Par Nicolas Boeglin (*)
La Colombie, par la voix de son Président, a déclaré le 10 septembre
dernier « no aplicable » l´arrêt de la CIJ (Cour Internationale de Justice) à rendu le 19
novembre 2012 (**) relatif à la délimitation des espaces maritimes
dans la mer de Caraïbes. Avant de procéder à analyser le contenu de la déclaration
du Président de la Colombie, une brève présentation du contexte s´impose, afin
de mieux comprendre la portée de cette inusitée position officielle.
L´arrêt de la CIJ rendu publique le 19 novembre 2012 répond
à une requête présentée par le Nicaragua en 2001 (voir texte de la requête
introductive d´instance), afin de régler le différend avec la Colombie provoqué
par la dénonciation en févier 1980 par le Nicaragua du traité Esguerra-Barcenas
signé avec la Colombie: ce traité reconnaissait, entre autres, la souveraineté
de la Colombie sur l´archipel de San Andres y Providencia face aux côtes
nicaraguayennes.
Depuis l´année 1980, la Colombie a considéré inutile de négocier
quoi que ce soit avec le Nicaragua et c´est tout naturellement que ce dernier a
décidé de recourir à la CIJ afin d´obtenir un règlement fondé sur les règles
applicables en la matière.
La durée de l´instance de plus de 11 ans s´explique par la présentation initiale d´exceptions préliminaires par la Colombie, donnant lieu à un premier arrêt au mois de décembre 2007 (Note 1), suivi par une demande d´intervention (quelque peu tardive) présentées de façon quasi simultanée au mois de février 2010 par deux gouvernements qui entretenaient de bons rapports avec celui du Président Uribe de la Colombie (et de moins bon rapports avec le Président Ortega du Nicaragua) à savoir ceux du Costa Rica et du Honduras (post coup d´Etat de juin 2009 pour ce dernier).
Les deux demandes d´intervention du Costa Rica et du Honduras ont été rejetées en 2011 par la CIJ ne laissant plus aucune possibilité de dilater l´instance à la Colombie afin d´éviter un arrêt sur le fond. Voilà donc un arrêt fort attendu qui met fin à 32 années d´incertitudes dans la région : en effet bien des Etats ont procédé à remettre à plus tard leurs délimitations maritimes en attente d´un règlement de ce différend.
La durée de l´instance de plus de 11 ans s´explique par la présentation initiale d´exceptions préliminaires par la Colombie, donnant lieu à un premier arrêt au mois de décembre 2007 (Note 1), suivi par une demande d´intervention (quelque peu tardive) présentées de façon quasi simultanée au mois de février 2010 par deux gouvernements qui entretenaient de bons rapports avec celui du Président Uribe de la Colombie (et de moins bon rapports avec le Président Ortega du Nicaragua) à savoir ceux du Costa Rica et du Honduras (post coup d´Etat de juin 2009 pour ce dernier).
Les deux demandes d´intervention du Costa Rica et du Honduras ont été rejetées en 2011 par la CIJ ne laissant plus aucune possibilité de dilater l´instance à la Colombie afin d´éviter un arrêt sur le fond. Voilà donc un arrêt fort attendu qui met fin à 32 années d´incertitudes dans la région : en effet bien des Etats ont procédé à remettre à plus tard leurs délimitations maritimes en attente d´un règlement de ce différend.
La mer des Caraïbes, comme on le
sait est une mer semi fermée caractérisée par une multitude d´Etats
continentaux, insulaires et autres entités (notamment des territoires d´outre
mer européens et étasuniens). La carte géographique trouvée sur ce lien sur les contentieux dits « de
basse intensité » permet d´avoir une idée de la complexité des opérations
de délimitation maritime. La figure inclue dans l´étude intitulée « Les revendication frontalière dans le bassin Caraïbes :état des lieux et perspectives » ( p.
619) illustre également l´enchevêtrement
des zones auxquelles peuvent prétendre les Etats de cette région du monde.
Pour ne prendre qu´un exemple (parmi bien d´autres), afin de procéder à la
délimitation de sa façade maritime dans les Caraïbes, le Honduras doit négocier
avec pas moins de 8 Etats (Guatemala,
Belize, Mexique, Cuba, Royaume Uni (les Îles Caïmans), la Jamaïque, la Colombie
et le Nicaragua).
