jeudi 24 octobre 2013

Argentine, témoignage sur la prison de Villa Gorriti (1975-1977)

 Le système Carcéral 
au pénitencier de Villa Gorriti   
dans la province de Jujuy 
(1975 - 1977)

Par Martina Chávez - Témoin au procès de Carlos Ortiz, Ricardo Ortiz, Mario Gutiérrez, Herminio Zárate, César Díaz, Antonio Vargas et l’ex général Luciano Benjamín (*)

À tous les compagnons disparus de Jujuy, et parce que leurs idéaux et les nôtres son toujours et plus que jamais présents. Aux compagnes Dominga Álvarez, Alicia Ranzoni, Juana Torres et Marina Vilte (1), que je vis en vie au pénitencier de Villa Gorriti et qui lors d’une de ces incessantes « commissions » ils firent disparaître. À mes compagnes comme moi survivantes, Gladis Artunduaga, Dora Weisz, Sara Murad, Mercedes Zalázar, avec qui j’ai partagé des moments de douleur, mais aussi des rêves d’un autre lendemain. À tous les compagnons d’Argentine disparus.Tout au long de ce récit s’est posé un problème lié à la mémoire, ma propre mémoire.

L’enfermement que j’ai souffert à cette époque a laissé ses séquelles et il m’a été impossible de traduire en dates des événements de grande importance comme le furent nos transferts successifs ou des faits quotidiens de l’enfermement. 

La partie concernant ma détention n’est pas rattachée au présent témoignage, elle appartient à un autre chapitre que je rédige.

Lorsque je me suis retrouvée exilée, j’ai assumé ma responsabilité de prisonnière politique, de militante, et j’ai fourni mon témoignage. Aujourd’hui je me rends compte que je l’ai fait comme s’il s’était agi d’une autre personne et non pas de moi-même, afin d’éviter la souffrance, et étant donné qu’il s’agissait de l’urgence de sauver des vies.

Ce récit est dédié à toutes pour tout ce que nous avons partagé et continuons à partager Malgré la distance et le temps qui s’est écoulé.

La prison du Bon Pasteur

On m’a détenue le 16 mars 1975, mais je ne suis pas sûre de la date du fait que je suis passée par diverses allées et venues d’une prison à l’autre : gendarmerie de Ledesma, locaux de la police de San Pedro, Département central de police de San Salvador de Jujuy, pour y subir des interrogatoires. En dernier lieu on me transféra à la prison du Bon Pasteur, entre le 22 et le 25mars.

Cette prison est située pratiquement en plein centre de la capitale San Salvador de Jujuy. Lorsque j’y arrivai détenue s’y trouvaient déjà plusieurs compagnes (compagnes de lutte), parmi lesquelles: Sara Murad, Gladis Artunduaga, Dora Rebecchi de Weisz, Soledad López, Mercedes Zalázar, Ninfa Hochkofler, et arrivera plus tard Ana María Martínez.

Nous partagions cette prison avec des prisonnières sociales (2), avec lesquelles nous finîmes par entretenir de bonnes relations de convivialité. En sus de leur dire que les sœurs abusaient d’elles, car elles les exploitaient les faisant travailler depuis 6 heures du matin jusqu’à très tard dans la nuit. Je n’ai jamais pu savoir qui tirait profit de cette situation. Sûrement les mêmes qui avaient ordonné notre détention.

Quant à nous autres, nous étions trois ou quatre par cellule, tout étant parfaitement ordonné pour que nous sachions bien que nous étions là pour nous nous transformer en demoiselles creuses et sans aucune consistance. 

Dans le pays on n’avait pas encore autorisé les lieux tristement célèbres comme les prisons de sécurité maximales ou les lieux secrets de détention, ce en quoi sera transformée la prison de Villa Gorriti, de laquelle on sortait des gens pour qu’ils soient torturés et fusillés. En effet, à Jujuy, on compte les pénitenciers de Villa Gorriti, Guerrero, et plus tardivement d’autres lieux qui restent à identifier, comme celui récemment cité par Nélida Fidalgo.

La révélation de l’existence d’un lieu qui aurait fonctionné comme centre clandestin de détention, « Puesto Mendoza », et qui n’avait jamais été dénoncé auparavant, ouvre une importante piste d’enquête dans le procès (3).

Le régime interne de la prison du Bon Pasteur ressemblait assez de par certains aspects à celui des prisonnières sociales, à la différence que les sœurs devaient envoyer périodiquement des rapports sur notre conduite, et elles assumaient bien cette fonction.

D’un autre côté les prisonnières de droit commun étaient soumises au travail forcé, la majorité d’entre elles n’atteignaient pas les 25 ans d’âge, et étaient filles du prolétariat agricole dépendant des fincas (grandes exploitations) des grands propriétaires terriens de la région et de la Puna, abandonnée par l’Argentine.

De manière spontanée, sans aucun type de structure organisationnelle, avec le seul instinct de survie hérité de la culture ancestrale de nos peuples originaires, se développa un système de résistance pour la survie.

Nous négocions quelques améliorations avec la conviction que nous devions, en premier lieu, rompre l’isolement qu’avait déjà imposé le régime et, en second lieu améliorer notre condition de vie à l’intérieur de la prison, réclamant plus de nourriture car celle-ci était insuffisante. Nous sollicitâmes aussi l’autorisation de réaliser quelque activité manuelle pour ne pas oublier que nous étions des êtres humains, enfermés mais vivants. Comme la conjoncture se prêtait encore à cela, nous demandâmes à pourvoir lire un journal : Pregón.

