Par Libres Amériques
Mexique, premier pays au monde pour les
enlèvements : plus de 100.000 personnes enlevées en 2012, même si ce chiffre est une estimation, depuis au moins 2004, le Mexique est le pays où les séquestrations à caractère criminel sont les plus nombreuses au monde. Dans le cadre de ce palmarès quelque peu sordide, l’Amérique latine et les Caraïbes détiennent pour triste résultat, d’être la partie du monde la plus touchée par les rapts et rançonnages de personnes civiles à des fins criminelles ou « politiques ». Et les six premiers états touchés par ce fléau par ordre d’importance et en relation avec leur nombre d’habitants sont : le Mexique, l’Equateur, le Brésil, Haïti, le Venezuela et Trinité et Tobago, selon la Fondation « Pais Libre » (1).
Pour la période de 2006 à 2009, les enlèvements en Amérique latine et la Caraïbe représentaient 70% des rapts, ou "prises d'otages" criminelles et politiques recensés dans le monde.
Le seul pays où l’on peut constater un changement notable est la Colombie, qui a vu le nombre des enlèvements être divisés par 10 en 10 ans, sachant qu’une partie des rançonnés se trouvait (pour environ un 1/3) aux mains des guérillas, comme l’ELN et les FARC, (Cette dernière s’est engagée publiquement à ne plus pratiquer d’enlèvements depuis environ deux ans).
Le seul pays où l’on peut constater un changement notable est la Colombie, qui a vu le nombre des enlèvements être divisés par 10 en 10 ans, sachant qu’une partie des rançonnés se trouvait (pour environ un 1/3) aux mains des guérillas, comme l’ELN et les FARC, (Cette dernière s’est engagée publiquement à ne plus pratiquer d’enlèvements depuis environ deux ans).
La situation du Mexique dépasse un peu l’entendement et plus
largement ce mode criminalité n’est pas en Amérique latine vraiment une
nouveauté, et peut recouper différentes réalités, mais qui ont pour trait
commun d’être un acte de banditisme. Le surprenant, c’est l’échelle, c’est-à-dire,
l’ampleur, car il ne s’agit pas d’un phénomène marginal, mais correspondant à
une tendance qui se confirme et s’amplifie de manière préoccupante d’année en
année. La sécurité publique au Mexique tout comme au Brésil est aussi confronté
à ces actes délictueux, et les deux pays émergents et phares des pays
latino-américains ne sont pas des exemples à citer pour leurs résultats en ce
domaine.
Le chiffre concernant la capitale grimpe à plus de 300 à
plus de 400 délits pour 1000 habitants. Et les trois principales inquiétudes
des Mexicains sont en premier la sécurité publique (57%), deux l’emploi (46,5%)
et en troisième la misère (33%), selon l’institut mexicain INEGI et son enquête
de perception de la criminalité auprès d’un public âgé de plus de 18 ans.
Perception sur la sécurité publique au Mexique et problèmes sociaux et économiques concernant les Mexicains en pourcentage (en 2012 et 2013) :
Toute la question est de savoir ce qui peut entraîner
cette entreprise criminelle du rapt à une si grande échelle ?
Que les migrants soient une proie facile ne fait aucun
doute, le plus souvent le faisant clandestinement et avec un petit pécule, ils
tombent facilement dans les filets de la petite criminalité ou sous le coup de
la corruption policière. Mais cela ne suffit pas expliquer l’ampleur, mais
aussi la faiblesse du recensement de ce type de crime, faute de dépôt de
plainte de la part des victimes.
Si l’on s’en tient aux statistiques ou plus exactement aux
plaintes déposées auprès de la police mexicaine en 2013, il fait état de 1.300
enlèvements, soit près de 100 fois moins que les estimations de plusieurs
organismes du même état mexicain. Notamment l’INEGI (l’Institut National de la
statistique et de géographie).
« Pour cent 100 séquestres si 10 sont dénoncés, ce
serait quelque chose de merveilleux, parce qu’il est en dénoncé encore moins.
Dans les enquêtes sur la criminalité qui ont été développées, un des délits les
moins dénoncés est précisément l’enlèvement », avait déclaré en octobre
2012, Monsieur René Jiménez Ornelas, spécialiste en sécurité publique à l’Université
Nationale Autonome de Mexico.
Selon l’Institut National des statistiques (INEGI), ce délit
concernerait 105.682 personnes qui auraient été enlevées en 2012, quand par
ailleurs seulement 1300 plaintes ont été recueillies pour la même année par la
police. Sachant qu’environ 10 à 20% de ces rapts concerneraient des migrants.
Mais d’où proviennent dans leur immense majorité ces actes criminels ? ou
révélateur de quoi est toute la question ?
Les populations migrantes sont la cible de ce type de
criminalité, comme l’a dénoncé le Centre National des Droits Humains en faisant
part de plus de 11.000 cas d’enlèvements en 2011. Rien que pour la ville de
Mexico, la capitale, il s’agirait de 45 personnes par jour qui seraient enlevés
dans son district fédéral (soit environ 16.000 par an). Difficile de ne pas
faire état d’une mécanique criminelle de telle ampleur, tournant au Mexique à
une entreprise commerciale à grande échelle, et l’on devine le poids des
entreprises criminelles du pays et la place prise par les cartels mexicains de
la drogue ces dernières années.