LE CONTENU DE LA DECLARATION DU PRESIDENT DE LA COLOMBIE:
La déclaration du Président Santos (ci-contre en photo) mérite d´être lue, relue, écoutée et réécoutée.
Elle peut même être vue etrevue sur le site de « Confidencial » (Nicaragua).
Les spécialistes du droit international comprendront peut être mieux en l´écoutant
le type de vents qui soufflent à Bogota depuis le 19 novembre 2012 mais peut être
un peu moins la stratégie juridique suivie par les autorités actuelles de la
Colombie.
Nous avions eu à cet égard l´occasion d´analyser dans ces mêmes pages
la première mesure prise 10 jours après le prononcé de l´arrêt par la Colombie,
à savoir la dénonciation du Pacte de Bogota de 19848 par … Bogota que nous avions conclu de la
manière suivante : « Avec
ce retrait de la part de la Colombie (ressemblant davantage à un coup de
tête pour répondre à la frustration de l´opinion publique colombienne et qu´il
serait souhaitable de comparer à d´autre modalités prises par des Etats « à
chaud » la suite d´une décision de la CIJ considérée défavorable), la
Colombie devient probablement le premier Etat au monde à dénoncer un traité
international portant le nom de sa capitale » (Note 2).
La Colombie déclare dans cette intervention de son Président (voir le texte reproduit para Caracol en Colombie) que cet arrêt est inapplicable, invoquant plusieurs articles de la Constitution de la Colombie relatifs aux traités sur les frontières. Il indique que l´arrêt ne peut être « applicable » que par la négociation d´un traité bilatéral. "El fallo de la Corte Internacional de Justicia no es aplicable –no es y no será aplicable– hasta tanto se celebre un tratado que proteja los derechos de los colombianos, tratado que deberá ser aprobado de conformidad con lo señalado en nuestra Constitución".
La Colombie déclare dans cette intervention de son Président (voir le texte reproduit para Caracol en Colombie) que cet arrêt est inapplicable, invoquant plusieurs articles de la Constitution de la Colombie relatifs aux traités sur les frontières. Il indique que l´arrêt ne peut être « applicable » que par la négociation d´un traité bilatéral. "El fallo de la Corte Internacional de Justicia no es aplicable –no es y no será aplicable– hasta tanto se celebre un tratado que proteja los derechos de los colombianos, tratado que deberá ser aprobado de conformidad con lo señalado en nuestra Constitución".
Sur ce point, le Président Santos omet de dire que son homologue nicaraguayen lui avait proposé le 2 septembre la création d´une commission binationale afin d´élaborer un traité entre les deux Etats à partir de l´arrêt de la CIJ (voir note de El Espectador (Colombie) du 2/09/2013. La Colombie semble vouloir ignorer que bien des arrêts de la CIJ ont donné lieu à des négociations postérieures entre les deux Etats concernés et à l´adoption de traités bilatéraux, notamment en matière de délimitation. Lorsque la volonté politique pour résoudre définitivement le différend existe des deux côtés de la frontière, il y a toujours une solution possible, basée sur le contenu de l´arrêt de la CIJ.
Cette volonté semble cependant faire défaut de l´un des côtés de la ligne
tracée par la CIJ en novembre 2012. Dans ses réflexions, le juge français
Gilbert Guillaume à la CIJ nous rappelle que la pratique depuis 1945 montre que
les arrêts de la CIJ ont toujours été exécutés : « “Certains arrêts ont été exécutés de mauvais gré,
avec lenteur ou difficulté. D´autres n´ont pu l´être qu´au prix d´un accord
plus vaste réglant des questions supplémentaires qui divisent les Etats en
cause. Mais en définitive, dans toutes ces hypothèses, les parties se sont
conformées au jugement rendu » (Note
3).
Le Président de la Colombie indique aussi que les traités en
vigueur de la Colombie avec d´autres Etats ont été méconnus par cet arrêt :
"el fallo de La Haya desconoce por completo los tratados de límites que
tenemos vigentes con estos países, los cuales estamos obligados a cumplir".