Il s’agit d’un journal local qui véhicule l’idéologie des différents gouvernements en place, c’est-à-dire de l’oligarchie terrienne de la région. Nous demandâmes également la possibilité de regarder la télévision, bien que sachant que le contenu des programmes n’allait pas subvertir l’ordre établi. Celles qui le pouvaient recevaient des visites, quelques colis et des vêtements. Je ne me souviens pas que nous avons porté l’uniforme. Peu à peu, les sœurs accédèrent à nos réclamations.

Au Bon Pasteur se retrouvaient des compagnes (compargnes) qui étaient maîtresses d’école, et leurs syndicats nous faisaient parvenir des paquets, avec des choses et d’autres qui nous aidaient à améliorer notre vie quotidienne.

En général nous bénéficiions d’une récréation le matin, et lavions nos vêtements. Une personne extérieure venait nous enseigner la couture ou le tissage, étant donné que nous devions en principe sortir de là préparées à nous occuper d’une maison et non faire de la politique. Telle était, à grands traits, la politique instaurée dans la prison du Bon Pasteur. Nous sommes restées là entre 6 à 7 mois, plus ou moins.

Ce fut durant cette période, en 1975, que Dora Weisz et son mari conçurent leur fille « Poti », comme résultat d’un régime carcéral similaire à celui des prisonnières sociales. La visite de l’épouse et vice- versa au détenu était possible. “Poti” Martina, c’est ainsi qu’ils la nommèrent, allait naître en octobre de cette année-là.

Le transfert vers le pénitencier de Villa Gorriti

En novembre1975 nous, les prisonnières politiques, sommes regroupées dans des lieux considérés comme de sécurité maximum. Le pénitencier de Villa Gorriti a fait partie de ce projet. Un jour les forces militaires répressives vinrent nous chercher.

Ils firent irruption violemment avec un grand déploiement de force dans la prison du Bon Pasteur, vociférant, criant, nous menaçant, employant un langage belliqueux digne de l’École des Amériques (4) (Escuela de las Américas), sans nous laisser le temps de la moindre réaction.

Les cris continuaient, donnant des ordres : « les guérilleras par ici, et les prisonnières de droit commun par là ». Ils enfermèrent les prisonnières « sociales » dans la salle qui nous servait de cantine, pour empêcher qu’elles voient ce qui se passait.

Au travers des vitres je vois les prisonnières « sociales » qui pleurent. Je me souviens surtout de Guillermina, à qui je souhaite rendre un hommage, car l’affection que nous avons partagée dans cet enfermement l’a aidée à supporter la solitude ; car je me sentais terriblement seule les premiers temps, seule face à l’adversité, car je me doutais que mes parents n’allaient rien pouvoir faire, je les savais résignés, fatigués, et fondamentalement coupés de ce système qui les avait exclus pour toujours de leur culture basée sur le respect de leur terre, que l’oligarchie terrienne avait épuisée avec tant de voracité (Chávez, 1996 : p. 75).

Une à une nous montâmes vers nos cellules pour préparer nos effets, ceux qui pouvaient encore être sauvés du cyclone, le peu qui nous restait de notre identité comme personnes. C’est ainsi que nous accrochions à des objets invraisemblables, voulant les transformer face

Centre d’instruction militaire pour l’ensemble des Amériques, sous l’incertitude dans laquelle ils nous avaient plongées. Chacun avait sa valeur propre, les poupées aux jambes allongées que nous avions fabriquées avec tant d’amour, et n’importe quel objet auquel nous nous étions attachées pour continuer à rester en contact avec la vie. Toute notre existence se circonscrivait à ces objets inertes qui recouvraient vie dans ces circonstances-là.

Nous les emportions avec nous vers un destin incertain. L’opération dura entre 10 et 15 minutes.
Ils nous ordonnent de nous rendre jusqu’à la cour par une porte dérobée, non par la porte principale, ils nous font sortir en file et l’une après l’autre, nous font monter également une à une dans le fourgon militaire qui était pourvu de cellules individuelles. Avant de monter une de nos compagnes demande à la mère supérieure qu’elle nous dise quelle allait être notre destination. La seule chose que nous obtînmes en guise de réponse fut l’acquiescement de cette dernière aux militaires.

Notre demande aux bonnes sœurs resta vaine. Après quelques détours sur la route, nous arrivâmes à la prison de Villa Gorriti, qui est une prison pour hommes de droit commun. Ils en avaient aménagé une partie pour les prisonniers politiques hommes et femmes. Les militaires avaient vidé toute une aile de cette prison pour y concentrer les prisonniers politiques... Nous fûmes transférées au secteur réservé aux femmes, nous nous retrouvâmes séparées, une par cellule, les fenêtres complètement occultées par des planches de bois clouées (Parejo R. 1996: 188).

À partir de ce moment, notre condition d’êtres humains allait changer définitivement, et aussi ma perception de ce qu’est un être humain et de la valeur de la vie. À l’arrivée au pénitencier nous passâmes de nouveau par une fouille et un contrôle d’identité, ce qui était déjà pour nous une routine, comme s’il n’était déjà pas suffisant d’être entre leurs mains. C’est là aussi que commencent les spéculations sur les causes de ce transfert. Aucune parmi nous n’aurait pu imaginer que c’était seulement le commencement de la fin pour beaucoup d’entre nous.