Et il n’y aurait pas de surprise à voir cette vieille
pratique mafieuse s’associer à ce fléau : le rapt, en raison le plus
généralement du non-paiement d’une dîme exigée par tel ou tel groupe délictueux.
Mais difficile d’en mesurer l’impact réel ou en connaître son pourcentage et
ainsi mieux identifié le problème. Et qui dit trafic de drogue, dit aussi des
groupes paramilitaires, par essence incontrôlables et surtout facteur de
meurtres dans la population civile (comme au Chiapas par exemple) et de
disparitions forcées (4007 en
2012).
Il faut aussi signaler, que les victimes d’un enlèvement
n’en ressortent jamais vraiment indemnes, et si elles en ressortent vivantes et
cela ne peut qu’avoir des incidences psychologiques fortes au sein des familles
mexicaines. Et à commencer, les raisons de ce silence, cette
« omerta » qui s’impose il semblerait dans toute la société ?
Taux de victimes pour 100.000 habitants pour la population de 18 ans et plus et par entité fédérale (liste par état du Mexique) :
Des changements en Colombie et l'enlisement du Mexique dans "la guerre à la drogue" ?
La Colombie détenait une position forte en matière
d’enlèvement, cette nation a vu quant à elle son nombre diminué de manière
significative, passant de plus de 3.000 victimes par an au début des années
2000 à environ 300 pour l’année 2012, selon la fondation colombienne
« Pais Libre ».
Cette division par dix du nombre des séquestrés est en soit
une bonne nouvelle, mais pour autant l’acte criminel perdure et il reste
toutefois à un niveau non négligeable, mais sans rapport avec ce qui était
pratiqué. Et l’acte est probablement plus à relier à une petite criminalité
s’attaquant à des familles « aisées » et à des opérations des
guérillas en raison des affrontements et captures effectuées de militaires (ELN
et FARC), qu’à des opérations de quadrillage de la mafia, comme il semblerait
plus probable dans certaines régions du Mexique.
Mais le contexte des drogues et l’histoire qu’a pu connaître
la Colombie (et connaît toujours) en matière de trafic de drogues, font que
l’influence de cartels puissants trouve-là un objet de comparaison dans
l’explosion des crimes ou délits à caractère criminel au Mexique pendant la
décennie 2000. Comme la Colombie et le Venezuela l’ont connu à la fin des
années 1970.
De même que l’aide financière des Etats-Unis aux armées
nationales, qui devait aider à combattre les trafics illicites, n’a fait que
participer à un enlisement de la situation globale et aucun signe objectif de
la guerre à la drogue par le première puissance mondiale n’a donné lieu, ni à
une amélioration des situations locales, ni à un début de résultat satisfaisant
et dans le cas de l’Afghanistan, sauf à connaître un retour massif de l’héroïne
sur le marché mondial.
Le nombre des homicides reste à un niveau impressionnant
26.000 victimes en 2012 et il a été estimé par des organismes des droits
humains pour ces dernières années, de 60 à 70.000 homicides perpétrés contres
des civils et seulement en rapport avec le trafic de drogue. La « guerre à
la drogue » qui est menée par l’Etat Mexicain aux multiples ramifications
criminelles du trafic illicite des bandes mafieuses en présence, ou appelés
plus communément cartels X ou Y est aussi à associer aux opérations effectuées
par la police ou l’armée, quand ces dernières peuvent être aussi parties
prenantes.
Perception sur l'effectivité du travail réalisé par les autorités chargées de la sécurité publique ou nationale (police, armée et justice) au Mexique (en pourcentage) :
Sur la question de « l’omerta », le rôle des
polices mexicaines pose de sérieuses questions, notamment sur sa capacité à
accueillir les plaintes des victimes, si finalement une toute petite minorité
saisie la police, c’est qu’il existe manifestement des pressions exercées pour
que les victimes et leurs familles se taisent. Et comme un fléau, à plutôt
tendance à en cacher un autre, la ou les polices du Mexique sont aussi l’objet
d’une corruption importante, du moins la perception des Mexicains à ce sujet ne
peut induire en erreur et la police de la circulation, celle s’occupant du
contrôle des routes mais aussi les polices municipales ou privées laissent plus
qu’à désirer.
Dernier point pour marquer ce phénomène grandissant, il a
été voté une loi générale de protection des victimes du délit de séquestre, car
en matière juridique, le Mexique se trouvait face à un vide légal, ce qui n’a
pu que favoriser ce type de délit criminel.
L’on devine qu’avant d’inverser la courbe des enlèvements, il faudra lutter beaucoup plus fermement contre la corruption et que le gouvernement s’interroge sur certains corps de police hautement corruptible.
L’on devine qu’avant d’inverser la courbe des enlèvements, il faudra lutter beaucoup plus fermement contre la corruption et que le gouvernement s’interroge sur certains corps de police hautement corruptible.
Niveau de perception de la corruption des polices, de l'armée et de la justice au Mexique (en pourcentage) :
Notes :