Par Amnesty International - France
Des soldats et des paramilitaires colombiens ont menacé des membres de la communauté de paix de San José de Apartadó et d'autres civils de la région. Un paysan a été victime d'une disparition forcée et des dizaines de personnes ont été déplacées de force. Le 11 septembre 2013, des soldats de la 24e brigade mobile de l'armée colombienne ont arrêté un membre de la communauté de paix de San José de Apartadó dans le hameau de La Resbalosa (commune d'Apartadó, département d'Antioquia). Le menaçant au moyen d'une arme à feu.
A cet homme, ils lui ont dit que la communauté de paix ne tiendrait pas longtemps car elle était prise en tenaille entre les paramilitaires et l'armée et que
la « justice militaire leur permettrait de faire ce qu'ils voudraient ». Ils l'ont relâché une demi-heure plus tard.
la « justice militaire leur permettrait de faire ce qu'ils voudraient ». Ils l'ont relâché une demi-heure plus tard.
Il a été signalé à plusieurs reprises que les paramilitaires ainsi que les forces armées se trouvaient dans la région.
Le 31 août 2013, Buenaventura Hoyos Hernández, un paysan, a été enlevé par des paramilitaires dans le hameau de La Hoz (commune d'Apartadó), situé à proximité de la communauté de paix.
Il a été vu pour la dernière fois le 3 septembre : il était ligoté et des paramilitaires étaient en train de l'emmener. Comme d'autres, sa famille a fui La Hoz.
Depuis que des paramilitaires se sont établis dans le hameau, le 26 août, plus de 50 personnes ont fui leur domicile. Selon des sources locales, des soldats se trouvaient à 400 mètres des paramilitaires à La Hoz mais ne sont pas intervenus.
Des paramilitaires se sont rendus dans plusieurs hameaux de la communauté de paix, en particulier fin août. Ils ont demandé à voir certains membres dont les noms figuraient sur des listes, sous prétexte qu'il s'agissait de guérilléros.
La communauté de paix de San José de Apartadó est composée de personnes vivant dans plusieurs hameaux et villages de la commune d'Apartadó (département d'Antioquia, nord-ouest de la Colombie) qui défendent leur droit de ne pas être entraînées dans le conflit armé colombien et refusent de prendre parti.
Elles refusent de porter les armes et de fournir des renseignements ou un soutien logistique aux différentes parties au conflit. En retour, elles exigent que ces dernières ne viennent pas sur leurs terres et qu'elles respectent leur décision de ne pas participer aux hostilités et de ne collaborer avec aucune d'elles.
Depuis la création de cette communauté de paix, le 23 mars 1997, plus de 170 de ses membres et d'autres civils de la région ont été tués ou ont fait l'objet d'une disparition forcée, tandis que d'autres ont été victimes de menaces ou d'agressions sexuelles. Les personnes appartenant à cette communauté sont constamment en danger. La majorité de ces homicides est perpétrée par des paramilitaires qui continuent d'agir avec le soutien ou le consentement d'agents des forces armées dans cette zone.
Une partie des meurtres est imputable aux guérilleros. Au cours des 10 dernières années, bon nombre de civils n'appartenant pas à la communauté de paix mais ayant des liens avec ses membres ou vivant dans la région ont également été tués.
Beaucoup de ces homicides coïncident avec les vagues de menaces adressées aux habitants de San José de Apartadó dans le but, semble-t-il, d'intimider cette population.
Beaucoup de ces homicides coïncident avec les vagues de menaces adressées aux habitants de San José de Apartadó dans le but, semble-t-il, d'intimider cette population.
Les civils qui défendent leur droit de ne pas être impliqués dans le conflit armé colombien se heurtent à la suspicion et à l'hostilité de l'armée, des paramilitaires et des guérilleros.
Les groupes paramilitaires colombiens sont censés avoir été démobilisés dans le cadre d'un programme lancé par le gouvernement en 2003, mais les homicides et les menaces proférées contre des défenseurs des droits humains et d'autres membres vulnérables de la société civile dans différentes régions du pays montrent qu'ils sont toujours actifs.
En décembre 2012, une réforme de la Constitution élargissant le champ de compétence de la justice militaire a été adoptée. Elle a été suivie d'une loi d'application en juin 2013.
Amnesty International s'est déclarée préoccupée par le fait que cette réforme allait renforcer l'impunité dans les cas de violations des droits humains et du droit international commises par des agents des forces de sécurité.
Le gouvernement colombien doit faire suivre d’actes son soutien aux droits humains
Le gouvernement colombien doit faire suivre d’actes son soutien aux droits humains, a déclaré Amnesty International jeudi 19 septembre devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
Les autorités colombiennes ont accepté plusieurs recommandations, émises par des États membres du Conseil, qui concernaient souvent la lutte contre l’impunité ainsi que la protection des civils pris dans le conflit.