Alors que nous étions encore au Bon Pasteur nous avions appris que 26 compagnes de Córdoba s’étaient évadées, et nous pensions que c’était pour cela que l’on nous avait transférées. Nous avions également appris les exécutions par fusillade, celles de Salta à Palomitas, celle du Chaco à Margarita Belén, en application de la « loi de fuite », que consistait en faire croire à l’opinion publique que le prisonnier politique voulait s’évader et que des groupes armés s’affrontaient pour les sauver, et que c’est pour cette raison qu’il y avait des affrontements.

En mon for intérieur j’ai pensé que nous pouvions subir le même sort. [De toutes les prisons d’Argentine les moments culminants furent les assassinats survenus dans les prisons de Córdoba, plus de trente détenus en un laps de temps de six mois, celle de Resistencia avec vingt-quatre détenus sortis du pénitencier et assassinés à Margarita Belén en l’espace de quarante jours, et à La Plata neuf détenus en différentes occasions, pour ne citer que les cas majeurs de répression] Ces nouvelles augmentaient en nous le sentiment d’insécurité et de détresse.




Un système hautement militarisé et basé sur la terreur

À l’arrivée au pénitencier de Villa Gorriti la majorité d’entre nous n’était pas sous le coup d’une accusation formelle, ni n’avait aucun procès judiciaire en cours, étant seulement mises à disposition du PEN, le Pouvoir Éxécutif National militaire (Poder Ejecutivo Nacional), par la sécurité de l’État.

La première mesure prise par les militaires sera de nous maintenir isolées dans une totale mise au secret. En effet, avec le coup d’état militaire, le 24 mars 1976, l’objectif principal sera d’instaurer un système basé sur la terreur, dans le but d’anéantir physiquement et mentalement les prisonniers et prisonnières politiques, en faisant régner la terreur entre ceux d’entre nous qui jusqu’alors avions survécu.

Le personnel pénitentiaire était constitué d’employés recrutés au sein même du service pénitentiaire et au sein de la Gendarmerie. Le service d’intelligence militaire provenait lui des officiers des services secrets fédéraux. Tous les secteurs de la sécurité étaient passés au service de la répression et participèrent au projet militaire.

Le  système d’isolement

Le régime de « dangerosité maximale » consista à mettre en pratique une politique d’isolement absolu, d’isolement total de l’extérieur comme entre nous autres à l’intérieur de la prison : ceci car se préparait le coup d’état militaire. Seront suspendues les récréations quotidiennes, les visites des membres de la famille, la correspondance. On interdit l’entrée des journaux, de livres et de n’importe quel autre élément qui aurait pu nous aider à supporter l’isolement et comprendre ce qui était en train de se préparer.

On interdit tout contact entre nous, toute fonction sociale en relation avec la vie : parler, rire, chanter, écrire, partager un maté, crier, pleurer, l’hygiène et la propreté personnelle. Est interdite toute activité manuelle. Ils nous disaient constamment : « vous êtes vivantes mais vous sortirez folles d’ici ». Les premiers jours de notre arrivée au pénitencier de Villa Gorriti, une gardienne nous donnait la permission de prendre des moments de récréation pour que nous puissions parler dans la petite cour intérieure, mais ce « privilège » fut de courte durée.

De temps en temps ils nous faisaient sortir une heure et nous distribuaient aux extrémités de la cour sans nous permettre de nous parler.

Une politique basée sur la terreur et la destruction psychologique et physique

À l’intérieur de la prison régnait un système d’insécurité permanente à cause des fouilles et des entrées par surprise dans nos cellules, qui avaient pour but de nous briser en tant que groupe social d’opposants politiques. À peine étions-nous arrivées que les autorités du pénitencier nous dirent : « À partir de maintenant nous vous garantissons plus votre intégrité physique ; vous restez à disposition des autorités militaires (5) ».

En sus d’aller chercher des compagnons pour les fusiller, nous furent appliquées toutes sortes de tortures psychologiques, privations d’aliments et d’hygiène, et il régna un absolu abandon médical. Tout ceci fut appliqué de manière constante. Seules quelques gardiennes avec lesquelles nous étions parvenues à établir une relation plus humaine, nous octroyaient la possibilité de nous rassembler et parler de temps à autre, avec la peur permanente que ce « privilège » ne se perde, à tel point que nous en vînmes à protéger ces gardiennes.

Lorsque nous entendions les bruits métalliques nous nous enfermions, nous sortions le bras par la partie supérieure de la porte qui était munie de barreaux, et mettions nous-même le cadenas. Nos bras s’en étaient allongés. D’une certaine manière nous mettions à profit l’ignorance du personnel pénitentiaire qui ne comprenait pas ce que représentait réellement le projet militaire.

Un système d’insécurité permanente

Le calme apparent et organisé qui avait régné dans la prison du Bon Pasteur fut remplacé à Villa Gorriti par les bruits métalliques des grilles, des cadenas, les allées et venues incessantes des bottes. Peu de temps après notre arrivée au pénitencier surgit un commando proférant des menaces et des insultes, ils nous font sortir des cellules les mains au dos, et avec l’ordre absolu de ne pas regarder ni parler, car ils avaient soi-disant découvert une cache d’armes dans la cour de notre pavillon. Ils nous sortent de nos cellules, nous mettent dans l’autre aile du pavillon, dans des cellules individuelles et totalement vides, et nous sommes restées là jusqu’à la fin de l’opération.

