Salvador Allende,
un homme de gauche
hors des réflexes
et
repères dogmatiques
Par Libres Amériques et « l’œil du
crabe »
Si ici où là certains se perdent à délivrer le titre de
marxiste ou de révolutionnaire estampillé, ou pas, à Salvador Allende, il est
indéniable, que le président Allende a bien été socialiste et jusque dans ses
viscères. Et il importe peu de le
classifier, même si il n’y a rien d’infâme à être un social-démocrate, un
réformiste, c’est-à-dire, pour un socialisme démocratique. Et il y aurait même
à être fier d’une histoire non négligeable du mouvement ouvrier sans label
établi et non sectaire. (Trois vidéos en ligne sur le travail et la réflexion de Patricio Guzman)
Il est possible d’y échapper, car Allende reste une
exception, qui n’a pas vraiment fait règle, sauf à influencer une idée de ce
que pouvait être la démocratie et la liberté d’un pays et de profiter de ses
propres richesses (banques, mines, …), et en impulsant une politique en totale
rupture avec ce qui s’imposait depuis Washington depuis au moins les années
1950 et en pleine guerre froide entre les deux blocs ou empires dominants USA et URSS.
L’Amérique latine, la fameuse « chasse gardée »
était sous l’action d’une logique économique tentaculaire pressant sa proie
jusqu’à en extraire la dernière goutte de son sang et de ses matières
premières. La partie sud du continent depuis longtemps attendait l’arrivée d’un
pouvoir légitime de gauche et sans l’usage de la force et au service des
peuples constitués depuis les déclarations d’indépendances au 19° siècle.
Et si brève que fut la présidence d’Allende - du jour
de son élection le 4 septembre 1970 au 11 septembre1973 - il restera un exemple
de redistribution des richesses dans un pays du Sud et avec la forte
contribution du prolétariat chilien, et son point fort restera : l’Unité
Populaire (1) composé de marxistes et de non marxistes.
Vidéo d’un entretien avec
Patricio Guzman (en français) :
Que Salvador Allende ait été naïf face à Pinochet, il
n’existe pas de doute. Ce fut son point faible et reste encore un sujet
problématique s’agissant du pouvoir des forces militaires et répressives dans
un pays se réclamant de la démocratie et qui régulièrement en bafoue encore
les « principes de bases », qui ont dû échapper aux clones de
la grande bourgeoisie chilienne et à son actuel Président Pinera (en fin de
mandat).
Une bourgeoisie alliée objective des forces armées, cette
dernière qui en pur cynisme a soutenu ou organisé l’extermination de dizaines
de milliers de militants de gauche en Argentine, au Chili, au Brésil, en
Uruguay, au Paraguay, en Bolivie notamment dans les années 1970.
Et aussi provoqua un exil massif de militants (plusieurs
centaines de milliers de personnes rien que pour le Chili après septembre
1973), et aussi d’intellectuels, d’artistes échappant, de sinistre mémoire aux
camps d’extermination ou disparitions forcées de la junte chilienne.
Pour exemple à l’échelle latino-américaine, le Plan ou
l’opération Condor reste encore aujourd’hui un sujet un sujet épineux, ou des
milliers de familles sont encore à chercher ou à ne pouvoir identifier les
restes des victimes. Mais aussi, pour que acteurs et complices ayant orchestré
des crimes contre l’humanité soient condamnées, et à ce rythme beaucoup de
tortionnaires sont déjà morts tranquillement dans leur lit sans avoir été
inquiété par un ordre de justice des différents pays en cause, sauf peut être
en Argentine et encore depuis peu d’années, il est possible de souligner des
efforts notables.
Il faudrait faire une longue liste sur le nom des opérations
qui ont pu être planifié par les autorités militaires et civiles et avec
l’appui logistique et financier du département d’Etat étasunien (et même la
bénédiction du Pape Paul VI). Un vaste échafaudage d’appui financier et de
soutien armé entre ces différents pays, dont le seul but a été d’éliminer tout
ce qui pouvait ressembler à un « rouge ».
Salvador Allende bien que d’une couleur un peu plus pâle
dans les rouges, il n’est pas complètement disjoint d’une pensée purement
marxienne ou marxiste et bonne chance à celui qui le fera rentré dans une case,
l’homme est trop complexe et les événements qui se sont déroulés en septembre
1973 de même. Et le rôle d’un homme ne peut absoudre une responsabilité
collective et politique ou justement l’enjeu était de créer une dynamique
populaire et mettre en place un état providence. Les chileins attendent
toujours quarante parès.
