dimanche 22 septembre 2013

Chili, le cinéaste Patricio Guzman et la mémoire historique

Salvador Allende, 
un homme de gauche 
hors des réflexes 
et repères dogmatiques 

Par Libres Amériques et  « l’œil du crabe »

Si ici où là certains se perdent à délivrer le titre de marxiste ou de révolutionnaire estampillé, ou pas, à Salvador Allende, il est indéniable, que le président Allende a bien été socialiste et jusque dans ses viscères.  Et il importe peu de le classifier, même si il n’y a rien d’infâme à être un social-démocrate, un réformiste, c’est-à-dire, pour un socialisme démocratique. Et il y aurait même à être fier d’une histoire non négligeable du mouvement ouvrier sans label établi et non sectaire. (Trois vidéos en ligne sur le travail et la réflexion de Patricio Guzman)

Il est possible d’y échapper, car Allende reste une exception, qui n’a pas vraiment fait règle, sauf à influencer une idée de ce que pouvait être la démocratie et la liberté d’un pays et de profiter de ses propres richesses (banques, mines, …), et en impulsant une politique en totale rupture avec ce qui s’imposait depuis Washington depuis au moins les années 1950  et en pleine guerre froide entre les deux blocs ou empires dominants USA et URSS.

L’Amérique latine, la fameuse « chasse gardée » était sous l’action d’une logique économique tentaculaire pressant sa proie jusqu’à en extraire la dernière goutte de son sang et de ses matières premières. La partie sud du continent depuis longtemps attendait l’arrivée d’un pouvoir légitime de gauche et sans l’usage de la force et au service des peuples constitués depuis les déclarations d’indépendances au 19° siècle.

Et si brève que fut la présidence d’Allende - du jour de son élection le 4 septembre 1970 au 11 septembre1973 - il restera un exemple de redistribution des richesses dans un pays du Sud et avec la forte contribution du prolétariat chilien, et son point fort restera : l’Unité Populaire (1) composé de marxistes et de non marxistes.

Vidéo d’un entretien avec Patricio Guzman (en français) :

 

Que Salvador Allende ait été naïf face à Pinochet, il n’existe pas de doute. Ce fut son point faible et reste encore un sujet problématique s’agissant du pouvoir des forces militaires et répressives dans un pays se réclamant de la démocratie et qui régulièrement en bafoue encore les «  principes de bases », qui ont dû échapper aux clones de la grande bourgeoisie chilienne et à son actuel Président Pinera (en fin de mandat).

Une bourgeoisie alliée objective des forces armées, cette dernière qui en pur cynisme a soutenu ou organisé l’extermination de dizaines de milliers de militants de gauche en Argentine, au Chili, au Brésil, en Uruguay, au Paraguay, en Bolivie notamment dans les années 1970.

Et aussi provoqua un exil massif de militants (plusieurs centaines de milliers de personnes rien que pour le Chili après septembre 1973), et aussi d’intellectuels, d’artistes échappant, de sinistre mémoire aux camps d’extermination ou disparitions forcées de la junte chilienne.

Pour exemple à l’échelle latino-américaine, le Plan ou l’opération Condor reste encore aujourd’hui un sujet un sujet épineux, ou des milliers de familles sont encore à chercher ou à ne pouvoir identifier les restes des victimes. Mais aussi, pour que acteurs et complices ayant orchestré des crimes contre l’humanité soient condamnées, et à ce rythme beaucoup de tortionnaires sont déjà morts tranquillement dans leur lit sans avoir été inquiété par un ordre de justice des différents pays en cause, sauf peut être en Argentine et encore depuis peu d’années, il est possible de souligner des efforts notables.

Il faudrait faire une longue liste sur le nom des opérations qui ont pu être planifié par les autorités militaires et civiles et avec l’appui logistique et financier du département d’Etat étasunien (et même la bénédiction du Pape Paul VI). Un vaste échafaudage d’appui financier et de soutien armé entre ces différents pays, dont le seul but a été d’éliminer tout ce qui pouvait ressembler à un « rouge ».

Salvador Allende bien que d’une couleur un peu plus pâle dans les rouges, il n’est pas complètement disjoint d’une pensée purement marxienne ou marxiste et bonne chance à celui qui le fera rentré dans une case, l’homme est trop complexe et les événements qui se sont déroulés en septembre 1973 de même. Et le rôle d’un homme ne peut absoudre une responsabilité collective et politique ou justement l’enjeu était de créer une dynamique populaire et mettre en place un état providence. Les chileins attendent toujours quarante parès.

