucoup ont oublié que ce pays revenait de loin. Et que personne n’aurait
parié un kopek, sur ce pays en 2001. En voudrait-on pour cela à sa présidente,
il semblerait que la position économique néo-keynésienne face à la meute néo ou
ultralibérale ait un inconvénient majeur.
Argument de choc de l’opposition, l’inflation mangerait
les petites économies des travailleurs et retraités argentins, quand elle
touche plutôt au désendettement du pays et à l’effondrement de son économie en
2001. Quand par ailleurs aujourd’hui l’économie générale du pays se porte
plutôt bien avec un taux de croissance à faire saliver les ministres européens
de l’économie de la zone euro : 5%
pour 2013 et mieux qu’en 2012 (quand le Brésil à tendance à baisser de 2
à moins de 1% pour 2013).
Face à cet empressement à trouver un candidat acceptable
pour les marchés, en la personne du député Sergio Massa, candidat
« péroniste » du Front Rénovateur (centre-droit). Celui-ci sort
quasiment, à la lecture des articulets de presse, vainqueur du prochain scrutin
présidentiel et a permis à la bourse ces derniers mois de faire une envolée de
50%. Et il n’a pas attaqué frontalement la présidente et ses politiques par
ailleurs absente pour raison de santé.
La victoire de Massa dans l’état actuel n’est pas gagnée
d’avance et malgré toutes les pronostiques sur cet ancien membre du cabinet de
Cristina Kirchner Fernandez, il semble avoir plus d’appuis dans les salles de
rédaction, quand dans la réalité d’un scrutin marquant surtout une remise à
plat des cartes politiques et sur les bancs des députés de la droite de
l’échiquier. (lire la réaction de 4 lecteurs du Monde, après ce billet)
Les vrais changements intervenus eux sont tus et les
nouvelles donnes ignorées, c’est ce que l’on peut constater et surtout, rien ne
venant vraiment contextualisé une information sur le système électoral de
l’Argentine, qui peut échapper à bon nombre. Faire d’un enjeu parlementaire
(qui sur le fond n’a pas varié depuis 2011 au sein des deux chambres), une
pré-élection présidentielle à quelque chose de gênant et surtout d’erroné. Si
l’on cherche un tant soit peu être objectif.
Contrairement à ce qui a été écrit ici ou là, c’est un
scrutin sans véritable appel et positionnant dans tous les cas la gauche
politique en très bonne position. Mais ce n’est qu’un détail… pour les scribouilleurs
ou gratte-papiers. Passons… Le corps électoral est d’environ 30,5 millions de
personnes, il est en progression par rapport à 2011, sachant que pour la première
fois les jeunes de plus 16 ans pouvaient se rendre aux urnes : lire l’article en relation sur Libres Amériques
Les jeunes de 16 à 18 ans représentant 600.000 électeurs
potentiels. Cristina Kirchner Fernandez espérait en tirer bénéfice, mais cela
n’a pas été suffisant pour lui assurer une plus grande majorité et le vote des
deux tiers.
Peut-on des résultats en tirer une analyse un peu plus
objective, du moins en faire une autre lecture ?
Primo, les jeux ne sont pas faits pour les présidentielles
de 2015, il y a aura au sein du camp « péroniste » des primaires
entre temps, et les Rénovateurs du centre droit et en l’état des choses Sergio
Massa ne représentent que 17% à
18,5% du corps électoral et son concurrent direct du FPV, Martin Insaurralde a
progressé de deux points, même s’il est distancé d’un peu plus de 10 points sur
la région « capitale ».
Deuxio, la gauche parlementaire totalise plus de 54% des
voix (FPV+Radicaux+Socialistes) et un Front de Gauche à 2% fait son entrée au
Parlement, la droite (PRO) du député Macri (9,5 % et 14% au Sénat) et le centre droit du député
Massa et de ses alliés (global 18,5%), les
14 % autres se répartissent sur des partis régionalistes et certaines
formations nationales sont même en voie de disparition, ne pesant plus
grand-chose sur l’échiquier politique.
Paradoxe de ce scrutin, ou bien simplement des drôles de
lecture des résultats ?
Indéniablement, le parti de Madame Kirchner Fernandez n’est
pas au goût de tous, quitte semble t’il à en manipuler la nature du scrutin en
faisant primé aussi les régions, quand il s’agit surtout d’un scrutin visant à
renouveler un tiers le sénat (24
sur 72) et la moitié des députés (127 sur 256) et organisé sur la base d’un
scrutin de liste à la proportionnelle. Et en omettant le plus souvent qu’une
seule région a basculé à droite de l’échiquier sur les 5. Trois basculent en
faveur des Radicaux et une marquée par la contestation sur les OGM aux
Socialistes.
Le parti de la présidente argentine, le FPR (centre gauche)
que la presse dominante donnait perdant du scrutin des législatives et des
sénatoriales du 27 octobre 2013, conserve et renforce ses positions, à peu près les
mêmes que lors du précédent scrutin, en gagnant même quelques sièges
supplémentaires, ainsi que ses alliés Radicaux et Socialistes et en progressant
d’infimes points et obtient 32,5% des voix et la majorité des députés et 22%
pour ses alliés.
Vidéo en espagnol de Telesur :
Madame Kirchner Fernandez n’est pas allée voter en raison d’une opération lourde et
récente et de l’éloignement de son de bureau de vote en Patagonie. Elle a dû
rester sur les conseils de ses médecins à son domicile de Buenos-Aires. Dès le
lendemain de l’élection, des rumeurs ou spéculations ont circulé selon
lesquelles, la présidente ne reviendrait pas à la tête du pays.