Il omet nonobstant de signaler
que le traité avec le Costa Rica signé en 1977 n´est jamais entré en vigueur:
il ne le sera sans doute jamais, faute de ratification de la part du Costa
Rica, s´agissant d´un traité bien antérieur à la Convention des Nations Unies sur
le Droit de la Mer de 1982 qui consacre la notion de Zone Economique Exclusive
(ZEE).
A cet égard l´effet de cette Convention (à laquelle la Colombie n´est
toujours pas partie) (Note 4) sur les négociations
entre le Costa Rica et la Colombie est saisissant : alors que le traité de
1977 entre le Costa Rica et la Colombie pour les Caraïbes rapproche la Colombie
des côtes de l´Amérique Centrale comme nulle part ailleurs, celui de 1984 pour
le Pacifique (le premier traité signé après 1982 selon la liste officielle des traités signés par la Colombie en matière de délimitation maritime) l´éloigne
de façon considérable grâce à l´effet
de la « Isla del Coco » qui permet au Costa Rica de bénéficier d´une
des ZEE les plus étendues de l´Amérique Centrale.
A noter que lors des
audiences orales concernant la demande d´intervention du Costa Rica en 2010, la
Colombie a défendu la validité de ce traité de 1977, ce qui n´a rien de
surprenant. Ce qui l´est davantage, c´est que le Costa Rica, l´ait aussi fait,
tout en prétendant des espaces au-delà de la ligne établie par ce traité. Une
attitude ambigüe, du point de vue juridique, et une belle occasion que le
Nicaragua n´a pas laissé échapper.
L´un de ses conseils a lancé une dague qui dû
avoir un certain effet en indiquant aux juges de La Haye (page 22 du verbatim
du deuxième jour des audiences) que: “14. Le
Costa Rica prétend avoir un intérêt juridique à ce que soient respectées les
limites acceptées par son gouvernement, dans un traité signé, mais non ratifié,
comme celui de 1977 avec la Colombie; mais, en même temps, il situe ces intérêts
au-delà de cette limite conventionnelle. Bref, on dirait que son désir est de
tuer ce traité sans tirer un seul coup, ce qui serait d’ailleurs conforme à sa
tradition pacifiste ».
On notera au passage que,
contrairement au Nicaragua, et à la Colombie (voir composition des équipes
signalées dans le verbatim, aux pp 4-10) et au Honduras dans
une situation semblable (voir verbatim, pp 3-6), pour cette demande d´intervention,
le Costa Rica s´est présenté à la barre de La Haye avec trois diplomates
nationaux et un conseil étranger (rompant ainsi avec une pratique bien établie qui veut qu´après les
paroles de l´Agent de l´Etat, interviennent immédiatement les conseils
appartenant au « barreau invisible de droit international » de
conseils de la Couronne habitués aux joutes oratoires (et qui font partie de ce
que le professeur Jean-Pierre Cot appelle « le petit monde du Palais de la
Paix » (Note 5).
Le Président de la Colombie a
annoncé dans son discours du 10 septembre que trois Etats présenteraient avec
la Colombie un lettre collective contre les « visées expansionnistes »
du Nicaragua lors de la prochaine Assemblée Générale des Nations Unies (à savoir le Panama, la Jamaïque et le
Costa Rica) : sans le vouloir, le Président de la Colombie a obligé les
autorités du Costa Rica à préciser
le jour suivant que la carte conjointe qui sera présentée lors de la prochaine
Assemblée Générale de l´ONU ne garde aucune relation avec l´arrêt de 2012 (voir
note de presse de El Pais,
Colombie) : mélanger des choses de nature différente (définition que l´on donne en
général de l´amalgame) semble donc faire partie des instruments auquel a
recours la diplomatie colombienne (qui nous avait habitué à des manœuvres diplomatiques
plus adroites par le passé).
Nous
n´avons pas eu connaissance de protestations émises par la Jamaïque ou le
Panama contre le Nicaragua en matière de délimitation maritime durant ces dernières
années. Si elles ont été transmises au Nicaragua, c´est dans la plus grande discrétion, sans même laisser de
trace sur la toile, ni même dans des publications spécialisées sur le droit de
la mer.
