dimanche 6 octobre 2013

Venezuela, Nicolas Maduro et la lutte des salariés de SIDOR

Chasse ouverte 
aux « anarcho-syndicalistes »
 de l’entreprise SIDOR ?


Par Lionel Mesnard

Les ouvriers de la sidérurgie au Venezuela sont en grève depuis plus de 2 semaines, pendant que la presse francophone sur le web s’attardait sur les facéties du nouveau président Vénézuélien, Nicolas Maduro et les divers « complots » le visant. Le mouvement social des ouvriers du fer et de l’acier n’a pas fait l’objet d’une ligne, même si ce sujet est d’une importance certaine.  Lire comme il est possible dans le journal "El Universal", quelques éléments des revendications des ouvriers a quelque chose d’assez révélateur. Ce périodique plutôt classé à droite semble plus ouvert à faire entendre les revendications des salariés de SIDOR (entreprise nationalisée), que ne l’est en mesure le pouvoir se réclamant par ailleurs, « de gauche et révolutionnaire ». 

Les sidérurgistes demandent que soit effectué un rattrapage salariale, qui semble-t-il avait été promis par le défunt Hugo Chavez, il serait de l’ordre de 147 millions de dollars (environ 100 millions d’euros) lire ici en anglais ! 

Il s’agit principalement de sommes non payées depuis l’année 2008, liées à la nationalisation de l’entreprise, qui ont poussé les ouvriers sidérurgistes à engager ce bras de fer. 

Les sidérurgistes de Sidor devaient reprendre le travail et ils semblaient vouloir accepter le rattrapage, qu’il leur avait été proposé. Mais cette nouvelle date maintenant de 6 jours et le conflit perdure.

Finalement des mots très durs ont été prononcés par le président hier lors d’une allocution devant l’armée le 5 octobre :

 Le président Maduro parle de SIDOR (en espagnol)


Sur la place publique, le pouvoir politique s’est révélé d’un autoritarisme très menaçant. Voire à rendre coupables les grévistes dans les retards de la Mission de l’Habitat  (Mision Vivienda), sauf que les logements ont de toute façon beaucoup de mal à se construire et sont très loin des objectifs fixés.

Le président Nicolas Maduro a dit, qu’ « il attendait « que la classe ouvrière de Sidor sans peur revienne (…) et relance l’activité du fer et de l’acier pour la Grande Mission de l’Habitat du Venezuela ». Il fait part d’une obstruction, qui pourrait empêcher la construction de 300.000 logements. 

En langage du pouvoir bolivarien, il s’agit d’un « sabotage » (le énième lui aussi), et le président a été même dire publiquement que certains syndicalistes seraient des « Narcos » (narcotrafiquants).

Au passage, il est possible de découvrir que le général Javier Sarmiento Márquez et Sutiss est un des négociateurs clefs dans ce conflit social. Envoyer un militaire pour négocier (ou traquer le narco-syndicaliste ?), donne une idée de ce mauvais parfum idéologique, car au final, il reste des mots et des attitudes qui en disent long sur la ligne idéologique du post-chavisme.

Si ces derniers jours, Nicolas Maduro a annoncé une nouvelle augmentation du salaire minimum de 10% et a promis que 90% des importations ne devraient plus avoir lieu (notamment les produits de première nécessité comme les produits frais, les aliments). 

De même, il y aurait de futures annonces sur la question des taux de change dans le pays. Un problème qui s’est avéré, non seulement être une usine à gaz avec différents cours pour la monnaie nationale, le Bolivar nouveau. Mais à surtout démontrer une incapacité de se prémunir de la spéculation avec le dollars, qui est devenu en interne un sport national face à une monnaie, qui aura été cette année dévaluée et risque de l’être de nouveau.

Les mots du président à l’encontre des sidérurgistes ont été d’une autre nature et toujours dans des attaques invérifiables et dans une continuité plus que déroutante sur ceux qui de l’intérieur voudraient s’attaquer au régime. Faudrait il s’attaquer à tous ceux qui en font leur beurre et en particulier à cette nouvelle bourgeoisie née sous le régime de Chavez (à partir de la prise totale de contrôle de PDVSA, la société nationale des pétroles et hydrocarbures en 2004).

Les problèmes de fond comme la maîtrise de l’inflation, dessert tout autant que des augmentations artificielles. Ce qui rendrait souriant un syndicaliste européen et aiderait probablement au pouvoir d’achat et pourrait même relancer l’économie au sein de l’UE, au Venezuela faute de pouvoir contrôler sa monnaie, il est préférable de crier au loup.

