la criminalisation
du mouvement autochtone
La Coordination des Organisations Autochtones du Bassin
Amazonien (COICA) vient de publier une lettre de soutien à des
dirigeants autochtones des Basses Terres de Bolivie contre lesquels
l’Etat bolivien a lancé un mandat d’arrêt pour n’avoir pas répondu à une
convocation de la justice suite à l’application de la justice
autochtone à l’encontre d’un dirigeant paysan faisant la promotion du
projet routier devant traverser le Territoire Autochtone et Parc
National Isiboro Sécure (TIPNIS). Ce projet mobilise le mouvement
autochtone des Basses Terres depuis plusieurs années et est à l’origine
de la rupture de l’alliance politique entre les organisations
autochtones du pays et le gouvernement d’Evo Morales.
La Confédération autochtone de Bolivie (CIDOB) a organisé deux
marches, en 2011 et 2012, pour tenter de mettre fin au projet.
La
première fût violemment dispersée par la police dans la localité de
Chaparina. Cette intervention avait suscité de nombreuses condamnations
tant nationales qu’internationales. Ce mandat d’arrêt génère un vaste mouvement de solidarité envers
les trois dirigeants appréhendés par la justice d’Etat. Des
organisations autochtones et des organisations citoyennes veillent sur
les locaux dans lesquels se sont réfugiés les trois dirigeants et font
barrage à toute intervention policière.
Ci-dessous, la lettre de la COICA (traduction libre de Laurent Lacroix) :
Non à la répression de la CIDOB, de ses dirigeants et de leurs droits
En tant que coordination articulant des confédérations nationales
autochtones d’Amazonie de 9 pays sud-américains, la Coordination des
Organisations Autochtones du Bassin Amazonien (COICA) condamne la
répression politique et le mandat d’arrêt établi à l’encontre des
dirigeants amazoniens Adolfo Chávez (président de la CIDOB), Pedro Nuny
(Ex vice-président de la CIDOB) et Fernando Vargas (président de la Sous
Centrale TIPNIS).
La répression à l’égard du mouvement autochtone amazonien se
poursuit. Celle-ci a commencé avec l’imposition d’un projet de route ne
bénéficiant qu’aux seuls producteurs de feuilles de coca et destructrice
d’un million d’hectares de forêt. Elle s’est poursuivie avec la
répression de Chaparina (marche autochtone de 2011 contre le projet de
route devant traverser le TIPNIS), puis par la tentative gouvernementale
de diviser la CIDOB, l’occupation depuis 2012 de ses locaux par un
groupe autochtone de la CIDOB proche du gouvernement, par des actes
d’intimidation auprès d’organisations ou de personnes soutenant la
CIDOB. Le prétexte donnant lieu à ce mandat d’arrêt est l’application
Le prétexte cette fois est d’appliquer de manière indue la "justice
ordinaire" à un cas de « justice communautaire » :
le 20 juin, les
autorités traditionnelles du TIPNIS (corregidores) réunis en cabildo
ont appliqué la justice communautaire inscrite dans la Constitution
(paragraphe I, article 190 : « Les peuples autochtones exerceront leurs
fonctions juridictionnelles et leurs compétences à travers leurs
autorités et appliqueront leurs principes, leurs valeurs culturelles,
leurs normes et leurs procédures propres ») et dans la Loi 073 de
« Délimitation juridictionnelle ».
Ces autorités ont jugé le producteur de
feuilles de coca Gumercindo Pradel, opérateur du Movimiento al Socialismo
(MAS) et du gouvernement pour avoir négocié des parcelles individuelles
dans l’expectative de la route comme il l’avait fait préalablement dans
une autre zone du TIPNIS.
Le Cabildo l’a sanctionné par quelques
coups de fouet et un acte d’engagement à ne plus revenir dans le TIPNIS
pour agir contre les organisations autochtones locales. L’accusation de
« tentative d’homicide » présentée par Pradel constitue une fausse
accusation. Et le châtiment qui fût le sien n’est rien si on le compare
au massacre (sic) de Chaparina de dizaines de femmes, d’hommes,
d’enfants, d’adultes frappés, blessés, gazés et humiliés durant la
répression de la 9ème marche de la CIDOB en défense du TIPNIS.
Les principes légaux qui octroient une égalité hiérarchique entre la
justice autochtone et la justice ordinaire sont violés. Alors que le cas
Chaparina reste impuni depuis deux ans, dans le cas Pradel, les mandats
d’arrêt à l’encontre des dirigeants de la CIDOB ont été émis en 7
jours.
L’Ombudsman lui-même a signalé l’intromission politique et le
non-respect de la justice autochtone et que le Tribunal Constitutionnel
était la seule entité compétente étant en mesure d’examiner
éventuellement le cas Pradel pour déterminer si ce dernier relevait de
la justice autochtone ou de la justice ordinaire.
Nous travaillons actuellement à l’organisation d’une mission
diplomatique autochtone internationale cherchant le dialogue avec le
Président Evo Morales pour que cesse l’injuste persécution de la CIDOB.
Nous invitons Mirna Cunnigam, la Présidente du Forum Permanent des
Peuples Autochtones à l’ONU ; Gerardo Jumi, le Coordinateur général de
la Coordination Andine des Organisations Andines (CAOI) ; Humberto
Cholango, Président de la Confédération Nationale Autochtone d’Equateur
(CONAIE) ; Adolfo Pérez Esquivel, Prix Nobel de la Paix et d’autres
personnalités internationales à se joindre à cette mission.
Nous demandons le dialogue, la pacification et une solution politique
parce que cette répression est inutile. La CIDOB résistera. La
solidarité avec le TIPNIS ne va cesser de croître tout comme le rejet
mondial face au refus d’engager un processus de décolonialité de l’État
et de Plurinationalité inscrites dans une longue histoire des luttes
autochtones et populaire en Bolivie.
Pour la Défense du TIPNIS, de l’Amazonie, de la justice autochtone et de la Constitution Plurinationale de Bolivie !
La lettre en espagnol : La lettre de la COICA
Source : SOGIP