le Brésil devient
un marché prioritaire
de la surveillance
Par Publica - Agence de Journalisme (Brésil)
Peu après avoir été informée de
l'affaire d'espionnage par la N.S.A. américaine, la présidente Dilma
Rousseff a demandé aux ministres Paulo Bernardo (Communications) et José
Eduardo Cardozo (Justice) d'inclure dans le "Marco Civil da Internet" [une
charte des droits des internautes brésiliens] un dispositif permettant
de suspendre les opérations des entreprises qui coopéreraient avec les
systèmes d'espionnage internationaux. “Ce peut être une banque, une
entreprise de téléphonie”, a dit le ministre des Communications. Mais garantir la sécurité des données sensibles peut passer aussi par
les entreprises multinationales de la surveillance.
Une bonne partie de
la demande croissante de surveillance pour la Coupe du Monde étant
comblée par les géants du secteur – les mêmes entreprises qui
fournissent les équipements et logiciels aux polices du monde entier, y
compris le gouvernement américain et la N.S.A.
Une grande partie de ces entreprises sont mentionnées dans le récente
publication, sur Wikileaks, du projet Spy File 3, une compilation de
249 documents de 92 entreprises, dont des brochures, contrats et
métadonnées afférentes à quelques-unes des principales entreprises du
secteur. Ils montrent que, dans la perspective des “Grands Evénements”,
le Brésil devient une priorité pour l'industrie mondiale de la
surveillance.
Le Secrétariat Extraordinaire de Sécurité pour les Grands
Evénements (SESGE) investit dans diverses technologies de sécurité
publique. Déjà 200 millions de reais [soit 87 millions de dollars
américains ou 66 millions d'euros] ont été dépensés en contrats sur le
plan national. Et l'industrie des équipements de surveillance s'est
assurée de profiter de cette opportunité. Ces dernières années, divers
salons commerciaux ont eu lieu dans le pays.
Quand les spécialistes de la surveillance s'unissent
En juillet, à Brasilia, ce fut le tour du ISS World, qui réunit
polices, agences de sécurité et analystes des renseignements pour une
formation en interception légale, investigation électronique de haute
technologie et équipements d'intelligence des réseaux. Financée par les
plus importants du secteur, tels que Gamma Group, Hackingteam, Cobhan
Surveillance, Hidden Technology, GlimmerGlass et l'entreprise
brésilienne Suntech, ce sont leurs directeurs qui ont animés les
ateliers.
Quelques cours expliquaient, par exemple, comment utiliser les
réseaux sociaux pour les renseignements sur les sources publiques en
investigations criminelles, ou comment mieux utiliser Facebook : depuis
la sécurité sur Facebook à la rétention de données et à l'interaction
avec les forces de sécurité.
Une autre formation, dispensée par
l'entreprise Group 2000 Netherlands, abordait le fonctionnement de
l'interception de données au niveau national, combinée au LBS
(Location-based service) – un service de programmation d'ordinateurs qui
permet d'inclure la localisation et l'horaire dans un système utilisé.
L'entreprise IPS avait pris pour thème les médias sociaux et les
messageries web : l'architecture de Big Data pour l'interception
massive, en plus d'un cours sur “l'intrusion futée” de réseaux sociaux
et messageries web. L'entreprise brésilienne Suntech, qui fait
maintenant partie du groupe américain Verint, a financé une journée
complète de formation, spécialement focalisée sur l'interception de
télécommunications.
En plus de l'ISS, la LAAD, Latin American Aerospace & Defense, le
principal salon commercial de sécurité et de défense d'Amérique Latine
est organisé au Brésil depuis 1995, avec l'appui des Ministères de la
Défense et de la Justice. Ces dernières années, les Grands Evénements
sont devenus le principal sujet de ce salon, base pour les grandes
affaires du secteur.
En 2011, par exemple, le Ministère de la Défense a annoncé le projet
pour un Système Intégré de Surveillance des Frontières (SISFRON), basé
sur un réseau de capteurs interconnectés à des systèmes de commande et
de contrôle.
Les militaires souhaitaient accélérer la construction du
système pour la Coupe du Monde et les Jeux Olympiques. Le coût
estimé, de 6 à 7 milliards de reais [entre 2,7 et 3,1 milliards de
dollars américains ou entre 2 et 2,3 milliards d'euros], a stimulé le
marché international.
A juste titre : même si la construction du système
est remis à une filiale de Embraer, le groupe Saab, de Suède, a
divulgué que sa filiale allemande MEDAV va fournir, en tant que
sous-traitant, des stations de capteurs stationnaires et mobiles pour le
programme, avec la capacité d'enregistrer et d'identifier la direction
des fréquences HF, VHF et UHF.
Cette année, plus de 30 000 visiteurs se sont présentés au LAAD, qui a
abrité 720 exposants de 65 pays, dont les représentants des ministères
de la défense d'Ukraine, du Royaume-Uni, de l'Argentine et de l'Afrique
du Sud. En 2014, année de la Coupe du Monde, une version plus réduite,
mais tout de même sur la sécurité, est prévue du 8 au 10 avril 2014 au
[centre d'exposition] Riocentro.
Lisez la seconde partie du reportage [en portugais] : IBM au Brésil, la surveillance dans les rues : commandement et contrôle
Source : Global Voices et Pública
Agence de journalisme d'investigation