Au Venezuela, toute augmentation du salaire minimum se répercute dans la vie de tous les jours (transport, nourriture, ...), donc au final, les 10% de Maduro reviennent à augmenter pour augmenter, sans qu’il en sorte une ligne économique claire et surtout une meilleure redistribution des richesses.

Si l’on essaie un peu de suivre les fantaisies langagières du nouveau président, ancien homme lige d’Hugo Chavez, nous retombons sur le bon vieux « complot » sommeillant du côté de l’ambassade étasunienne de Caracas. Et Nicolas Maduro qualifiant les grévistes de SIDOR par un néologisme ayant pour racine le mot « fasciste » et « d’anarcho-syndicalistes populistes » sont en bonne partie les contradictions flagrantes d’un nationalisme, qui n’a rien à voir avec une conduite pouvant se qualifier de gauche.

Nicolas Maduro est embourbé dans ses contradictions, et finalement, il ne se passe plus vraiment grand-chose du côté du Venezuela socialement parlant, et fait de plus en plus penser à ce qui a conduit à la décomposition de l’ex. Union soviétique, où la propagande n’a plus que pour réponse la contre-propagande et pour but de planter un décor artificiel, ou l’on traîne quelques idiots utiles sur les splendeurs d’un régime d’opérette.

Que le président vénézuélien s’en prenne à  « un courant anarcho-syndicaliste » au Venezuela a de quoi provoquer un grand éclat de rire. S’il existe bien des racines anciennes sur la pensée anarchiste dans ce pays et de nos jours quelques maigres troupes, voilà un langage qui en dit long sur des réalités purement imaginaires et visant sur le fond à contrecarrer toutes les formes de contestation à l’échelle du pays.

Il est vrai que certaines plumes du mouvement libertaire vénézuélien sont très acides et dépeignent une situation, bien moins à l’eau de rose que certaines gazettes néo stalinistes sur la nouvelle grande patrie du « socialisme », et le blabla qui va avec. De toute façon, il n’y a pas besoin d’être anarchiste ou libertaire, pour se rendre compte des contradictions flagrantes, du double discours et à jouer les veuves et les martyrs de l’Empire, la crédibilité est égale à zéro. Les enjeux sont ailleurs et le mot « socialisme » sonne creux, ne résonne en fin de compte que le mot de pouvoir.

Le PSUV, parti majoritaire à l'assemblée et les différentes régions, en oublierait qu’il est justement au pouvoir et le gouvernement bolivarien peut ainsi continuer à rétro pédaler dans l’attente d’une inversion des chiffres des importations. Il y aurait plutôt à investir et dynamiser le peu d’industrie existante, et surtout mettre un frein à l’inflation sévissant aux alentours de 30% par an.

Certes les propos de cet article ne sont pas très tendres, mais les réalités sociales ne le sont pas non plus et ce sont les Vénézuéliens, les premières victimes des ratés du pouvoir bolivarien.  Comme l’a publié ces dernières semaines Social Watch, le recul de la pauvreté stagne depuis 2006, et la vie quotidienne semble se compliquer dans un pays, où déjà y vivre n’a rien d’une sinécure.

Du sol au plafond, l’appareil d’état est corrompu, tout autant le sont ceux (classes moyennes et supérieures), spéculant sur la monnaie, et la fausse habilité faisant de Barak Obama et de son administration les responsables des problèmes. Après de plus de 14 ans d’un pouvoir plus vraiment nouveau à la tête du pays, cela ne fonctionne pas ou plus.

Les pirouettes ou envolées lyriques, que pouvaient se permettre Hugo Chavez, coup d’état oblige, Maduro, président légitime, lui ne semble pas vraiment taillé pour le costume de l’ancien locataire du palais de Miraflorès, sauf à répéter ce que peut lui inspirer ou souffler le régime de Raul Castro et ce que décident par ailleurs ses grands amis Chinois, ou Russes (sans oublier ses soutiens à divers régimes dictatoriaux comme la Syrie ou la Biélorussie).

Si Nicolas Maduro veut s’en prendre aux Etats-Unis, il lui suffit de fermer le robinet du pétrole et de rapatrier une partie des affaires et avoirs de PDVSA de chez les « gringos », mais il y a peu de chance que cela se réalise, sauf si ce régime tourne vers la « logique » de ce qui se fait en Corée du Nord. C’est-à-dire ce qui se passe ici et maintenant au Venezuela, comme un repli typiquement nationaliste et réactionnaire au sens plein du terme,  ou « militaro civique » comme il est nommé par les huiles bolivariennes.

A suivre !




 

Sources : Ultimas Noticias – El Universal – Sites gouvernementaux