par la Cour suprême
Par RSF - Bureau des Amériques
La Cour suprême argentine a validé la
constitutionnalité de la loi des communications audiovisuelles (LSCA) le
29 octobre 2013. Un seul magistrat sur sept a voté contre. La loi avait
déjà été approuvée par le Congrès en 2009, et aurait dû être appliquée
en décembre 2012, mais certains articles faisaient l’objet d’un recours (1) du groupe multimédia Clarín.
L’organe régulateur institué par la loi, l’Autorité fédérale des
services de communication audiovisuelle (AFSCA), a annoncé que la loi
entrait dès lors en vigueur.
“Reporters sans frontières a régulièrement fait part de
son soutien aux principes généraux de la loi, et prend acte très
favorablement de la décision de la Cour suprême.
Nous considérons que
son application constituera un grand pas en avant pour le pluralisme en
Argentine et dans la région.
L’argumentaire des juges favorables à la
loi était fondamentalement le nôtre : la LSCA renforcera la liberté de
l’information et le débat public car elle permet à un plus grand spectre
d’opinion de s’exprimer en toute légalité”, déclare l’organisation.
Contrairement à la loi équatorienne ou à la future loi uruguayenne
en la matière, la LSCA argentine ne prévoit pas stricto sensu la “règle
des trois tiers” :
si 33% des fréquences audiovisuelles sont attribuées
aux médias communautaires ou sans but lucratif, le reste est librement
réparti entre public et privé. Cependant, l’AFSCA doit adopter des
règles claires afin que le pluralisme soit respecté.
Le principe
figurant dans l’article 106 de la future SCA uruguayenne qui prohibe
toute "censure indirecte" par attribution de fréquences selon des
critères idéologiques ou éditoriaux, pourrait par exemple être une
source d’inspiration.
Un plan précis d’attribution du tiers des
fréquences doit être établi au profit des médias communautaires ou sans
but lucratif, ce qui implique un état des lieux des fréquences pouvant
être distribuées. L’information doit être complète et transparente sur
ce point de la part de la nouvelle AFSCA.
“Reporters sans frontières souligne aussi l’urgence
d’instaurer une véritable régulation en matière de publicité officielle.
Ces dernières années, son volume a été scandaleusement gonflé par le
gouvernement au profit de groupes médias qui lui sont favorables.
Nous
partageons la mise en garde des juges quant aux possibles dérives du
gouvernement, notamment sur l’utilisation de la loi pour soutenir une
idéologie et limiter le débat public. Il est extrêmement important que
l’AFSCA soit un organe indépendant, libre de toute influence des
autorités ou de la part de groupes de pression”, ajoute l’organisation.
Le recours du groupe Clarín, principal détenteur
de fréquences audiovisuelles dans le pays, était largement motivé par
des intérêts commerciaux. Les juges ont soutenu que “la liberté
d’expression de Clarín n’est pas affecté par l’application de la
loi, puisque la décentralisation des médias et la réaffectation de
fréquences ne met pas en danger la viabilité économique du groupe”.
Et
d’ajouter qu’il était normal que “la loi fixe a priori des limites
générales, car c’est en empêchant une concentration du marché que la
liberté d’expression est garantie”.
Clarín, contrairement aux
autres entreprises multimédias, n’a présenté aucun plan de
désinvestissement, et le groupe a d’ores et déjà annoncé qu’il pourrait
faire appel aux tribunaux internationaux.
Note :
(1) La pleine application de la loi SCA reportée in extremis : “un revers surprenant” (2012)
Le groupe Clarín avait obtenu in extremis, le 6
décembre 2012, un report du délai de cession d’une partie de ses
licences de diffusion que lui impose la nouvelle loi de Services de
communication audiovisuelle (SCA) ou Ley de Medios.
La Chambre
civile et commerciale fédérale avait, en effet, prolongé la suspension
d’application de l’article 161 de la nouvelle loi, retardant ainsi la
pleine entrée en vigueur de celle-ci - initialement prévue pour
aujourd’hui, 7 décembre, à minuit (heure locale) – jusqu’à ce
qu’intervienne une décision de fond sur sa constitutionnalité.
L’Autorité fédérale de services de communication audiovisuelle (AFSCA) avait
annoncé son intention de saisir dès aujourd’hui la Cour Suprême de
Justice de la Nation (SCJN) pour que soit invalidé le précédent arrêt.
“La décision de la Chambre civile et commerciale est
d’autant plus surprenante qu’elle contredit un autre arrêt de la SCJN,
juridiction suprême, en date du 28 novembre dernier, qui rejetait une
demande identique du groupe Clarín. Ce coup de théâtre ne change
rien à notre position de fond en faveur de la loi, même s’il risque
encore d’aggraver un contexte de tension finalement préjudiciable à
l’ensemble des journalistes et producteurs d’information”, a déclaré
Reporters sans frontières.
Source : Reporters Sans Frontières (Amériques)