Les grands exécutant des manœuvres furent les conservatismes et les intérêts économiques étasuniens, le tout sorti d’un salmigondis  théorique(2) et s’étant traduit en l’application d’un nouvel ordre économique à l’échelle du monde, qui a pour nom de nos jours le néolibéralisme. Œuvre maudite de l’économiste Milton Friedman et de ses « Chicago boys », qui ont fini par transformer notre planète en grand casino, où le seul gagnant est toujours le capital et les rentiers. 


La bataille du Chili et la mémoire historique

Extrait du site Elojodelcangrejo (L’oeil du crabe)

La mémoire est peut-être un mot - et l’action - la plus urgente de notre époque. Ce n’est pas fortuit (ou un hasard) que depuis 40 ans du coup d’Etat qui destitua le gouvernement de Salvador Allende au Chili, son actuel Président Sebastián Piñera a affirmé dans un entretien à la revue Time « malgré, que le président ait été élu démocratiquement, il commença par ne pas respecter les principes démocratiques de base. » .

La seule chose qui peut contrecarrer ces paroles, sont les fait réels connus pour beaucoup, mais jamais remis dans contexte de l’histoire des pays latino-américains. La seule chose qui reste c’est la mémoire.

Un grand apport à la construction de la mémoire du Chili et latino-américaine a été fait par le réalisateur et documentariste chilien Patricio Guzman. La Bataille du Chili a été son premier grand documentaire, il se divise en trois parties et a été filmé dans les années 1970, pendant que le Chili traversait de profonds changements sociaux impulsés par Salvador Allende et jusqu’à ce que l’auteur vive l’instauration de la dictature.

Toutes les prises de vue du film ont été enregistrées pendant que se déroulaient les événements historiques, puis Guzman et son équipe de travail se trouvèrent au milieu d’eux. Y compris, Jorge Müller Silva, le caméraman du documentaire a été arrêté par la police de Pinochet en 1974 et il fait partie jusqu’à ce jour des disparus.

Dans la première partie de la Bataille du Chili, appelée  « l’insurrection de la bourgeoisie », il est possible de voir comment Allende, et ses initiatives ont été sabotées par la droite dès les premiers jours du gouvernement. Contrairement à ce qu’affirme Piñera aujourd’hui, il est évident que ceux qui épuisèrent les voies légales et les « prinicipes démocratiques » pour destituer Allende a été la droite et elle a opté pour la stratégie du coup d’Etat.

Ce documentaire est un des grands monuments de notre histoire, ainsi que toutes les productions faisant parties du travail de Patricio Guzman sur le Chili et la mémoire (historique).



Filmographie de Patricio Guzman : Longs métrages

    1971 : Chile, elecciones municipales
    1971 : La Première année (Primer año)
    1972 : La Respuesta de octubre
   
1975-1979 : La Bataille du Chili (La Batalla de Chile: la lucha de un pueblo sin armas), en 3 parties :

    1975 : L'insurrection de la bourgeoisie (La insurrección de la burguesía)        
    1977 : Le coup d'État (El golpe de estado)
    1979 : Le pouvoir populaire (El poder popular)
  
    1983 : La Rose des vents (La Rosa de los vientos)
    1987 : Au nom de Dieu (En nombre de Dios)
    1992 : La Croix du Sud (La Cruz del Sur)
    1995 : Les Barrières de la solitude
    1997 : Chili, la mémoire obstinée (Chile, la memoria obstinada)
    2000 : Invocación (coréalisateur)
    2001 : Le Cas Pinochet (El Caso Pinochet)
    2004 : Salvador Allende
    2010 : Nostalgie de la lumière (Nostalgia de la luz)


1975 : L'insurrection de la bourgeoisie (La insurrección de la burguesía)
        
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Notes :

(1) L’Unité Populaire a été le regroupement de différentes composantes politiques allant de l’extrême gauche au Parti Socialiste et à certaines composantes de la démocratie chrétienne.

(2) Si les théories économiques et politiques sont d’inspiration étasunienne, la théorie militaire est d’inspiration française et ayant été appliquée en Indochine et en Algérie et transmise notamment par le Général Osares aux forces armées brésiliennes, dont certaines informations par ailleurs accrédite aujourd’hui, l’existence d’armement chimique fourni par la dictature brésilienne à Pinochet.


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Article de Victor de la Fuente, directeur de l’édition chilienne du Monde diplomatique, sur le 11 septembre 1973 – parution septembre 2013 : 

Salvador Allende son combat pour l’Unité Populaire


Livres de Franck Gaudichaud sur le Chili des années 1970 à 1973 : 

2 livres sur le pouvoir populaire de Franck Gaudichaud


Source : Elojodelcangrejo (l’œil du crabe)