Ce jour-là la petite cour qui de temps à autre nous servait de récréation et de lieu de contact avec les prisonniers de droit commun se retrouva sens dessus dessous, retournée avec pics et pelles, les jeunes soldats retournèrent complètement la terre. Je n’ai jamais su ce qu’ils cherchaient. À priori ils cherchaient des armes, car quelqu’un avait fait courir le bruit que se préparait une évasion. ¿Cela pouvait-il servir de prétexte pour nous apeurer encore plus ou nous appliquer la « loi de fuite ?» Je n’ai jamais réellement su quel fut le vrai motif de toute cette opération.

Une nuit pénètre par surprise un groupe de militaires disposé à nous terroriser, renversant tout sur son passage, nous menaçant. Ils nous contraignent à sortir de nos cellules les mains au dos, nous poussent, nous donnent l’ordre de nous jeter au sol sur le ventre, ils nous recouvrent avec des couvertures pour que nous ne puissions voir les visages de ceux qui étaient là.

Nous sommes restées ainsi tout le temps qu’ils mirent à fouiller nos effets, si bien qu’à la fin rien n’était plus à sa place. Comme nous étions au sol ils nous piétinèrent, nous insultèrent, le vacarme de cette barbarie nous rendit muettes. Les planches qui nous servaient de lit étaient retournées, les matelas éventrés. Après cet épisode tout n’était que désolation, notre espace avait de nouveau été détruit et suspendu dans le temps.

Ces opérations ne duraient pas longtemps mais pour nous qui étions entre leurs griffes, elles nous paraissaient une éternité. Le maté gisait éparpillé sur le sol, nos dessous exposés sur la voie publique... Et de cette façon aussi notre propre intimité. Ils arrivaient pour nous terroriser et nous déposséder de notre identité.

Des méthodes de contrôle

L’une des méthodes de contrôle était les fouilles comme ce que j’ai décrit plus haut. Elles se faisaient par surprise et dans un climat de peur, de jour comme de nuit, avec comme but de terroriser chaque fois plus et de détruire l’espace que, à force d’imagination, nous avions réorganisé après la fouille précédente. Contrôler et perturber le cycle du sommeil allait de pair avec le déséquilibre émotionnel, qui était déjà assez fragile avec les entrées par surprise, les transferts, les nouvelles de d’exécution par fusillade de compagnons d’autres prisons et l’incertitude de ne rien savoir sur nos vies. Vivrons- nous? Allons-nous mourir?           

Ces questions s’entremêlaient dans nos esprits déjà épuisés de tant avoir à supporter. Chacun de nos actes était soumis à l’observation systématisée des propres services de renseignement ou des gardiennes de service. Pour cela ils utilisaient le rapport quotidien à chaque relève de quart, dans lequel ils consignaient non seulement notre comportement mais aussi tout incident qui pouvait se produire du fait de notre enfermement. Lors de cette période il y eut différentes tentatives de suicide et de crises de nerfs comme produit de l’enfermement et de l’incertitude.

Nous ne recevions plus de lettres de nos familles ni aucune nouvelle de l’extérieur qui eussent pu nous permettre d’avoir une idée de ce qui allait advenir de nos vies. L’isolement était absolu et nous commençâmes à sombrer dans le désespoir. Comme toute expression d’affection entre nous autres était sanctionnée, nous devions supporter dans la solitude notre incertitude. Ainsi s’accomplissait au pied de la lettre le projet d’extermination que le Plan Condor avait programmé dans le Cône Sud.

Les cellules

Elles étaient minuscules, elles ressemblaient à des tombes avec le murage des fenêtres. À notre arrivée elles avaient été murées, elles n’avaient pas de toilettes, ni d’eau, ce qui les obligeait à sortir une fois par jour pour laver les assiettes, ou pour aller aux toilettes pour y jeter nos excréments.

Nous avions coutume d’appeler les gardiennes pour qu’elles nous fassent sortir pour aller aux toilettes, mais comme celles-ci n’y allaient pas nous finissions par faire nos besoins dans une boîte de Nestlé, ce qui laissait une odeur nauséabonde dans les cellules; nous étions ainsi exposées aux immondices et à n’importe quelle sorte de maladie, comme produit des conditions d’hygiène.

Dora et Poti

À Villa Gorriti, comme la petite fille pleurait beaucoup, la porte de la cellule de Dora restait ouverte « sur ordre du médecin » pour qu’on puisse la promener dans le couloir.

Quelques jours après le coup d’État Marina Vilte leur chanta un air très tendre ; la maman s’assura qu’il n’y avait aucune gardienne en vue, et se rapprocha aussitôt de la cellule de la chanteuse et à travers la petite fenêtre (de la porte) lui dit :

- Écris-moi çà.

- Que veux-tu que je t’écrive ?

- Ce que tu es en train de chanter.

- Comment veux-tu que je te l’écrive si je suis en train de l’inventer ?

