mercredi 23 octobre 2013

Equateur, le président Correa s’oppose à l’avortement libre

Rafael Correa, 
face à la dépénalisation 
de l’avortement 
menace de démissionner

Par la rédaction de Otramérica – Traduction de Libres Amériques

Le président de l’Equateur, Rafael Correa a qualifié de trahison l’initiative soutenue par des député-e-s de l’Alianza Pais pour dépénaliser l’avortement dans son pays. Il a annoncé que si les élu-e-s venaient à l’approuver, il renoncerait à la première magistrature. Sa position s’est finalement imposée. Pour le président équatorien, il s’agit « d’un coup de poignard dans le processus révolutionnaire » et « au Président de la République », l’initiative soutenue à l’intérieur du gouvernement et au sein de sa propre majorité.

Le mouvement a été lancé par un groupe de député-e-s au sein d’Alianza Pais, pour modifier le Code Pénal et qu’il en soit débattu en deuxième instance devant l’Assemblée nationale pour dépénaliser l’avortement. 

Pour le président, il s’agit simplement « d’une trahison », a déclaré Rafael Correa, lors d’un entretien donné à une chaîne de télévision (voir la vidéo plus bas).

Pendant cet entretien, il a dit que s’ils (les députés de sa majorité) continuaient les trahisons et déloyautés, qu’il présenterait « sa démission de sa charge » (…) offrant une exclusivité (…) et « l’histoire pourra juger », a exprimé le mandataire pendant l’échange. « Jamais, je n’approuverais la dépénalisation de l’avortement plus loin de ce qu’il en est dans les lois actuelles ». 

La députée Paola Pabón, qui défend les droits sexuels et reproductifs des femmes, et avec l’objectif d’éliminer les peines pour les femmes choisissant l’interruption de grossesse, elle a répondu : « Ici ne sont pas les traites, camarade Président ». (...)

« Avec l’immense tendresse que nous te portons, nous te disons, que cette fois tu es en train de te tromper », mais tout de suite elle a ajouté que pour « l'unité de ces bancs, pour l'unité de mes 100 compagnons congressistes, j’ai retiré ma motion pour que ce bloc n'ait pas la possibilité de mettre en évidence une rupture », lors d’une intervention qu'elle a faite dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale le jeudi 10 octobre 2013 passé.

Rafael Correa a exprimé qu’en raison de ses principes, il défendrait la vie. Visiblement agacé, il a signalé qu’il était fatigué, etque cela lui a demandé beaucoup plus de travail pour affronter les trahisons des supposés amis, (plutôt) que les réussites et les ennemis », et qu’ils « se remplissaient la bouche en parlant de démocratie ». « Ils prennent des décisions et ils font tout le contraire » a déclaré le président de l’Equateur.

Ce jeudi dans la nuit, les parlementaires ont voté au sujet de l’avortement, et 80% ont soutenu la position officielle et les vingt autres ont soutenu la dépénalisation dans les cas de viols, face à laquelle s’est maintenue la ligne d’Alianza País, défendue par le premier mandataire.

Pour sa part, la deuxième Vice-présidente de l’Assemblée nationale, Marcela Aguiñaga - ancienne ministre de l’écologie de Rafael Correa -, la décision de son alliance s‘appuie sur l’article 45 de la Constitution, établissant que l’Etat a pour obligation de protéger la vie depuis la conception, et il souligne, que si cela fait parti d’un militantisme, ce qui doit peser est la position organique (celle de l’état), et que si les principes entre en conflits avec cette posture, il est préférable « de faire un pas de côté », prévient-elle.


Si bien peser la pression du Président au moment de légiférer, et la majorité a préféré l’unité de l’alliance gouvernementale. (…)

Le député (de la majorité), Virgilio Hernández, a lui aussi exprimé qu’il était nécessaire que la société prenne en compte la dépénalisation de l’avortement dans les cas de viols et que le débat ne doit pas être abandonner. Et il s’interroge : « que la société pensera, si les femmes violées sont pénalisées si après elles décident d’avorter et deviennent prisonnières ?  

Monsieur Hernández juge qu’il est nécessaire que la société engage et approfondisse le débat sur le respect (des femmes), pour qu’il soit possible d’apporter des changements s’imposant au fil du temps.

Antécédents de la loi et les viols

La loi en Equateur ne sanctionne pas l’avortement seulement en deux cas : Quand une femme handicapée mentale a été violée, et quand la vie de la mère enceinte est en danger. 

La même norme établie qu’une femme provoquant son avortement ou permettant à une autre de lui provoquer est condamnable à de la prison pour des peines allant entre 6 mois et deux ans. Maintenant, les peines pourront aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement.