A la différence du Panama et de la Jamaïque, le Costa Rica, tout comme le
Honduras ont présenté une requête à fin d´intervention, rejetées toutes les
deux par la CIJ au mois de mai 2011.
La Colombie indique en plus que, non contente d´avoir dénoncé le Pacte de
Bogota, elle présentera un recours contre ce traité de 1948 devant sa Cour Constitutionnelle :
voilà donc un Etat qui trouve refuge dans son droit interne pour essayer de ne
pas appliquer un décision de la CIJ. Il doit s´agir là d´une première somme
toute remarquable (et peu remarquée …): s´agissant d´une Cour composée de juges
colombiens, tous animés d´un sentiment patriotique parfaitement compréhensible,
on est en droit d´annoncer - sans
prendre trop de risques - qu´il est peu probable que le recours intenté soit
rejeté.
UNE ATTITUDE CONTESTABLE ET CONTESTÉE :
Les spécialistes du langage corporel s´intéresseront sûrement aux deux
poings présidentiels pointés vers la caméra lorsque le Président Santos
prononce le mot « indignados » au début de son intervention filmée du
10 septembre 2013.
Ce geste, l´attitude du Président et plus généralement celle des autorités
de la Colombie depuis le 19 novembre 2012 semblent en effet correspondre
davantage à un acte politique face à une opinion publique colombienne en plein
désarroi depuis cette date. Et c´est là peut être que se trouve la raison qui
pousse les autorités colombiennes à agir de la sorte. Depuis la déclaration
unilatérale du Nicaragua de 1980, un discours officiel, relayés par des experts,
diplomates, juristes, analystes et voix diverses, a considéré que les prétentions
de la Colombie étaient parfaitement fondées en droit face à celles du
Nicaragua.
Comme cela arrive parfois aux Etats qui
se retrouvent dans un litige avec le Nicaragua à La Haye, les capacités de son équipe
de conseillers juridiques a peut être été aussi sous-estimée. Aussi, l´opinion
publique colombienne n´a que peu de références pour comprendre ce qui s´est vraiment
passé lors du prononcé de l´arrêt le 19 novembre 2012. Elle s´attendait à une
seule issue possible et personne semble-t-il n´a pris le temps en Colombie de
lui expliquer ou lui laisser entrevoir d´autres.
Cet effort réalisé par les
autorités colombiennes a même donné lieu à un exercice somme toute inédit :
une fois conclues les audiences orales (a mois de mai 2012), l´un des
conseillers juridiques de la Colombie, un juriste pourtant extrêmement chevronné,
a donné une entrevue à la presse colombienne au mois de juillet 2012 (voir le texte de l´entrevue dans Semana,
Colombie) confirmant la justesse de la position juridique de la Colombie.
Il s´agit
là d´un exercice délicat dans la mesure où la clôture officielles des audiences
orales à La Haye est suivie par une attitude prudente, réservée et « anxieuse »
des équipes juridiques des deux Etats en attendant le prononcé de l´arrêt. La longue série des “verbatim” à l´occasion des
diverses audiences orales qui s´étalent sur 10 ans (disponibles ici) et dont la lecture s´achève avec la carte de la Colombie (p. 40) inclue
dans le verbatim du dernier jour des audiences orales)
atteste de l´intensité de la bataille menée par les deux Etats.
Mais une fois celle-ci officiellement clôturée
par la CIJ, la prudence et la réserve s´imposent aux équipes juridiques des
deux Etats. Dans l´une des rares études sur le « métier » de conseil de la
Couronne à La Haye, un conseil fort sollicité comme le professeur Alain Pellet
nous rappelle que : « “Lorsque l´Agent du second Etat à présenter
ses plaidoiries orales a donné lecture des conclusions finales de cette partie,
le « Président ordonne la clôture des débats ». Le rideau tombe sur
le « grand théatre » de La Haye. Le débat se poursuit dorénavant en
coulisses, entre les Juges de la
Cour qui se sont retirés « en
Chambre du Conseil pour délibérer ». Et les conseils, comme leurs
mandants, n´ont plus qu´a attendre, impuissants, anxieux, pleins d´espoirs, de
regrets aussi parfois, en songeant à un argument oublié ou mal présenté, la « scène
du dénouement » que constitue la lecture l´arrêt » (Note 6).