« L’acceptation en public de ces recommandations contraste avec les actes du gouvernement et certains aspects de la politique gouvernementale », a déclaré Marcelo Pollack, chargé des recherches sur la Colombie à Amnesty International.
Amnesty International se félicite que le gouvernement colombien se soit engagé à renforcer l’indépendance de la justice, tout en réitérant son inquiétude face à l’adoption d’une nouvelle loi qui élargit la juridiction militaire.
Amnesty International considère qu’agissant seules ou en collaboration avec des groupes paramilitaires, les forces de sécurité se sont rendues coupables de graves atteintes aux droits humains, dont des homicides illégaux, des disparitions forcées, des actes de torture, des disparitions forcées et des violences sexuelles.
« La nouvelle loi ouvre la voie à l’impunité en permettant plus facilement aux tribunaux militaires d’exercer leur juridiction en cas d’atteintes aux droits humains et au droit international humanitaire perpétrées par les forces de sécurité colombiennes, a déclaré Marcelo Pollack. Or ces tribunaux se sont illustrés par leur incapacité à faire en sorte que les membres des forces de sécurité impliqués dans des violations des droits humains rendent des comptes. »
D’autres lois, telle que le Cadre juridique pour la paix adopté par le Congrès l’année dernière, permettent aussi aux autres parties au conflit, telles que les groupes de guérilla, d’échapper plus facilement à la justice pour les graves atteintes aux droits humains qu’elles commettent.
Amnesty International attire depuis longtemps l’attention sur le fait que les autorités colombiennes ne protègent pas de manière efficace les civils contre les graves atteintes aux droits humains perpétrées par les forces de sécurité, les groupes paramilitaires et les groupes de guérilla.
La semaine dernière, par exemple, l’organisation s’est inquiétée publiquement des incursions de groupes paramilitaires dans des zones humanitaires du bassin du fleuve Cacarica, dans le département du Chocó.
Les paramilitaires ont déclaré être en possession d’une liste de dirigeants communautaires qu’ils ont qualifié de collaborateurs de la guérilla. Les porte-parole de la population civile, comme ceux dont le nom figurait sur cette liste, sont souvent victimes d’atteintes aux droits humains telles que des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées ou des déplacements forcés.
« Bien qu’elles aient été au courant de ces incursions, les autorités colombiennes n’ont rien fait face à ces unités paramilitaires, a déclaré Marcelo Pollack. Cette inertie met en danger imminent les communautés d’afro-descendants vivant dans le bassin du Cacarica. »
« Ceci n’est qu’un exemple de ce qui se passe quotidiennement dans de nombreux endroits du pays. Le gouvernement ne remplit pas le devoir qu’il a de protéger efficacement la population civile. »
Dans la déclaration orale qu’elle a faite jeudi 19 septembre au Conseil des droits de l’homme [ONU], Amnesty International a souligné que le respect des droits humains et l’engagement à mettre fin à l’impunité devaient être au cœur des pourparlers de paix. Le gouvernement colombien est actuellement en négociation avec le groupe de guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), à La Havane, à Cuba.
Les pourparlers avec le deuxième plus grand groupe de guérilla de la Colombie, l’Armée de libération nationale (ELN), pourraient démarrer bientôt. « Pour qu’une paix véritable s’installe, il faut que toutes les parties s’engagent, de manière vérifiable, à mettre fin aux violations des droits humains et aux atteintes au droit international humanitaire », a déclaré Marcelo Pollack.
« Toutes les personnes responsables des graves atteintes aux droits humains commises pendant les cinquante ans de conflit – qu’elles appartiennent aux forces de sécurité, aux groupes paramilitaires ou à la guérilla – doivent être tenues de rendre des comptes. »
Amnesty International a également exprimé sa déception face à la décision du gouvernement colombien en juillet de ne renouveler que pour une année le mandat du Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies en Colombie. Le gouvernement s’était engagé auparavant à le prolonger de trois ans.
« Le rôle joué par le bureau en Colombie a été essentiel ; au fil des années, il a sauvé de nombreuses vies et apporté son soutien au travail inestimable des défenseurs des droits humains, a déclaré Marcello Pollack. Le Bureau pourra jouer un rôle tout aussi important si un accord de paix est mis en place : cette vigilance internationale permettra que les droits humains sont respectés, et notamment le droit des victimes à la vérité, à la justice, à des réparations et à des garanties de non-répétition. »
Amnesty International espère qu’après les élections de l’année prochaine le nouveau gouvernement, quel qu’il soit, renouvellera le mandat du Bureau pour une période de trois ans, montrant ainsi son acceptation d’une vigilance internationale.
« Ceci témoignerait de la volonté des autorités colombiennes de soutenir les droits humains par des actes plutôt que par des déclarations publiques », a conclu Marcelo Pollack.
Communauté de Paix de SAN JOSE DE APARTADO |
Sources : Amnesty International - 19 septembre 2013