Selon les données publiques  de l’Anred dans une note en rapport avec le sujet, 60% des femmes équatoriennes ont été violentées sexuellement (6 de 10), et il est enregistré 14 viols chaque jour (le chiffre serait plus important), et les femmes de condition modeste sont les plus touchées.

Il n’existe pas de données officielles certaines sur le nombre des femmes violées et laissées enceintes, mais il serait de 16%. Et le taux de filles et adolescentes enceintes est le plus haut de la région, et au lieu de diminuer il a augmenté de 74% ces 10 dernières années, selon les registres du recensement de 2010.

Complément d'information :

Equateur: médecine, avortement... polémique sur le nouveau Code pénal, par l'AFP

En Equateur, le nouveau Code pénal, impulsé par le président de gauche Rafael Correa, suscite une forte polémique avec une répression accrue contre l'avortement et la création d'un délit de "mauvaise pratique professionnelle" qui épouvante les médecins.

Le nouveau Code, approuvé la semaine dernière par le Parlement contrôlé par la majorité gouvernementale, a notamment fait bondir les groupes féministes et les associations de médecins.

"Cela va entraîner une fuite des professionnels, car ils se sentent en insécurité avec cette disposition", affirme à l'AFP Carlos Figueroa, secrétaire de la Fédération médicale équatorienne, en allusion au nouveau délit sur la "pratique".

Le texte stipule que la mort d'un malade, causée par un mauvais geste ou décision du médecin, peut valoir à ce dernier jusqu'à cinq ans de prison, ainsi que la révocation de sa licence et l'obligation de passer un examen pour pouvoir reprendre une activité.

"Les médecins expérimentés ne voudront plus intervenir dans les cas les plus graves par peur de cette criminalisation en cas d'éventuel décès du patient", a souligné M. Figueroa.

De leur côté, les associations de défense des femmes déplorent aussi les dispositions du nouveau Code, qui introduit un délit de "féminicide" (meurtre d'une femme accompagné de violences) puni de 22 à 26 ans de prison, la même peine que pour un assassinat.

"On doit saluer l'introduction du féminicide, mais il fallait appliquer des peines différentes", a indiqué à l'AFP Tatiana Ortiz, directrice du Centre pour la promotion et l'action des femmes (Cepam), un organisme privé.

Selon Mme Ortiz, il eût été judicieux de prévoir un "délit de violence patrimoniale". "C'est l'une des plus fréquentes, elle existe sous diverses formes, comme lorsque le mari menace de ne plus garantir les ressources économiques nécessaires à la famille", explique-t-elle.

Président catholique

Doté d'une forte popularité en Equateur, le président Correa, une figure de la gauche latino-américaine au pouvoir depuis sept ans et réélu cette année jusqu'en 2017, a fait jusqu'à présent la sourde oreille aux critiques.

"Il est évident que nous avons besoin d'un nouveau Code", a tranché le chef de l'Etat, tout en admettant qu'on peut "évidemment faire des erreurs". "On peut toujours réformer la loi ultérieurement", a-t-il ajouté.

Toutefois, l'un des sujets les plus controversés ne devrait pas être modifié de sitôt: la législation sur l'avortement. Fervent catholique, M. Correa, qui se décrit autant comme conservateur pour les moeurs que progressiste pour l'économie, a pesé de tout son poids pour empêcher un éventuel assouplissement.

"Jamais je n'approuverai la dépénalisation de l'avortement", a clamé cet économiste, formé en Europe et aux Etats-Unis, allant jusqu'à menacer de démissionner alors que des parlementaires de son propre parti s'étaient aventurés à faire des propositions dans ce sens, avant de faire marche arrière.

Controverse autour de l'avortement

"Ils ont perdu l'opportunité de passer à la postérité comme ceux qui ont pour la première fois protégé la femme contre les agressions sexuelles, tellement fréquents dans ce pays", a lancé à l'AFP Veronica Vera, du Front de défense des droits sexuels, qui milite en faveur de l'avortement en cas de viol.

"Nous défendons le droit pour les femmes d'exercer intégralement leur droits relatifs à la sexualité et la reproduction, de décider de leur corps, ainsi que du moment et des conditions dans lesquelles elles deviennent mère", a insisté Mme Vera.

En Equateur, l'avortement n'est pas puni seulement en cas de risque vital pour la mère et pour les femmes handicapées mentales ayant été victimes d'un viol. La loi actuelle punit les médecins pratiquant l'avortement d'une peine de six ans de prison, tandis que le nouveau Code pénal prévoit de l'étendre à 16 ans de réclusion, en cas de décès de la patiente.

Selon des chiffres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et du gouvernement, quelque 125.000 avortements sont pratiqués clandestinement dans le pays andin, constituant la troisième cause de mortalité maternelle.


Source originale en espagnol :  Otramérica