Il est clair que, la présidente n’est plus en course pour la
prochaine présidentielle de 2015 et si la victoire de Sergio Massa est une
bonne nouvelle pour la bourse argentine, il n’est pas dit qu’en deux ans un
parti avec une assise nationale ne puisse trouver un candidat lui faisant
barrage et pas sur le thème d’une grande réconciliation avec les marchés mondiaux,
à moins que les Argentins, comme d’autres, aient la mémoire courte ?
Sergio Massa est certes dans le fauteuil qui fait les
« rois » en Argentine, mais au final, il ne pèse pas tant que cela, sera
t’il en mesure au sein du camp péroniste de faire la différence, tout donne à
croire que la mayonnaise peut ou risque de s’effondrer.
La question reste de savoir, si la gauche argentine est
capable de se rassembler sur un programme économique combatif, ne se couchant
pas à la première occasion devant des intérêts des spéculateurs et des
transnationales, et ainsi conserver une part d’héritage du Kirchnerisme non
négligeable, entre autres, ne pas mettre tout l’héritage progressiste et
keynésien à la poubelle de l’histoire.
Nestor Kirchner a permis à ce pays de sortir d’un gouffre, bien pire que ce qui s’est passé depuis 2008 chez les Européens du sud, comme ils sont nommés….
Nestor Kirchner a permis à ce pays de sortir d’un gouffre, bien pire que ce qui s’est passé depuis 2008 chez les Européens du sud, comme ils sont nommés….
Certains médias et groupes de pression ont-ils cherché à
enterrer le « Kirchnérisme » un peu vite fait ?
D’un point de vue symbolique, la date du 27 octobre marquait
le troisième anniversaire de la disparition de l’ancien président Nestor
Kirchner, disparu en 2010. Dans la réalité des faits, les électeurs n’ont pas
boudé les urnes et le chiffre de 79 % de participation aux législatives montre
un intérêt non négligeable pour ce scrutin et un vote en augmentation par
rapport aux dernières élections de 2011.
Si l’on peut en tirer un constat et un seul, la démocratie
Argentine sort confortée et c’est le plus important, le reste c’est-à-dire le
futur, cela relève de la boule de cristal et de Mme Irma, alias BFMensonges TV.
Pour ce qui importe et devrait normalement nous apporter une
information fiable, du moins sans a priori ou voix de résonance de
l’ultralibéralisme, il faut pouvoir comprendre toutes les arcades du jeu
politique en Argentine.
Je doute et nous devons douter, sur la nature des
informations qui nous sont transmises et notamment sur l’Amérique latine et pas
seulement. Et il est préférable de lire la presse en espagnol et de se référer
à des articles des pays concernés, de préférence par des journalistes locaux ou
continentaux un peu plus au fait de ce que nous donne à lire notre presse tv et
écrite (sur Internet, notamment en France, en Belgique et en Suisse, dans une
moindre mesure au Québec et désolé je n’ai pas suivi nos amis Africains… ).
Sources visitées: Pagina 12, El Clarin, Telesur, El
Pais (Espagne), …
Réactions de quatre lecteurs du journal le Monde, concernant
un article du 28/10 intitulé « dur revers pour le parti de la présidente
argentine » :
Sophie : Sur ce député, Massa, de toute évidence figure
adorée de la droite argentine et de ses médias, il serait intéressant que Le
Monde relaie les informations apprises par le public argentin grâce à
Wikileaks, à savoir les réunions de cet opposant à l'ambassade des Etats Unis à
Buenos Aires...
Lucien L : Le titre et le contenu de l'article sont
franchement trompeurs. Le Frente para la victoria (parti de Cristina Kirchner)
garde la majorité dans les deux chambres et progresse même à la chambre des
députes (+3 sièges). Je suis étonné que l'on parle de "dur revers" et
de "triomphe de l'opposition" alors que la présidente évite sans
difficulté la cohabitation et consolide sa majorité parlementaire. Les supposés
rivaux mentionnés (Macri, Massa, etc.), n'ont eux pas de parti au niveau
national.
Thor : Quel journal Le Monde, "dur revers"
pour le parti de Mme Kirchner, celle-ci conserve la majorité absolue! Triomphe
pour Mme Merkel qui n'a pas de majorité ni en voix ni en sièges et qui peine à
former un gouvernement depuis plus d'un mois....
Abner : Si le kirchnérisme reste le premier mouvement
du pays lors d'élections partielles et intermédiaires, et améliore au final sa
représentation au parlement et au Sénat, pourquoi le titre de cet article, en
parfait écho à celui de la presse de droite argentine ? A quand quelques
informations sur le financement de la campagne de Massa et sur son programme ?
Jusqu'à aujourd'hui, nous n'avons eu droit dans le Monde qu'à la publicité de
ce personnage.
Chambre des député-e-s en 2012 (wikipedia)
Députés et Sénateurs : résultats provisoires 2013 (sources gouvernementales)
Député-e-s - Chambre basse - 2013
132 sièges au lieu de 116 pour le FPV
et 54 sièges au lieu de 42 aux Radicaux et Socialistes
19 sièges au Front des Rénovateurs
et 18 au lieu de 11 à la droite PRO
132 sièges au lieu de 116 pour le FPV
et 54 sièges au lieu de 42 aux Radicaux et Socialistes
19 sièges au Front des Rénovateurs
et 18 au lieu de 11 à la droite PRO
Sénateurs - Chambre haute - 2013