mardi 3 septembre 2013

Colombie, la transnationale Nestlé et le monopole du café

L'entreprise 
Nestlé 
et la crise du café 
en Colombie


Par Luis Javier Correa Suárez  – Traduction de Libres Amériques

Au sujet de la grève agraire qui s’est engagée depuis le 19 août 2013, nous avons rassemblé quelques informations qui sont publiques, pour démontrer que le Système National Agroalimentaire  est un des secteurs les plus frappés par le modèle néolibéral et agroexportateur des multinationales comme Nestlé. Avec les traités de libre commerce principalement avec les Etats-Unis, l’Union Européenne et la Suisse, toute la production agroalimentaire est en voie de destruction en Colombie, ce qui est une évidence pour la crise du café, du lait, de l’aviculture, entre autres.  Dans ce texte, nous faisons un résumé en relation avec la crise qu‘est en train d’affronter le secteur du café en Colombie et de quelle façon les multinationales et particulièrement l’entreprise Nestlé d’origine suisse, est en train d’affecter le secteur.

La Colombie dispose d’une plantation de plus 4,7 milliards d’arbustes de café, avec un âge moyen de 9 ans, permettant à la productivité d’être meilleure que celle de l’année 2008, quand l’âge moyen des plants était de plus de 12 ans. La Colombie a produit lors du premier semestre de la présente année : 4,9 millions de sacs de café de 60 kilos, soit 35% de plus qu’à la même période en 2012, qui fut de 3,6 millions de sacs, et en juillet 2013, 655.000 sacs ont été exportés, soit 8% de plus qu’en juillet 2012. (…)

La production de café en Colombie pour 2012 a été de 7,7 millions de sacs de café (de 60 kilos), en 2011 elle a été de 7,8, en 2010, de 8,9 et en 2009 de 7,8 millions de sacs, et les années antérieures, la moyenne de la production était au-dessus de 10,5 millions de sacs par an. Mais la crise qu’affronte le secteur du café n’obéit pas fondamentalement à la baisse de la production, ses racines sont dans les hausses fiscales, la réévaluation du peso colombien, le prix du dollar, le renouvellement des cultures, l’augmentation des frais de production, les prix bas et le contrôle du marché de la part des multinationales.

Le café est destiné à l’exportation et son origine provient de petits propriétaires, hautement sensibles aux effets des maladies (la maladie hollandaise). Si l’on compare avec une moyenne de 2.000 pesos colombiens par dollar – en 2008, 2009 et 2010 - la réévaluation s’est élevée à plus de 12%. Cette réévaluation se répercutant en interne sur le prix par des charges, qui sont passées de 920.000 pesos en 2011 à 6 millions de pesos colombiens, sans tenir compte des coûts de production. Trois facteurs se sont rejoints comme jamais avant la chute du taux de change, l’écroulement de la production et la baisse des cotisations à l'internationale.

La production mondiale de café est estimée à 7, 259 milliards de tonnes (par année) et les principaux pays producteurs sont : le Brésil avec 25% de la production, le Vietnam avec 9%, la Colombie avec 8%, l’Indonésie avec 6%, et le Pérou participe pour  2%.

Cinq chaînes de distribution internationale vendent près de la moitié de la production mondiale de café (Newman, Volcafé, Esteve, Carguil, Arom).

Díx entreprises de torréfaction contrôlent 63% du café torréfié vendu dans le monde (Nestlé, Phillips Morris, Sara Lee, Procter & Gamble).

Trois industriels contrôlent le marché du café torréfié et moulu (Kraft Food, Sara Lee/DE y Nestlé). Produisant des standards de cafés, cherchant les combinaisons chaque fois les plus économiques (ou les moins chères). Priorisant les prix à la qualité du café.

Deux entreprises contrôlent le segment du café soluble (Nestlé et Kraft Food)

Les grands torréfacteurs, avec ses marques principales sont  Maxwell House, Nescafé, Folgers y Douwe Egberts, ils produisent des cafés standardisés, ils font des mélanges chaque fois plus économiques, ils priorisent les prix avant la qualité et donnent peu d’importance aux origines et investissent fortement dans la publicité des marques.

Les principaux pays importateurs de café sont les Etats Unis avec 25% du total des exportations mondiales, suivie de l’Allemagne avec 16%, le Japon et l’Italie 7% et la France avec 6%.