Des juristes colombiens tels que l´ancien Greffier de la CIJ, Eduardo
Valencia Ospina, et bien d´autres ont pour leur part émis des critiques virulentes
vis-à-vis de l´attitude de leurs autorités, sans pouvoir enrayer une logique
gouvernementale trouvant relais dans une presse poussant l´opinion publique à rejeter
le contenu de l´arrêt du 19 novembre 2012. A quelques jours du prononcé de
l`arrêt, la professeure colombienne María Clara
Galvís (voir entrevue dans Kienike du 21/11/2012) avertissait sans équivoque
ce que tout connaisseur du droit international public peut indiquer lorsqu´on
lui pose une question relative au non respect d´ un arrêt de la CIJ.
Nous nous permettons
de transcrire ci contre ses avertissement sans traduction quelconque (le bon
sens est somme toute un langage universel): “Las disputas se deben resolver
por las vías legales, y por eso los fallos de las máximas instancias son para
cumplirlos. Una actitud de respeto por parte de
un Estado es acatar las decisiones judiciales aunque no se compartan. En
Colombia hemos visto que se generan debates cuando algún alto tribunal se
pronuncia ante algún tema controvertido, pero hay siempre la voluntad de acatar
la decisión judicial. Si eso ocurre en el ámbito interno, no parece muy lógico
cambiar de postura cuando se trate de una situación internacional. Además, eso
sería ir contra los postulados y bases de la ONU”.
Au mois de juillet 2013, face à des insinuations inusitées en vue de discréditer les juges de La Haye (notamment a partir du fait que seuls certains d´entre eux proviennent de l´Amérique Latine), le professeur Rafael Prieto s´est insurgé contre ce type d´arguments provenant de certains secteurs colombiens en des termes que l´on ne peut que partager sans nécessiter de traduction quelconque (l´indignation elle aussi, est un langage universel) : « “¿Quiénes son aquellos honorables magistrados que, en el sentir de algunos, simple y llanamente cometieron un acto de "despojo"? ¿Quiénes son los ilustres togados que componen, según otros, la Corte "enemiga", el principal órgano judicial de las Naciones Unidas?: ¿unos aprendices de derecho internacional que llegan allí solamente por un gran poder político y, en esa medida, corruptibles, como algunos lo han querido insinuar? O quizás, ¿serán unos juristas "europeos" que no entienden nada de nuestros trópicos, como otros piensan...? ―"Ninguna de las anteriores", contestaría el más desprevenido de nuestros estudiantes a las diferentes opciones de respuesta; esencialmente por dos motivos, y haciendo total abstracción del respeto mínimo que se le debe a una institución que lleva noventa años impartiendo justicia internacional”.
Parmi ces voix courageuses (et bien d´autres, telles que celle du
professeur Enrique Gaviria Liévano, ou encore de jeunes juristes tels que Ricardo Abello, Juan Ramón Martínez y Walter Arévalo ou encore celle de l´ancien greffier de la CIJ Eduardo Valencia Ospina concernant les possibilités de présenter un recours devant la CIJ) on
signalera celle de celui qui fut co-agent de la Colombie durant de longues années
pendant le procès, ancien Ministre des Affaires Etrangères de la Colombie, l´Ambassadeur
Guillermo Fernandez de Soto: ayant renoncé à son poste comme co-agent de la
Colombie au mois d´août 2012 (voir note de presse), celui ci est on ne peut plus clair et sa déclaration, à notre modeste
avis, des plus lapidaires: "No
puede ser que los fallos solo se acaten cuando son favorables. El fallo no se
puede desconocer" (voir note).
CONCLUSIONS
La portée des déclarations
du Président de la Colombie sont telles que la réponse du Nicaragua ne s´est
pas fait attendre: le 16 septembre le Nicaragua a déposé à La Haye une nouvelle
requête introductive d´instance contre
la Colombie (voir texte officiel) repris dans le communiqué officiel de la CIJ
(voir texte en Français). Cette requête exige des précisions à la Cour
quant à la portée de son arrêt, et notamment par rapport au plateau continental
du Nicaragua en demandant à la Cour d´indiquer: «[l]e tracé précis de
la frontière maritime entre les portions de plateau continental relevant du
Nicaragua et de la Colombie au-delà des limites établies par la Cour dans son
arrêt du 19 novembre 2012» en l’affaire du Différend territorial et maritime
(Nicaragua c. Colombie).
