dimanche 6 octobre 2013

Brésil, expulsion des occupants et répression à Sao Paulo

Le droit 
au logement 
au Brésil


Par Angélique Duruz

Occuper un terrain abandonné » est une pratique commune au Brésil. La répression, aussi : Le lundi 16 septembre 2013, la Troupe de Choc et la Garde Civile Métropolitaine de São Paulo ont réalisé une action d’expulsion forcée des familles qui occupaient un terrain abandonné dans la région sud de la ville. Les policiers, qui ne présentaient aucun signe d’identification et qui ne possédaient pas de mandat pour effectuer cette action, ont agi de manière extrêmement violente. 


En effet, ils ont démoli les maisons, sans permettre aux personnes ne récupérer leurs affaires (frigos, fours, télévisions, aliments, téléphones, etc.) ; ils ont tiré des balles en caoutchouc, lancé des bombes de gaz lacrymogène et utilisé des bombonnes de gaz poivré contre les enfants, les hommes et les femmes de la communauté. 

Enfin, certains officiers ont abusé de violence physique également (tapes, coups, etc.) envers ceux qui réagissaient et ont confisqué les appareils photo et caméras qui enregistraient ces événements. Plusieurs personnes ont fini à l’hôpital, y compris des enfants et des bébés qui ont dû rester la nuit en observation. 

« Ils ont dit qu’ils allaient nous laisser récupérer nos affaires, mais avant qu’on ait eu le temps de tourner le dos, ils ont commencé avec les bombes lacrymogène. […] On n’a pas eu le temps d’attraper les enfants ou les femmes enceintes. […] J’ai failli m’évanouir à cause de la fumée. […] Ils n’ont respecté personne. […] On n’a rien fait, à aucun moment, on voulait juste récupérer nos affaires ! » (Témoignage d’une femme enceinte de 8 mois) 

« Occuper un terrain abandonné » est une pratique commune au Brésil. En effet, comme les politiques de logement ne sont pas pour tout le monde, et en tous cas pas pour les plus démunis, les gens vont s’installer sur des terrains abandonnés depuis longtemps. Ces terrains peuvent appartenir à des privés qui les ont oubliés et négligés ou alors au pouvoir public. Parfois, le terrain est cédé finalement aux occupants, mais dans le cas présent, la mairie a décidé de récupérer ce lopin de terre qui est soi-disant destiné à la construction d’un parc, depuis 20 ans.

Lorsqu’une expulsion est justifiée, elle doit être accomplie dans le respect des lois nationales et suivant les obligations internationales de l’Etat. En l’occurrence, le Brésil a ratifié le Pacte International sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC) en 1992, il est donc tenu d’octroyer les droits garantis par le Pacte au peuple brésilien. L’article 11§1 du PIDESC garantit le droit au logement. 

Il est clair que cela ne signifie pas que l’Etat doit construire des maisons pour tout le monde, mais par contre, il s’engage à instaurer des mesures législatives, budgétaires et administratives pour faciliter l’accès au logement et en particulier devrait s’efforcer encore plus en ce qui concerne les personnes en situation de vulnérabilité socio-économique (selon le principe de non-discrimination). 

Le Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels a défini clairement ce qu’implique le droit au logement, ainsi que les obligations des Etats lors d’expulsions forcées . En l’occurrence, la manière extrêmement violente dont la police a réalisé son action dans l’occupation du Jardim da União le 16 septembre viole chacun des 10 principes énoncés par le Comité.

Les victimes tentent maintenant de s’organiser pour revendiquer leurs droits et obtenir réparation, ce qui semble absurdement difficile.  

En effet, dû à l’absence de réponse de la part des organes publics, les familles se sont mobilisées pour manifester le 24 septembre devant le Secrétariat de l’Environnement, propriétaire du terrain occupé et récupéré. 50 personnes sont entrées dans le Secrétariat à 7h du matin et s’y sont enfermées ! 

Une centaine d’autres, dont nous (équipe du CEDECA Interlagos) faisions partie avons planté le camp devant l’immeuble et bloqué la circulation. Finalement, nous avons obtenu une réunion avec le Secrétaire de l’Environnement et le Secrétaire au Logement à 14h. 

La commission des représentants des familles et du Réseau de Communautés de l’Extrême Sud , collectif qui lutte pour le droit au logement, est revenue pour ainsi dire bredouille ! Il n’y aura pas d’indemnisation, ni de compensation, ni de retour sur ce terrain. Les Secrétaires et leurs conseillers ont recommandé aux gens de s’inscrire sur les listes de programmes d’aide au logement. 

Le problème avec ces listes est que l’on ne sait pas s’il y a 8 ans d’attente, 2 semaines ou 2 ans ; pratique !

 Après cette longue journée de lutte, les délogés se sont dirigés vers la maison du Maire (Fernando Haddad du Parti des Travailleurs) pour lui laisser une lettre dans sa boîte et  lui faire comprendre que aucun d’eux n’est prêt baisser les bras !



Note : 

(*) Angélique Duruz est cooper-actrice d'E-CHANGER au Brésil (en portugais)


Source : E-CHANGER (coopérative solidaire)