En 2012, la Colombie a produit 7,7 millions de sacs, situant la consommation interne pour cette même période à 1,46 millions, ceci indique que les 938.000 hectares ayant été plantés dans le pays avec du café ont la capacité de produire plus de 5 fois ce qui se consomme en Colombie, et mésestimant tout type de manque d’approvisionnement.

Mais, la réalité est autre, 80% du café servant en Colombie n’est pas préparé avec le suave café arabica que le pays produit et exporte. Les importations de grain dépassent les chiffres d’un million de sacs en 2012, et selon le DANE (un organisme d’état chargé des statistiques, l’équivalent de l’INSEE en France), elles proviennent d’Equateur, d’Amérique Centrale et du Pérou, qui sont importés par des entreprises comme Nestlé et l’industrie colombienne du café (patrons des marques Nescafé et Colcafé respectivement).

Ce sont les seuls du groupe apparaissant comme fabricants dans les registres de l’INVIMA (Institut National de la surveillance des médicaments et des aliments) et en accord avec la loi « Vallejo ». Les multinationales comme Nestlé, à l’entrée dans le pays, le café se présente comme une matière première, ainsi les entreprises importatrices obtiennent une aide, et après l’avoir traité et en l’exportant, elles se retrouvent avec un autre barème (ndt. ou tranche et une plus value…).

96% du café importé est aux mains de 20 firmes enregistrées auprès de la DIAN, à la tête de ces importations est « Sur Café Ltd. », qui, entre janvier et août a importé pour 13,3 millions de dollars, en cinquième position se trouve l’industrie Colombienne du Café avec 6,4 millions de dollars, et en huitième position Nestlé avec 5,6 millions de dollars.

Non il ne s’agit pas d’un café de renom, ces importations dans leur majorité arrivent depuis l’Equateur, fait à base de grain ou sous une autre forme, des pastilles ou des cafés de troisième catégorie, des brocards ou des morceaux étant moins chers.

La crise qui frappe les cultivateurs répond à une politique internationale macro-économique par :

- l’usage de la réévaluation et de la dévaluation de la monnaie ;
- le renchérissement des frais de production,
- le contrôle du marché ;
- l’imposition des prix,
- le protectionnisme des pays industrialisés ;
- les traités de libre commerce (ou de libre échange),

Et au bénéfice des multinationales comme Nestlé, et par l’absence d’une politique de défense des intérêts agricoles nationaux (souveraineté) et de sécurité alimentaire.

Comme élément de la stratégie globale, en 2011, Nestlé, la plus grande compagnie au monde d’aliments et de boissons, a signé un accord avec la Fédération Nationale des cultivateurs de Café en Colombie, une alliance stratégique pour le développement durable du commerce de la multinationale.

L’accord qui a été signé par les responsables de la Fédération des cultivateurs de Café, par Luis Genaro Muñoz Ortega ; par Fiona Kendrick, par le Vice-président de l’unité stratégique des boissons de Nestlé et Manuel Andrés K., Président de Nestlé Colombie, avec un investissement initial des différentes parties de plus de 3 millions de dollars.

Cette initiative fait partie du plan NESCAFE et devrait bénéficier aux producteurs et consommateurs de café du monde entier.

Nestlé impulse l’amélioration de sa productivité en se déchargeant des coûts sur les épaules des cultivateurs de café et les obligeant à changer de plants par des variétés résistantes pour assurer l’approvisionnement permanent de café de haute qualité, en éliminant leurs arbustes traditionnels, en leurs créant un problème de dépendance.

L’accord couvre plus de 1.200 producteurs et leurs familles dans le département de la Vallée du Cauca et c’est la première phase du projet, il cherche à consolider le plan commercial de la multinationale avec une idée du développement durable, leur permettant de l’étendre dans les prochains dix années à d’autres régions de production de café du pays et s’accaparer tout le marché.

Le Plan NESCAFE a été lancé en août 2010 par le Comité exécutif de Nestlé, pour se positionner stratégiquement dans le contrôle et le marché et avec le soutien de « Rainforest Alliance », une organisation internationale non gouvernementale, et d’autres alliés du Groupe d’Agriculture durable (SAN pour son sigle en anglais). Et l’organisation du café 4C, qui promeut l’accomplissement de critères basiques durables posés sur des piliers sociaux, environnementaux et économiques.