Le demandeur prie également la Cour d’énoncer «[l]es
principes et les règles de droit international régissant les droits et
obligations des deux Etats concernant la zone de plateau continental où leurs
revendications se chevauchent et l’utilisation des ressources qui s’y trouvent,
et ce, dans l’attente de la délimitation de leur frontière maritime au-delà de
200 milles marins de la côte nicaraguayenne».
Cette requête
introductive d´instance précède de quelques semaines l´entrée en vigueur du
retrait de la Colombie au Pacte de Bogota (le délai prescrit est d´un an) à
partir de laquelle la Colombie sera définitivement « libérée » des
obligations que lui impose le Pacte de Bogota (Note 7). Le temps
dira peut-être un jour si la déclaration du Président Santos du 10 septembre a
contribué (ou pas) à précipiter un peu les choses, repoussant ainsi une
nouvelle fois le règlement définitif
d´un différend vieux de plus 33 ans qu´attend toute une région du monde.
En quête de solidarité dans un monde prônant haut et fort le respect du droit international, et celui des décisions de la CIJ, la Colombie semble avoir trouvé un associé en la personne des autorités actuelles du Costa Rica (qui entretiennent des rapports extrêmement tendus avec le Nicaragua depuis l´incursion de ce dernier en octobre 2010).
En quête de solidarité dans un monde prônant haut et fort le respect du droit international, et celui des décisions de la CIJ, la Colombie semble avoir trouvé un associé en la personne des autorités actuelles du Costa Rica (qui entretiennent des rapports extrêmement tendus avec le Nicaragua depuis l´incursion de ce dernier en octobre 2010).
Cette solidarité s´est manifestée par exemple
par une réunion entre les deux Chefs d´Etat à New York pendant l´ Assemblée Générale
des Nations Unies pour dénoncer la « politique expansionniste du
Nicaragua » en marge de l´Assemblée (voir note de presse).
Fin diplomate et connaisseur, l´ancien Ministre des Relations Extérieures du Costa Rica (2006-2010) Bruno Stagno est sans complaisance avec les autorités actuelles du Costa Rica. « L´intention de l´administration de la Présidente Chinchilla Miranda de se solidariser avec la Colombie contre les visées expansionnistes du Nicaragua est à regretter: elle se fait juste au moment où Bogota annonce le non respect à un arrêt de la CIJ. Pour un pays engagé dans la défense du droit international, cette alliance plus qu´inopportune avec la Colombie peut coûter fort cher au Costa Rica » (Note 8).
Fin diplomate et connaisseur, l´ancien Ministre des Relations Extérieures du Costa Rica (2006-2010) Bruno Stagno est sans complaisance avec les autorités actuelles du Costa Rica. « L´intention de l´administration de la Présidente Chinchilla Miranda de se solidariser avec la Colombie contre les visées expansionnistes du Nicaragua est à regretter: elle se fait juste au moment où Bogota annonce le non respect à un arrêt de la CIJ. Pour un pays engagé dans la défense du droit international, cette alliance plus qu´inopportune avec la Colombie peut coûter fort cher au Costa Rica » (Note 8).
Notes :
(*) Professeur de Droit International Public, Faculté de Droit, Universidad de Costa Rica (UCR)
(**) lire le texte de l´arrêt
Note 1 : Cf. étude publiée dans l´ Anuario Colombiano de Derecho Internacional en 2009 de NIETO NAVIA R. : La decisión de la Corte Internacional de Justicia sobreexcepciones preliminares en el caso de Nicaragua vs. Colombia. Texte disponible ici.
Note 2 : Cf. BOEGLIN N. : « Le retrait du Pacte de Bogota par la Colombie », parue dans Sentinelle, Numéro 326, Décembre 2012). Disponible ici.
