mardi 24 septembre 2013

Colombie, peuples originaires et manquements de l’État

L'ONIC a demandé l'application des traités lors de la Journée internationale des peuples autochtones

Par Marie-Claude Lacroix
 
Le 9 août dernier, c’était la journée internationale des peuples autochtones, tel que décrété par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1994 (1). Cette année, le thème central est : « Les peuples autochtones et la création des alliances : Respecter les traités, accords et autres arrangements constructifs » (2). Pour l’Organisation nationale autochtone de Colombie (Organización nacional indígena de Colombia, ONIC), cette journée était une occasion de plus de demander à l’État de respecter les traités internationaux signés et qui protègent les droits des peuples autochtones (3). Pour l’occasion, l’ONIC avait convoqué des représentants autochtones, d’ONG et de la société civile. 

L’idée était de faire état de la situation des peuples autochtones en Colombie. Tous les grands médias colombiens étaient présents. Chacun est arrivé vêtu de son habit traditionnel, fier de ses origines. 

L’encens dissipé dans l’air et la musique traditionnelle créaient une atmosphère des plus particulières. La journée s’annonçait haute en couleurs.

En guise d’ouverture, nous avons eu droit à une cérémonie traditionnelle dirigée par le « Cabildo Inga » de Bogota (*), autorité administrative pour le peuple Inga de la région de Bogota. 

Puis, chacun a défilé au micro pour faire état de la situation de leur peuple, dénonçant le comportement du gouvernement à leur égard. Ce fût ensuite au tour du « Consejero mayor » (4) de l’ONIC, Luis Fernando Arias, de faire part du Rapport du département des droits humains de l’ONIC sur les violations aux droits humains et au droit international humanitaire subies par les peuples autochtones durant la première moitié de 2013.

Selon ce rapport, 66 des 102 peuples autochtones de Colombie sont en voie d’extinction en raison d’une extermination physique ou culturelle, selon les cas (5). 

Cette situation est due entre autres au conflit armé qui fait rage en Colombie, à la discrimination, à la pauvreté et au manque de préoccupation de l’État colombien.

M. Arias a également expliqué que les peuples autochtones souffrent énormément des déplacements forcés. En effet, la Colombie est le pays au monde où l’on retrouve le plus de déplacés internes. 

Ils seraient aujourd’hui estimés à plus de 5 millions depuis le début du conflit armé, dans les années 80 (6). 

Par conséquent, malgré eux, les membres des communautés se dispersent et sont assimilés à la culture dominante. 

Si l’on ajoute à cela le fait que de nombreux leaders autochtones sont victimes d’assassinats ciblés autant par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) que par l’armée et les groupes post-démobilisation, cela engendre inévitablement une désorganisation totale des communautés qui ne peut qu’empirer leur situation.

Ce n’est qu’un bref portrait de la situation plutôt dramatique à laquelle font face les communautés autochtones de Colombie. La lutte est donc loin d’être gagnée pour eux. 


Et c’est pour cette raison que, à la suite de cet exposé, l’ONIC a rejoint plusieurs groupes autochtones qui s’étaient regroupés sur la place centrale, à Bogota, pour marcher dans la ville et rappeler aux Colombiens que les autochtones sont encore présents sur leur territoire et que le gouvernement se doit de les respecter et de les protéger.



Notes :

(1) Résolution A/RES/49/214

(2) ONU, Journée internationale des peuples autochtones, http://www.un.org/fr/events/indigenousday/ (consulté le 20 août 2013)

(3) ONIC, (Invitation pour le 9 août 2013) Convocatoria por el Dia internacional de los Pueblos Indigenas, (consulté le 20 août 2013) : Cliquez ici !
 
(4) Équivalent d'un directeur général
 
(5) ONIC, (Rapport sur les violation des Droits Humains) Informe de violaciones a los Derechos Humanos de los Pueblos Indígenas e infracciones al Derecho Internacional Humanitario en el año 2013, p. 2.
 
(6) ACNUR, (Déplacement ou réfugiés internes) Desplazamiento interno en Colombia,  (consulté le 20 août 2013): Cliquez ici !


(*) Attention 3 photos illustrent le Peuple Inga et pas la journée du 9 août 2013 à Bogota : 

Ci-dessus, le 25 mars 2011. Le Taïta (médecin traditionnel) Victor Jacanamijoy, une des principales autorités politique et spirituelle du peuple Inga  à Bogotá (originaire du Putumayo, dans la partie amazonienne de la Colombie). Il fait passer un bol de chicha (boisson à base de maïs fermenté) aux officiants qui l'accompagnent lors d'une cérémonie d'offrande à l'Eau pendant la 4ème Rencontre Régionale des Peuples Autochtones. Photo : D. Fellous


Article en relation sur le blog Libres Amériques :
  1. 35 peuples amérindiens menacés de disparition en Colombie
  2. Colombie 2012, 104 morts et 12.000 déplacés amérindiens

Source : Avocats sans Frontières (Canada)