La syndicaliste avait écouté la chanson lors d’un « asado » (sorte de barbecue argentin). Elle contait l’histoire d’un enfant conçu en prison ; elle se souvenait un peu de la musique et improvisait les paroles. Une strophe fut mémorable pour Dora: «J’ai une espérance / petite, toute petite /fruit de l’amour / d’un jour de visite ».

Poti resta enfermée avec nous jusqu’à pratiquement ses dix mois, jusqu’au jour de notre transfert à Villa Devoto. Lorsqu’ils la sortaient à l’extérieur de la prison elle pleurait beaucoup, car elle n’était pas habituée à voir des gens normaux. Lorsqu’elle revenait à la prison elle se calmait.

Le « mobilier » se composait d’un tabouret, quelques planches faisaient office de grabat, et un matelas malodorant chargé de l’histoire d’enfermements inhumains était notre endroit de repos. Un pichet et une assiette d’aluminium avec une cuillère tordue constituaient notre couvert, et puis la boîte de Nestlé.

Les sorties autorisées

Ils nous faisaient sortir individuellement, et seulement une fois par jour, pour laver notre boîte de conserve et jeter nos excréments, et de temps à autre prendre une douche. De même lorsqu’ils voulaient nous interroger et évaluer notre état psychologique, ou lorsque nous demandions un entretien pour savoir quel allait être notre sort. 

Ils nous sortaient aussi de nos cellules sur la demande de Monseigneur Medina, qui était chargé d’informer les militaires du contenu de nos entretiens.

Pour supporter l’enfermement nous demandâmes à pouvoir sortir chacune à notre tour pour nettoyer le couloir du pavillon. Ceci se convertit en un rituel quotidien ; le sol était usé à force de tant frotter et l’on pouvait s’y mirer de tant de propreté.

Une alimentation insuffisante

Pour annihiler toute résistance de notre part et nous détruire physiquement l’affaiblissement de notre état physique était une condition, et de ce fait ils pouvaient nous soumettre à de longues attentes durant lesquelles le plus important pour nous était de savoir comment faire passer les heures, jusqu’à l’arrivée des repas, qui étaient insuffisants, pauvres en protéines comme en quantité.

Je veux mettre en évidence dans cette partie de mon témoignage une expérience que mérite d’être retenue car elle reflète bien l’attitude non seulement de solidarité mais aussi de la lutte pour la vie. Dorita, pour être mère, avait une nourriture améliorer grâce à sa fille « Poti » Martina.

Tous les jours, et par tour, nous était affectée une part de sa calebasse, de son beefsteak, ou de son verre de lait, qu’ils soient de « Poti » ou d’elle-même. Consciente de ce que notre état physique s’affaiblissait chaque jour un peu plus, et que nous devions survivre, elle partageait ce qui était destiné à lui donner plus de lait, étant donné qu’elle donnait le sein à sa petite fille.

Elle ne partageait pas seulement sa nourriture mais aussi certains de ses « privilèges ». Par le fait d’être mère, la porte de sa cellule restait plus longtemps ouverte.

Dorita acceptait qu’ils l’enferment pour que nous puissions sortir à promener « Poti » dans nos bras dans le couloir. Grâce à « Poti » et à Dorita nous pûmes voir le jour plus qu’il n’était habituel. Elles ritualisèrent notre espace-temps en donnant la possibilité de voir le ciel et de toucher le soleil avec nos mains dans cet enfer.

La nourriture se composait comme suit :

Petit-déjeuner : maté avec du lait dilué dans de l’eau, peu de sucre, pain dur et vieux et petite quantité.

Repas de midi : constitué à base de pommes de terre, pâtes et quelques morceaux de viande qui nageaient dans le bouillon trouble de la soupe ou du ragoût. La sensation de faim était constante et nous attendions avec impatience l’heure du repas.

Le «quatre-heures» : un autre maté dilué, avec un simple bout de pain.

Le souper : soupes ou ragoûts de jour en jour plus pauvres et en quantités plus petites.
Lorsque venait la nuit nous nous ingénions pour converser au travers des murs en langage Morse. Ou, moi, me racontant à moi-même des histoires dans lesquelles je n’étais jamais le personnage principal.

C’était le moment d’établir le bilan de la journée, et il me semblait que tout cela n’allait jamais se terminer. Les questions se bousculaient inexorables dans mon esprit : Pourquoi suis-je en vie ? Pourquoi sommes-nous vivantes ? Jusqu’à quand resterai-je ici ? Comme est lente l’agonie...



Mars 1976, jour du coup d’état militaire

Le jour du coup d’état militaire nous nous réveillâmes avec la marche militaire que les prisonniers sociaux nous faisaient écouter à la radio, à travers leurs fenêtres. Il était cinq ou six heures du matin. Immédiatement entra l’adjoint du responsable du pénitencier, Néstor Eusebio Singh, et il dit à haute voix :

« Ici s’est terminé ce qui se préparait. Maintenant vous allez savoir ce qui est bon. Les privilèges, C'est fini ! ». Ces mots laissèrent les femmes dans l’expectative (Reynaldo CASTRO, 2004 : 72).

Peu de temps après nous entendîmes des bruits de grilles. Par les ouvertures des portes nous vîmes qu’ils amenaient des compagnes. Parmi elles, arrive Marina Vilte, de San Salvador, une syndicaliste des maîtres d’école très engagée.