Note 3 : Cf. GUILLAUME G., La Cour Internationale de Justice à l´aube du XXIème
siècle. Le regard d´un juge, Paris
Pedone, 2003, p. 177
Note 4 : L´état des
ratifications de la Convention de
1982 de Montego Bay est disponible ici. De 166 Etats Parties à cette
date, les Etats de l´hémisphère américain l´ont ratifiée dans l´ordre
suivant: Mexique, Jamaïque, les Bahamas et le Belize (1983), Cuba (1984),
Sainte Lucie (1985), Trinidad-et-Tobago, le Paraguay (1986), Sao Tome et Príncipe,
le Brésil, Antigua-et- Barbuda (1987), Grenade et Dominique (Commonwealth of) (1991), le Costa Rica et l´Uruguay (1992), Saint-Kitts-et-Nevis, Saint Vicent-et-les-Grenadines,
le Honduras, les Barbades, le Guyana (1993), la Bolivie et l´Argentine (1995),
le Panama (1996), le Guatemala et le Chili (1997), le Suriname (1998), le
Nicaragua (2000), le Canada (2003), la République Dominicaine (2009), et finalement
l´Equateur (2012). Manquent à l´appel la Colombie, le Salvador, le Pérou, le Vénézuéla,
ainsi que, sans surprise, les Etats-Unis.
Note 5 : Cf. l´expression “le petit monde du Palais de la Paix” utilisée dans COT J.P., “Le monde de la justice internationale”, SFDI (Société Française
pour le Droit International), La juridictionnalisation du droit
international, Paris, Pedone, 2003, pp.511-522, p.
512. Pour ce qui est de l´expression “invisible college of international law”
du Professeur Oscar Schachter, nous renvoyons à une très modeste note parue il
y a déjà quelques années au Costa Rica : “Nueva justa de Centroamérica”, La Nación, 20/11/2005
Note 6 : Cf. PELLET A.,
“Remarques sur le «métier» de Conseil devant la Cour Internationale de
Justice », in Nations Unies, Recueil d´articles de conseillers
juridiques d´Etats, d´organisations internationales et de praticiens du droit
international, Nations Unies, New York, 1999,
pp.435-458, p. 446.
Note 7 :
Contrairement à une idée reçue, le Pacte de Bogota n´est pas un traité
quelconque: il s´agit du premier traité régional dans l´immédiate après guerre
en matière de règlement pacifique des différends (qui donnera par ailleurs à
une version européenne en 1957 dans le cadre du Conseil de l´Europe). La
plupart des affaires portées devant la CIJ par les Etats de la région l´ont été
grâce à ce traité dont le caractère stabilisateur pour la région est
indiscutable: il suffit par exemple de
consulter les requêtes introductives d´instance, telles que celle du Nicaragua contre le Costa Rica
et le Honduras devant la CIJ en 1986 (en l´affaire des actions armées frontalières
et transfrontalières, Nicaragua contre Costa Rica) ou du Nicaragua contre le Honduras (en l´affaire du différend territorial
et maritime dans la mer des Caraïbes, 1999, Nicaragua contre Honduras); ou celle du Nicaragua contre la Colombie de 2001 ou encore celle du
Costa Rica contre le Nicaragua de 2005 (différend relatif à des droit des
navigation et droits connexes, Costa Rica contre Nicaragua); ou bien celles du Pérou
contre le Chili (différend maritime) et de l´Equateur contre la Colombie (épandages aériens d´herbicides) présentées toutes deux en 2008 ; ou encore celle du Honduras contre
le Brésil (certaines question en matière de relationsdiplomatiques) en 2009 ; ou
finalement, celle présentée par le Costa Rica contre le Nicaragua en el 2010 (certaines activités menées dansla région frontalière), et le
Nicaragua contre le Costa Rica en 2011.
Note
8 : Traduction libre de « Lo que sí
es de lamentar es la intención de la Administración Chinchilla Miranda de
solidarizarse con Colombia contra el expansionismo de Nicaragua, justo cuando
Bogotá anuncia un desacato a las sentencias de la Corte Internacional de
Justicia. Para un país comprometido con el derecho internacional, esta alianza
más que inoportuna con Colombia, le puede salir muy cara a Costa Rica”: Cf. STAGNO B., « Atrapados entre vecinos », La República (Costa Rica), 23 /09/2013. Ce texte a été repris et lu lors d´une session parlementaire de l´Assemblée
Législative du Costa Rica par le député Claudio Monge. Son intervention
est disponible ici