Les grands exécutant des manœuvres furent les conservatismes
et les intérêts économiques étasuniens, le tout sorti d’un salmigondis théorique(2) et s’étant traduit en
l’application d’un nouvel ordre économique à l’échelle du monde, qui a pour nom
de nos jours le néolibéralisme. Œuvre maudite de l’économiste Milton Friedman
et de ses « Chicago boys », qui ont fini par transformer notre
planète en grand casino, où le seul gagnant est toujours le capital et les
rentiers.
La bataille du Chili et la
mémoire historique
Extrait du site
Elojodelcangrejo (L’oeil du crabe)
La mémoire est peut-être un mot - et l’action - la plus
urgente de notre époque. Ce n’est pas fortuit (ou un hasard) que depuis 40 ans
du coup d’Etat qui destitua le gouvernement de Salvador Allende au Chili, son
actuel Président Sebastián Piñera a affirmé dans un entretien à la revue Time
« malgré, que le président ait été élu démocratiquement, il commença par
ne pas respecter les principes démocratiques de base. » .
La seule chose qui peut contrecarrer ces paroles, sont les
fait réels connus pour beaucoup, mais jamais remis dans contexte de l’histoire
des pays latino-américains. La seule chose qui reste c’est la mémoire.
Un grand apport à la construction de la mémoire du Chili et
latino-américaine a été fait par le réalisateur et documentariste chilien Patricio
Guzman. La Bataille du Chili a été son premier grand documentaire, il se divise
en trois parties et a été filmé dans les années 1970, pendant que le Chili
traversait de profonds changements sociaux impulsés par Salvador Allende et
jusqu’à ce que l’auteur vive l’instauration de la dictature.
Toutes les prises de vue du film ont été enregistrées
pendant que se déroulaient les événements historiques, puis Guzman et son
équipe de travail se trouvèrent au milieu d’eux. Y compris, Jorge Müller Silva,
le caméraman du documentaire a été arrêté par la police de Pinochet en 1974 et
il fait partie jusqu’à ce jour des disparus.
Dans la première partie de la Bataille du Chili,
appelée « l’insurrection de la bourgeoisie », il est possible
de voir comment Allende, et ses initiatives ont été sabotées par la droite dès
les premiers jours du gouvernement. Contrairement à ce qu’affirme Piñera
aujourd’hui, il est évident que ceux qui épuisèrent les voies légales et les
« prinicipes démocratiques » pour destituer Allende a été la droite
et elle a opté pour la stratégie du coup d’Etat.
Ce documentaire est un des grands monuments de notre
histoire, ainsi que toutes les productions faisant parties du travail de Patricio
Guzman sur le Chili et la mémoire (historique).
Filmographie de Patricio
Guzman : Longs métrages
1971 : Chile, elecciones municipales
1971 : La Première année (Primer año)
1972 : La Respuesta de octubre
1975-1979 : La Bataille du Chili (La Batalla de Chile: la
lucha de un pueblo sin armas), en 3 parties :
1975 : L'insurrection de la
bourgeoisie (La insurrección de la burguesía)
1977 : Le coup d'État (El golpe de estado)
1979 : Le pouvoir populaire (El poder popular)
1983 : La Rose des vents (La Rosa de los vientos)
1987 : Au nom de Dieu (En nombre de Dios)
1992 : La Croix du Sud (La Cruz del Sur)
1995 : Les Barrières de la solitude
1997 : Chili, la mémoire obstinée (Chile, la memoria obstinada)
2000 : Invocación (coréalisateur)
2001 : Le Cas Pinochet (El Caso Pinochet)
2004 : Salvador Allende
2010 : Nostalgie de la lumière (Nostalgia de la luz)
1975 : L'insurrection de la
bourgeoisie (La insurrección de la burguesía)
Notes :
(1) L’Unité Populaire a été le regroupement de différentes
composantes politiques allant de l’extrême gauche au Parti Socialiste et à
certaines composantes de la démocratie chrétienne.
(2) Si les théories économiques et politiques sont
d’inspiration étasunienne, la théorie militaire est d’inspiration française et
ayant été appliquée en Indochine et en Algérie et transmise notamment par le
Général Osares aux forces armées brésiliennes, dont certaines informations par
ailleurs accrédite aujourd’hui, l’existence d’armement chimique fourni par la
dictature brésilienne à Pinochet.
Articles récents en relation
sur le Blog Libres Amériques :
Article de Victor de la Fuente, directeur de l’édition
chilienne du Monde diplomatique, sur le 11 septembre 1973 – parution septembre
2013 :
Salvador Allende son combat pour l’Unité Populaire
Livres de Franck Gaudichaud sur le Chili des années
1970 à 1973 :
2 livres sur le pouvoir populaire de Franck Gaudichaud
Source : Elojodelcangrejo (l’œil du crabe)