L’investissement total du Projet dans sa première phase sera de 3,17 millions de dollars, pour une surface de 14.333 hectares, dans 4 communes de la Vallée du Cauca : les localités d’Andalucía, de Bugalagrande, de Sevilla et de Tuluá, desquelles 5.309 hectares se feront avec des plants de café avec le standard de durabilité 4C.

Pour la période 2011 ont été renouvelés 727 hectares avec des plants de haute productivité et résistants aux maladies comme la « Roya » (OVM). 50 millions de d’arbustes seront distribués jusqu’en 2020. Dans cette première phase a été distribués 4 millions de plants pour l’année 2011.

Nestlé investira 500 millions de francs suisse pour les projets de café lors des 10 prochaines années. Ceci incluant 350 millions pour le Plan NESCAFE et 150 millions pour Nespresso.

Pour 2020, la multinationale achètera 90.000 tonnes de café NESCAFE en respectant les principes de Rainforest Alliance et du Groupe d’agriculture durable, lequel est aussi membre de l’organisation colombienne Fondation Natura.

Nestlé distribuera aux cultivateurs de cafés 220 millions de plants de café à haut rendement et résistants aux maladies, pour 2020, au moyen d’alliance avec des institutions publiques et privées dans des pays comme le Mexique, la Thaïlande, l’Indonésie et les Philippines, où Nestlé a distribué plus de 16 millions de plants de café lors des 10 dernières années.

Pour 2020, l‘énergie utilisée par Nestlé sera réduite de 20% par tonne, par l’usage de résidus de café dans la production d’énergie.

NESCAFE est la marque de café de Nestlé numéro 1 mondial, avec des ventes de plus de 10 milliards de francs suisse en 2009, et il a été calculé que chaque seconde, il se consomme aux alentours de 4.600 tasses de NESCAFE dans le monde.

Dans le cadre du Plan NESCAFE, lors des 5 prochaines années la quantité de café Nescafé qui sera acheté de manière directe aux paysans et leurs associations dans le monde, se fera en acquérant environ 180.000 tonnes de café chaque année à 170.000 paysans, pour monopoliser la production.

En mai 2013, profitant que les producteurs de café colombiens passent par des moments difficiles, la Fédération Nationale des « Cafeteros » et Nestlé Nespresso, entreprise du groupe Nestlé, ont annoncé un accord historique. Un accord qui demandera 85 millions de dollars de ressource. La Fédération doit verser 37 millions de dollars et 50 millions seront les apports de la multinationale sur une période cinq ans, à raison de 10 millions de dollars par an.

La convention prétend  impliquer 37.000 cultivateurs et leurs familles. 75% des investissements de Nespresso financeront un prix planché, qu’ils paieront aux producteurs impliqués, ceux qui approvisionneront Nestlé pour atteindre les protocoles de durabilité fixés et 25% seront dédiés à l’assistance technique et aux programmes pour renforcer la qualité, la productivité et la durabilité des producteurs.

En 2011, 25% des achats mondiaux de café de Nespresso AAA ce sont réalisés en café colombien, avec une augmentation de 300% de ses achats de café avec le standard AAA depuis 2006 dans le pays.

Pour donner un seul exemple, des intentions de Nestlé avec les producteurs de café en Colombie, est équivalent à ce qui s’est déroulé avec d’autres fournisseurs de matière première, nous voulons faire connaïtre la protestation qu’en avril 2013, les planteurs de café ont réalisés à Veracruzanos au Mexique, en marchant du quartier de Xallitic, jusque la place Lerdo de Xalapa.

Dénonçant les  politiques d’accaparement de la culture du café de l’entreprise transnationale Nestlé, sacrifiant le café natif dans les exportations, n’exigeant pas plus d’appui, parce qu’elle dispose d’un programme d’élimination des cafés arabicas. Sous le prétexte de planter des arbustes résistants aux changements climatiques, ce qui veut dire, en finir avec la biodiversité et l’accaparement du marché par la transnationale Nestlé, achetant tout le café se produisant et imposant des prix bas.