Tout au long de ma détention, à des heures déterminées elle chantait des couplets qui s’entendaient dans tout le pavillon. Sara Murad affirma que ces strophes « décidées » redonnaient courage et remplissait la prison de joie : « Bien qu’étant derrière les barreaux, nous continuions à rire » (Reynaldo CASTRO 2004 : 75). Arriva aussi Olga Demitrópulos de Ledesma, et quelques personnes du gouvernement d’Isabel de Perón.

Quelques mois plus tard arriveront Dominga Álvarez, Alicia Ranzoni, Juana Torres, et Eulogia Cordero de Garnica. Ces compagnes arrivèrent après avoir été torturées, et malades, et elles étaient déjà passées par les mains assassines de Braga, Jaig et d’autres témoins de ces atrocités qui aujourd’hui restent impunis et n’ont pas encore parlé. Juana Torres nous raconta que son frère était prisonnier.

Elles restèrent tout le temps isolées, dans des cellules individuelles comme nous autres. Nous ne parvînmes pas tout de suite à communiquer avec elles. Je ne sais pas dans quelles circonstances elles nous racontèrent qu’ils les torturaient et qu’ils leur avait annoncé qu’elles étaient condamnées à mort.

Nous avons en vain tenté d’alerter leurs familles que leurs vies étaient en danger. La mise au secret était telle que nous n’y sommes pas parvenu. À nous autres ils nous entassent par trois par cellule, du fait qu’ils préparaient l’espace pour d’éventuelles détentions.

Ils venaient chercher ces compagnes systématiquement pour ce que les bourreaux appelaient « aller en commission » (salir en comisión). Elles étaient amenées à des centres de détention clandestins comme « Guerrero » ou au RIM 20. Il s’agit en réalité d’interrogatoires sous la torture, physique comme psychologique.

Chaque fois qu’ils venaient les chercher elles sortaient en silence, sans pleurs, sans aucune expression de peur. Elles assumèrent totalement leur condition de combattantes face aux injustices, et non montré aucune faille fasse à leurs assassins. Lorsqu’elles revenaient des « commissions » elles portaient des marques évidentes de tortures, hématomes sur tout le corps du fait des coups reçus. Jamais elles ne se plaignirent.

Alicia Ranzoni avait le tympan crevé : Ils lui avaient appliqué ce qu’en jargon militaire ils nommaient « le téléphone » ; il consistait à frapper simultanément avec les paumes de la main les deux oreilles. Juana Torres aussi apparaissait chaque jour plus faible, tout comme Dominga Álvarez.

Un jour ils vinrent les chercher toutes les trois, ils les firent sortirent du pénitencier. Cette fois elles n’vaient pas les yeux bandés. C’était le signe qu’ils allaient les faire disparaître. Ce jour-là les compagnes pressentaient qu’elles ne reviendraient plus. Elles nous avaient dit qu’elles se sentaient menacées de mort.

Ce jour-là nous les entendîmes pratiquement pas, et dans le pavillon aussi on n’entendait aucun bruit. Je ne sais si ce fut par erreur ou si cela avait été intentionnellement, Juana Torres se trouvait dans notre cellule. Elle nous dit : cette nuit ils viennent aussi nous chercher. En voyant son état de santé et le froid qu’il faisait, Gladis lui donna sa veste pour qu’elle se protège du froid. Je suppose qu’elle pressentait ce qui allait se passer, car elle ôta sa chaîne, elle nous la remit en disant : pour que vous la remettiez à ma fille lorsqu’elle sera grande.

Mais je ne me souviens plus si Juana la donna à Gladis ou à moi ; mais le jour que nous arrivâmes à la prison de Villa Devoto, à Buenos Aires, Cette chaînette était à mon cou et les gardiennes me l’ôtèrent durant la fouille. Le jour qu’ils m’expulsèrent du pays je la réclamai avec l’espoir de la récupérer, mais ils me dirent qu’elle avait disparu et qu’ils ne l’avaient plus (CHÁVEZ M, 2004 : 12).

Quand ils vinrent les chercher le silence était si pesant que Jusqu’aux murs et aux grilles s’étaient tus comme en un ultime adieu. Bien que ne les ayant pas connues depuis longtemps restent présents en ma mémoire ces quelques instants partagés, leurs sourires et leurs regards fermes, et la conviction qu’elles ne sont pas mortes en vain. 

Nous pressentions aussi qu’en ce moment se décidaient aussi nos vies. Cette nuit-là je n’ai pas pu dormir, mais le jour suivant nous devions continuer comme si de rien n’était malgré la tristesse qui se lisait sur nos visages. Nous ne les revîmes plus jamais.

Malgré tout nous nous afférâmes à réclamer de leurs nouvelles. Toutes sortes d’hypothèses circulaient à l’intérieur de la prison au sujet de leur disparition. Un jour ils nous disaient qu’ils les avaient emmenées à Salta pour écouter leur déclaration dans un procès, d’autres fois à Tucumán, et d’autres qu’ils les avaient retrouvées mortes lors d’un affrontement armé.

Entre-temps Marina Vilte, que fut secrétaire générale du syndicat enseignant (ADEP) et l’une des fondatrices de CTERA (syndicat qui réunit les maîtres d’école au niveau national), avait été libérée. Ensuite nous parvint la nouvelle qu’elle avait été séquestrée et qu’elle avait disparu. Personne ne pouvait imaginer à quel point entre ces murs on soumettait, on humiliait, on terrorisait...

