vendredi 4 octobre 2013

Brésil, coupe du monde et menaces d'expulsions à Rio

LE BRÉSIL 
UN ENDROIT MERVEILLEUX

En photo : Le quartier de Providência, à Rio de Janeiro (Brésil), où 800 familles sont menacées d’expulsion © Luiz Baltar

Par Frédéric Defalque

« Ils le grignotent petit à petit. Plus tard, ils enlèveront ce qui restera. » Alessandra Lins parle du quartier de Providência, où elle vit avec son époux et leurs deux enfants. Édifié à la fin du XIXe siècle sur une colline surplombant Rio de Janeiro, ce quartier est considéré comme la plus vieille favela (bidonville) du Brésil. Depuis, la colline s’est recouverte de petites maisons et de rues tortueuses avec vue sur le port. Mais les 800 familles qui y vivent – dont celle d’Alessandra – craignent aujourd’hui d’être prochainement obligées de partir. Comme des milliers d’autres familles à travers la ville, elles sont menacées d’expulsion. 

EXPULSIONS FORCÉES À L’HEURE OÙ LE BRÉSIL S’APPRÊTE À ACCUEILLIR LA COUPE DU MONDE DE FOOTBALL ET LES JEUX OLYMPIQUES, AMNESTY S’ASSOCIE AUX HABITANTS DES FAVELAS DE RIO DE JANEIRO POUR EMPÊCHER LEUR EXPULSION.

Pourquoi ? Parce que Rio se prépare à accueillir la Coupe du monde de football de 2014 et les Jeux olympiques de 2016. Or, dans le cadre du projet ambitieux de la municipalité pour ces deux énormes événements sportifs, des chantiers de vaste envergure – construction de routes et renouvellement urbain, notamment – ont été entrepris.

DES RETOMBÉES POSITIVES ?
 
Une fois les trophées remportés, les médailles décernées et les spectateurs rentrés chez eux, de tels chantiers pourraient théoriquement avoir des retombées très positives pour Rio. Mais les gens qui risquent de voir leur maison démolie les voient désormais comme des menaces.
Bon nombre d’habitants de Providência ont le sentiment d’être chassés parce que leur quartier ne cadre pas avec l’image de cité olympique que veulent donner les autorités. «  Providência est vue comme un point noir », déplore Alessandra.

Elle a le sentiment que sa maison et celles de ses voisins sont gênantes, situées comme elles sont à proximité du port et d’une des grandes artères de la ville, l’avenue du président Vargas. Le port fait l’objet d’un vaste projet de renouvellement urbain baptisé « Port Merveille ». Son objectif est de promouvoir des investissements massifs dans la région en modernisant le port, en construisant des musées et des immeubles commerciaux et en favorisant le tourisme.

Selon Alessandra, les autorités « voient le bidonville comme un obstacle au beau milieu de la zone portuaire ». Les expulsions y ont déjà débuté, ainsi que dans d’autres quartiers de la ville.

Les autorités municipales ont également lancé à Providência un chantier baptisé « Projet immobilier Carioca », comprenant la construction, de février 2011 à janvier 2014, de lignes de tramway et de funiculaire qui « font partie des retombées positives de l’accueil des Jeux olympiques par la municipalité ».


SOUS PRESSION
 
Mais beaucoup de gens jettent un regard sceptique sur la mise en œuvre de ce projet et d’autres chantiers analogues. Lorsque les expulsions ont débuté à Providência, en 2011, des dizaines de familles ont quitté leur domicile en échange d’une aide financière destinée à couvrir leurs frais de location. On leur a dit qu’on leur construirait de nouveaux appartements et qu’elles pourraient emménager en 2012. Pour l’instant, rien de tel ne s’est produit. Elles redoutent désormais que cette aide financière se tarisse sans que de nouveaux logements leur aient été proposés.

Les familles qui sont restées sont obligées de vivre au milieu des maisons en ruine de leurs voisins expulsés. Les amas de décombres et les flaques stagnantes d’eaux usées attirent les insectes et rendent la vie de plus en plus morne dans le quartier.

Lors d’une enquête récente d’Amnesty sur la situation sur place, des habitants nous ont également confié qu’ils se sentaient menacés, intimidés et pressés de quitter leur maison et d’accepter l’offre des autorités d’être réinstallés ailleurs.

La situation s’est améliorée lorsqu’une poignée d’habitants a consulté des avocats de l’assistance judiciaire publique. Un tribunal a ordonné aux autorités de fournir des informations plus détaillées sur les projets d’urbanisme et de réinstallation des habitants. Il leur a également demandé d’effectuer une étude d’impact et de suspendre le chantier du projet Carioca ainsi que toutes les expulsions de Providência en attendant les conclusions de cette étude.

LE SENTIMENT D’ÊTRE ASSOCIÉ AU PROJET
 
Le quartier bénéficie aujourd’hui du soutien de nombreuses personnes et organisations, dont des ONG locales et Amnesty. Toutes ont constaté avec préoccupation le manque d’information concernant l’ensemble du projet en cours de réalisation à Providência et dans la zone portuaire, notamment son calendrier et ses délais de mise en œuvre.

Les habitants n’ont pas été correctement consultés au sujet des projets, si bien que personne ne sait combien de familles seront concernées ni où elles sont censées aller.

Amnesty travaille en collaboration avec des habitants et des partenaires locaux pour s’assurer que les autorités garantissent le droit des habitants à un logement décent dans l’ensemble des quartiers concernés par les préparatifs de ces événements sportifs. Si des expulsions s’avèrent nécessaires, nous souhaitons que des garanties juridiques soient mises en place pour protéger les habitants.
Au lieu de se réjouir à l’idée que Rio soit bientôt un haut lieu du football mondial et une cité olympique, des habitants comme Alessandra éprouvent de l’inquiétude et de la crainte.

Comme tout le monde, ils veulent que leur ville soit un endroit merveilleux pour ceux qui y vivent et pour les visiteurs. Mais ils demandent que leurs droits soient respectés et veulent faire partie intégrante des projets d’avenir établis pour leur ville.
 
 

Le quartier de Providência, à Rio de Janeiro (Brésil), 
où 800 familles sont menacées d’expulsion © Luiz Baltar

AGISSEZ avec Amnesty International

Ne manquez pas la publication de notre nouveau rapport sur le Brésil et de nouvelles occasions d’agir contre les expulsions forcées (en anglais): cliquez ici !


Source : Amnesty International - Belgique