De nos jours, le café est la boisson la plus consommée dans les pays développés, principalement en Europa et aux Etats-Unis. Les plus gros consommateurs de café sont les Finlandais (12 kilogrammes par personne et pour une année), suivi des Norvégiens (quasi 10 kg), les Suédois (8,4 kg) et les Hollandais (8,2). En Italie, malgré la renommée de cette boisson chaude, les Italiens consomment “seulement” 5,9 kg par personne sur une année, un peu moins qu’en Allemagne (6,4 kg). L’Espagne occupe la 19ème place dans le classement mondial, avec une consommation de 4,5 kilogrammes de café par personne et à la 20ème place se trouve les Etats-Unis (4,1 kilogrammes par personne).

Dans l’usine de Nestlé à Bugalagrande est concentrée la production du Café à l’exportation, en raison de l’installation de haute technologie et du travail de Nestlé avec la communauté afin de s’offrir une image, et, de durabilité sur le marché,  fait partie de la stratégie de la multinationale, pendant qu’elle précarise les travailleurs et attaque systématiquement le syndicat Sinaltrainal.

Un autre site industriel clef pour la multinationale Nestlé se trouve au Mexique, là-bas a été inauguré récemment et dans la ville de Toluca, l’agrandissement d’une fabrique de café soluble avec un investissement de 1,6 milliards de pesos (130 millions de dollars), pour augmenter de 30% la capacité de production de l’usine, en la transformant « en la plus grande du monde » de café soluble.

Nestlé pareillement, à toutes les entreprises, est en train d’utiliser la stratégie de la responsabilité patronale pour se gagner la sympathie de la population, assurer le marché et rendre invisible l’impact négatif de sa politique sur le pays et la population.

Pour isoler et faire perdre la face au syndicat Sinaltrainal et à ses dénonciations et pour précariser les travailleurs, Nestlé adopte la vitrine du programme « Global Compact » des Nations Unies, faisant partie - des Guides en Colombie – un programme du gouvernement colombien pour les droits humains et le droit international humanitaire -, qui promeut l’école pour le pardon et la réconciliation (Patientez…) en réalisant des activités sportives avec la communauté, qu’impulse une fondation en lien avec des syndicats patronaux, en travaillant avec les familles, entre autres.

La grande oligarchie du café est alliée avec le gouvernement, dans ce plan dénommé de reconversion pour les multinationales et le pouvoir s’est compromis à remettre des aides pour compenser l’impact, alors que les moyens et les petits paysans n’apparaissent pas dans les budgets du gouvernement.

Simultanément les multinationales et les conglomérats se sont emparés des grandes extensions de terre en Colombie, principalement dans les llanos de l’Est (plaines humides) et les zones stratégiques, pour monter leurs mégaprojets en matières brutes pour les agro carburants, comme la palme à huile (ou palme africaine), la canne à sucre, entre autres.

Au bas mot, 70% des exploitants agricoles se voient touchés par les traités de libre commerce, el 28% des foyers paysans, soit quelque chose de l’ordre de 1,4 million de foyers paysans, avec en moyenne 4,5 personnes par foyer, ce qui représente 6,3 millions de paysans, desquels 1,8 million sont des producteurs agricoles.

La Colombie requiert pour la stratégie d’élargissement de ses processus de plantation et  d’exploitation de la palme africaine, de la canne, du café et des autres cultures comme matières premières, d’être au service, des processus agroindustriels aux mains des multinationales et conglomérats, incorporés dans les TLC (ou ALE) et impulsés au moyen de la dénommée locomotive agricole.

La solution au problème des producteurs de café en Colombie n’est pas seulement dans les subsides, il s’agit d’établir une régulation nationale et souveraine. En mettant des limites aux multinationales comme Nestlé, en abandonnant le contrôle du marché, de la production, à la manipulation des prix, en interdisant l’importation de café et les frais de production se produisant en Colombie, et en adoptant une politique de souveraineté et de sécurité agroalimentaire pour la population.

Transformer cette réalité est sans appel.

Il reste à construire un nouveau type de développement et une nouvelle approche pour résoudre le problème de la souveraineté, de la malnutrition et de la faim, permettant d’ériger un modèle de développement agroalimentaire démocratique, durable et soutenable, avec l’articulation de diverses technologies compatibles avec la nature, les formes de propriété (collectives et privées) et de traditions culturelles.

Pour réaliser cette tache nous partons de zéro, nous l’initions pour l’humanité comme pour notre société. Il ne faut pas oublier que le développement capitaliste dans notre pays a été construit par les travailleurs et les paysans.

Note : 

(*) Président du syndicat Sinaltrainal