Ces compagnes font aujourd’hui partie de la longue liste des disparus et figurent dans le témoignage que je fis parvenir à Genève après ma libération vers l’exil en France.

Le rôle de l’Église et sa complicité avec le Troisième Corps de l’Armée de terre durant les années de la dictature

Le rôle de la hiérarchie catholique argentine, qui à Jujuy était représentée par Monseigneur Medina, évêque de Jujuy, et ses subordonnés qui se firent remarquer par ces actes, mérite d’être mentionné avec une particulière attention. Il était au courant de toutes les décisions prises concernant la vie des prisonniers politiques et de ceux qui par la suite on faisait disparaître. Non seulement il appuya spirituellement les militaires par son attitude mais aussi la répression, la détention illégale, les tortures et les disparitions forcées.

Medina avait entrée libre au pénitencier de Villa Gorriti. Il s’y rendait avec la claire intention de mener les interrogatoires pour nous contraindre à nous confesser, et nous incitait à l’autodénonciation. Il interrogea les compagnes qui avaient été torturées et qui ensuite disparaissaient.

De par ses actions et depuis son investiture il défendit, dans la prison, le plan avoué des militaires de nous isoler, de nous soumettre, de nous rendre folles ou de nous tuer physiquement et psychologiquement. Sous les ordres de Benjamín Menéndez, que commandait le Troisième Corps d’Armée, il offrait ses rapports sur la conduite des prisonnières et prisonniers politiques.

Un jour il vient me voir et me demanda si j’avais quelque chose à confesser : « Confesse, ma fille, si tu n’as rien à te reprocher confesse ». Cette complicité de la part de l’Église envers le projet civico-militaire à Jujuy fut représentée par son plus haut responsable, Monseigneur Medina, qui mourut sans avoir été jugé pour ces actes.

 

Transfert au pénitencier de Villa Devoto (Buenos Aires)

Un matin je me réveille en sursaut, j’entends des bruits de bottes suivis de coups violents contre les portes: c’était un commando militaire. Je commençai à écouter les cris de certaines compagnes, qui parvenaient des premières cellules du pavillon ; ensuite des cris sur ma droite. Je me souviens que je me suis levée immédiatement que je me suis vêtue, mettant plusieurs vêtements les uns au-dessus des autres, au cas où.

Et aussi parce que le pire était de se retrouver nue face à eux. Nous sentions qu’il se préparait quelque chose. Après ce que nous avions vécu avec les compagnes disparues nous avions peur pour nos vies, et j’ai pensé que c’était notre tour. Ils pénètrent dans les cellules par surprise, violemment, et nous ordonnent de préparer nos affaires.

 Ce fut le moment durant lequel j’ai le plus pensé aux trois compagnes qui plus jamais n’étaient revenues. Ils ouvrent la porte de ma cellule, me lient les mains avec de grosses lanières très serrées, comme si nous eussions encore pu faire quelque chose, avec tout ce que nous avions vécu.

Ils nous font immédiatement mettre en rang sans nous dire où ils nous emmenaient. Par un instinct de survie je demande à une des gardiennes si elle était au courant de ce qui allait nous arriver. Elle répond négativement. Je me retourne et vois Dorita accrochée à son bébé « Poti ». En pleurant je lui dis : S’ils nous tuent qu’adviendra-t-il de « Poti » ?

Et Dorita n’émet ni un son. Je vois qu’elle tente de parler à quelqu’un qu’on lui dit quelque chose, je ne sais s’il s’agissait d’un militaire ou d’une gardienne. Il m’a semblé qu’elle voulait donner sa fille pour la protéger, avant qu’ils ne nous transfèrent. Nous étions convaincues, du moins je l’étais, que cette fois nous n’en sortirions pas vivantes.

Comme toujours, ils avaient déployé un arsenal un arsenal guerrier disproportionné pour cette opération, terrorisant non seulement les prisonnières mais également à la population alentour. Ils avaient également vidé de ses occupants l’aile du pavillon des prisonniers sociaux qui donnait de notre côté, et qui occasionnellement nous servait de lien avec les prisonniers politiques. Ils ne voulaient pas de témoins de ce qui se passait.

La gardienne avec qui nous avions de bons rapports n’était pas là ce jour-là. Ils lui en avaient substitué une autre que correspondait mieux à leurs projets. Ils nous font sortir et nous font monter en nous poussant dans les camions de l’armée. Ils nous mettent deux par cage (calabozo). Nous étions très serrées. Je me retrouvai avec une compagne qui était à demi décomposée et qui commença à vomir. Elle ne contrôlait absolument plus rien et déféqua à mes côtés.

C’est ainsi que nous sortîmes pratiquement toutes. Nous sûmes que les compagnons allaient aussi être transférés et qu’ils étaient dans un autre camion. Durant le trajet nous tentâmes d’entrer en communication avec un soldat pour qu’ils nous disent où ils nous emmenaient. Il ne répondit pas immédiatement. Ensuite, mettant à profit le fait que ses chefs étaient éloignés, il nous dit : « Vous allez à l’aéroport. Un des militaires nous entend et nous crie : « Taisez-vous ou vous terminerez avec une balle dans la tête ».

