face à la dépénalisation
de l’avortement
menace de démissionner
Par
la rédaction de Otramérica – Traduction de Libres Amériques
Le
président de l’Equateur, Rafael Correa a qualifié de trahison l’initiative
soutenue par des député-e-s de l’Alianza Pais pour dépénaliser l’avortement
dans son pays. Il a annoncé que si les élu-e-s venaient à l’approuver, il
renoncerait à la première magistrature. Sa position s’est finalement imposée. Pour
le président équatorien, il s’agit « d’un coup de poignard dans le processus
révolutionnaire » et « au Président de la République »,
l’initiative soutenue à l’intérieur du gouvernement et au sein de sa propre
majorité.
Le mouvement a été lancé par
un groupe de député-e-s au sein d’Alianza Pais, pour modifier le Code Pénal et
qu’il en soit débattu en deuxième instance devant l’Assemblée nationale pour
dépénaliser l’avortement.
Pour le président, il s’agit simplement « d’une
trahison », a déclaré Rafael Correa, lors d’un entretien donné à une
chaîne de télévision (voir la vidéo plus bas).
Pendant cet entretien, il a
dit que s’ils (les députés de sa majorité) continuaient les trahisons et
déloyautés, qu’il présenterait « sa démission de sa charge » (…)
offrant une exclusivité (…) et « l’histoire pourra juger », a exprimé
le mandataire pendant l’échange. « Jamais, je n’approuverais la
dépénalisation de l’avortement plus loin de ce qu’il en est dans les lois
actuelles ».
La députée Paola Pabón, qui défend les droits sexuels et reproductifs des
femmes, et avec l’objectif d’éliminer les peines pour les femmes choisissant
l’interruption de grossesse, elle a répondu : « Ici ne sont pas les
traites, camarade Président ». (...)
« Avec l’immense
tendresse que nous te portons, nous te disons, que cette fois tu es en train de
te tromper », mais tout de suite elle a ajouté que pour « l'unité de
ces bancs, pour l'unité de mes 100 compagnons congressistes, j’ai retiré ma motion
pour que ce bloc n'ait pas la possibilité de mettre en évidence une
rupture », lors d’une intervention qu'elle a faite dans l'hémicycle de
l'Assemblée nationale le jeudi 10 octobre 2013 passé.
Rafael Correa a exprimé
qu’en raison de ses principes, il défendrait la vie. Visiblement agacé, il a
signalé qu’il était fatigué, etque cela lui a demandé beaucoup plus de travail
pour affronter les trahisons des supposés amis, (plutôt) que les réussites et
les ennemis », et qu’ils « se remplissaient la bouche en parlant
de démocratie ». « Ils prennent des décisions et ils font tout le
contraire » a déclaré le président de l’Equateur.
Ce jeudi dans la nuit, les
parlementaires ont voté au sujet de l’avortement, et 80% ont soutenu la
position officielle et les vingt autres ont soutenu la dépénalisation dans les
cas de viols, face à laquelle s’est
maintenue la ligne d’Alianza País, défendue par le premier mandataire.
Pour sa part, la deuxième
Vice-présidente de l’Assemblée nationale, Marcela Aguiñaga - ancienne ministre de l’écologie de Rafael Correa
-, la décision de son alliance s‘appuie sur l’article 45 de la Constitution,
établissant que l’Etat a pour obligation de protéger la vie depuis la
conception, et il souligne, que si cela fait parti d’un militantisme, ce qui
doit peser est la position organique (celle de l’état), et que si les principes
entre en conflits avec cette posture, il est préférable « de faire un
pas de côté », prévient-elle.
Si bien peser la pression
du Président au moment de légiférer,
et la majorité a préféré l’unité de l’alliance gouvernementale. (…)
Le député (de la majorité), Virgilio
Hernández, a lui aussi exprimé qu’il était nécessaire que la société prenne en
compte la dépénalisation de l’avortement dans les cas de viols et que le débat
ne doit pas être abandonner. Et il s’interroge : « que la société
pensera, si les femmes violées sont pénalisées si après elles décident
d’avorter et deviennent prisonnières ?
Monsieur Hernández juge
qu’il est nécessaire que la société engage et approfondisse le débat sur le
respect (des femmes), pour qu’il soit possible d’apporter des changements
s’imposant au fil du temps.
Antécédents de la loi et
les viols
La loi en Equateur ne
sanctionne pas l’avortement seulement en deux cas : Quand une femme
handicapée mentale a été violée, et quand la vie de la mère enceinte est en
danger.
La même norme établie qu’une
femme provoquant son avortement ou permettant à une autre de lui provoquer est
condamnable à de la prison pour des peines allant entre 6 mois et deux ans.
Maintenant, les peines pourront aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement.