Mais la peur était plus forte et nous ne pouvions nous taire. Rien n’était sûr mais je me suis raccrochée à cette éventualité. Au court du trajet vers l’aéroport les fourgons militaires s’arrêtent, je ne sais pour quelle raison, et dans ma tête défilent les images des compagnons courant dans un lieu à découvert, et ensuite fusillés a bout portant.

Nous arrivons à l’aéroport. Ils nous font descendre et nous hissent à bord de l’avion militaire. Jusqu’à cet instant je ne savais pas que nous allions nous retrouver au pénitencier de Villa Devoto. Ce régime de sécurité maximale et hautement militarisé serait interrompu le jour de notre second transfert, cette fois à la prison de Villa Devoto.

Ce même jour, ils avaient séparés les compagnons qui allaient vivre de ceux qui allaient disparaître ; et en décembre ceux qui allaient sortir en liberté. Le jour du transfert à Buenos Aires ils emportent le même jour les hommes à La Plata et les femmes à Villa Devoto.

Conclusion

Ce qui a été vécu dans le pénitencier de Villa Gorriti fit partie d’un projet militaire qui avait pour objectif d’anéantir les prisonniers politiques qui avaient survécu et faire disparaître les autres. Après le coup d’état, tous les pouvoirs étaient sous commandement militaire. À Jujuy, le colonel Carlos Néstor Bulacios était en charge du gouvernement.

Les tortionnaires et exécuteurs sont Jaig et Braga, et tous ceux qui participèrent aux tortures dans le but de nous rendre fous, de nous soumettre, et ainsi nous détruire, et qui eux Vivent tranquilles en quelque lieu jouissant d’une totale impunité sans avoir été jugés et sans avoir répondu de leurs crimes.

J’ai témoigné par écrit de tous ces faits à mon arrivée en exil en France devant des organismes de défense des droits de l’homme français et internationaux. Aujourd’hui je continue dans mon exil à expliquer ce qui s’est passé durant cette période. Je présente ici une partie de ce travail, pour semer le futur.

Le schéma ici établi nous montre qu’il s’est agi d’un système politique raisonné et planifié.




(*) Complément d’information par le site El Correo :

18 octobre 2013 : Procès de la dictature argentine à Jujuy

Ces jours ci se tient à Jujuy un second procès pour les crimes contre l’humanité et violations des droits de l’homme commis dans cette province pendant la dictature militaire-civile argentine. Il concerne les victimes du centre de détention Villa Gorriti et porte sur les disparitions notamment de Dominga Alvarez de Scurta et de Osvaldo Giribaldi, Jaime Lara Torres, María Alicia del Valle Ranzoni, Juana Francisca Torres Cabrera, Pedro Eduardo Torres Cabrera et Jorge Turk Llapur, tous détenus en 1976 , transférés à la Villa Gorriti, et demeurant depuis disparus.

Parmi les accusés Carlos Ortiz, Ricardo Ortiz, Mario Gutiérrez, Herminio Zárate et César Díaz qui faisaient partie des groupes de répression agissant au sein de ce centre, ainsi que Antonio Vargas, ex officier de l’armée et inspecteur du service pénitencier provincial, et l’ex général Luciano Benjamín Menéndez, chef du 3 eme corps de l’armée, poursuivi dans de nombreux procès en Argentine.

Martina Chávez –Joko- qui a été détenue à la Villa Gorriti puis à la Villa Devoto entre 1975 et 1980- va témoigner durant ce procès le 31 octobre prochain.

Bibliographie :

CASTRO, Reynaldo (2004). Con vida los llevaron : Memorias de madres y familiares de detenidos-desaparecidos de San Salvador de Jujuy. Buenos Aires : La Rosa Blindada,.

ZIGARÁN, María Inés (2004). “Juicio por la verdad, Reconstrucción de la verdad histórica”. Nadie olvida nada : Revista de memorias, Año I Número 1, San Salvador de Jujuy, junio de 2004, pp.23.

CHÁVEZ, Martina (2004). “Memorias de una ex presa política”. Nadie olvida nada : Revista de memorias, Año I, Número 3, San Salvador de Jujuy, noviembre-diciembre de 2004, pp. 11-12.

PAREJO, Raphaël (1996). Du grand soir révolutionnaire à l’exil, Parole et Mémoire de militants politiques argentins exilés. Mémoire de Diplôme des Hautes Etudes des Pratiques Sociales. Paris : Université Rennes 2 – Collège Coopératif de Paris. Tome 2 : annexes B et C, p. 188.

CHÁVEZ, Martina (2002). Les racines du mûrier: Parcours d’une famille d’origine amérindienne de la région de El Ramal (Jujuy, Argentine). Mémoire du Diplôme d'Études Supérieures Spécialisées en Ethnologie et Ethnométhodologie. Paris : Université Paris 7 – Denis Diderot, Département d’Ethnologie.

Notes :

(1) Marina Vilte était une syndicaliste reconnue du syndicat CETERA, elle fut libérée et quelques mois après ils la font disparaître.
(2) J’ai choisi cette formulation pour me référer à elles, car je considère qu’elles sont le fruit des injustices sociales dans notre pays. Prisonnière de droit commun me paraît péjoratif.
(3) María Inés Zigarán, Nadie olvida nada – Revista de memorias, Año I, Número 1, San Salvador de Jujuy, juin 2004.
(4) commandement des États-Unis.
(5) Témoignage d’une ex-prisonnière politique à la CONADEP.


Source : El Correo