Selon les données
publiques de l’Anred
dans une note en rapport avec le sujet, 60% des
femmes équatoriennes ont été violentées sexuellement (6 de 10), et il
est enregistré 14 viols chaque jour (le chiffre serait plus important),
et les femmes de
condition modeste sont les plus touchées.
Il n’existe pas de données
officielles certaines sur le nombre des femmes violées et laissées enceintes,
mais il serait de 16%. Et le taux de filles et adolescentes enceintes est le
plus haut de la région, et au lieu de diminuer il a augmenté de 74% ces 10
dernières années, selon les registres du recensement de 2010.
Complément d'information :
Equateur: médecine, avortement... polémique sur le nouveau Code pénal, par l'AFP
En Equateur, le nouveau Code pénal, impulsé par le président de gauche Rafael Correa, suscite une forte polémique avec une répression accrue contre l'avortement et la création d'un délit de "mauvaise pratique professionnelle" qui épouvante les médecins.
Le nouveau Code, approuvé la semaine dernière par le Parlement
contrôlé par la majorité gouvernementale, a notamment fait bondir les
groupes féministes et les associations de médecins.
"Cela va entraîner une fuite des professionnels, car ils se sentent
en insécurité avec cette disposition", affirme à l'AFP Carlos Figueroa,
secrétaire de la Fédération médicale équatorienne, en allusion au
nouveau délit sur la "pratique".
Le texte stipule que la mort d'un malade, causée par un mauvais geste
ou décision du médecin, peut valoir à ce dernier jusqu'à cinq ans de
prison, ainsi que la révocation de sa licence et l'obligation de passer
un examen pour pouvoir reprendre une activité.
"Les médecins expérimentés ne voudront plus intervenir dans les cas
les plus graves par peur de cette criminalisation en cas d'éventuel
décès du patient", a souligné M. Figueroa.
De leur côté, les associations de défense des femmes déplorent aussi
les dispositions du nouveau Code, qui introduit un délit de "féminicide"
(meurtre d'une femme accompagné de violences) puni de 22 à 26 ans de
prison, la même peine que pour un assassinat.
"On doit saluer l'introduction du féminicide, mais il fallait
appliquer des peines différentes", a indiqué à l'AFP Tatiana Ortiz,
directrice du Centre pour la promotion et l'action des femmes (Cepam),
un organisme privé.
Selon Mme Ortiz, il eût été judicieux de prévoir un "délit de
violence patrimoniale". "C'est l'une des plus fréquentes, elle existe
sous diverses formes, comme lorsque le mari menace de ne plus garantir
les ressources économiques nécessaires à la famille", explique-t-elle.
Président catholique
Doté d'une forte popularité en Equateur, le président Correa, une
figure de la gauche latino-américaine au pouvoir depuis sept ans et
réélu cette année jusqu'en 2017, a fait jusqu'à présent la sourde
oreille aux critiques.
"Il est évident que nous avons besoin d'un nouveau Code", a tranché
le chef de l'Etat, tout en admettant qu'on peut "évidemment faire des
erreurs". "On peut toujours réformer la loi ultérieurement", a-t-il ajouté.
Toutefois, l'un des sujets les plus controversés ne devrait pas être
modifié de sitôt: la législation sur l'avortement. Fervent catholique,
M. Correa, qui se décrit autant comme conservateur pour les moeurs que
progressiste pour l'économie, a pesé de tout son poids pour empêcher un
éventuel assouplissement.
"Jamais je n'approuverai la dépénalisation de l'avortement", a clamé
cet économiste, formé en Europe et aux Etats-Unis, allant jusqu'à
menacer de démissionner alors que des parlementaires de son propre parti
s'étaient aventurés à faire des propositions dans ce sens, avant de
faire marche arrière.
Controverse autour de l'avortement
"Ils ont perdu l'opportunité de passer à la postérité comme ceux qui
ont pour la première fois protégé la femme contre les agressions
sexuelles, tellement fréquents dans ce pays", a lancé à l'AFP Veronica
Vera, du Front de défense des droits sexuels, qui milite en faveur de
l'avortement en cas de viol.
"Nous défendons le droit pour les femmes d'exercer intégralement leur
droits relatifs à la sexualité et la reproduction, de décider de leur
corps, ainsi que du moment et des conditions dans lesquelles elles
deviennent mère", a insisté Mme Vera.
En Equateur, l'avortement n'est pas puni seulement en cas de risque
vital pour la mère et pour les femmes handicapées mentales ayant été
victimes d'un viol. La loi actuelle punit les médecins pratiquant l'avortement d'une
peine de six ans de prison, tandis que le nouveau Code pénal prévoit de
l'étendre à 16 ans de réclusion, en cas de décès de la patiente.
Selon des chiffres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et du
gouvernement, quelque 125.000 avortements sont pratiqués
clandestinement dans le pays andin, constituant la troisième cause de
mortalité maternelle.
Source originale en espagnol : Otramérica