mercredi 11 septembre 2013

Colombie, témoignage sur les crimes de Santiago Uribe

 Le frère de l’ancien président Alvaro Uribe impliqué dans des crimes contre l’humanité ?
Et le 12 apôtres 
de Santiago Uribe...

Par la Commission éthique contre la Torture du Chili – Notes et traduction de Libres Amériques

Le lundi 12 août 2013, dans la ville de Santiago du Chili, nous avons écouté le témoignage du citoyen colombien Monsieur Eunisio Pineda Lujan, il a relaté les événements dont il fut un témoin direct, quand il travaillait dans les années 1993 et 1994 à « La Carolina », propriété appartenant à Santiago Uribe (en photo), frère de l’ex. Président Álvaro Uribe Velez, qui gouverna la Colombie entre 2002 et 2010. Dans la propriété  « La Carolina », à la période indiquée, a opéré un groupe paramilitaire, connu sous le nom « des 12 apôtres ».

Ce groupe paramilitaire a été impliqué dans l’assassinat de civils et dans les actions appelées de « nettoyage social » dans la localité de Yarumal, département d’Antioquia, juridiction ou au même moment (et pas vraiment fortuit), l’ancien président Álvaro Uribe avait été élu comme gouverneur durant les années 1995 et 1997. (ndt. Ses terres électorales et familiales)

Dans ce cas particulier, ce n’est pas la première fois que le frère de l’ancien président Uribe est concerné par des accusations, qui l’ont directement impliqué dans des meurtres contre des civiles.

En effet, déjà l’année 2010, l’ancien policier  Juan Carlos Meneses avait livré son témoignage à Adolfo Pérez Esquivel, Prix Nobel de la Paix, où il avait désigné Santiago Uribe comme ayant participé aux crimes commis par le groupe paramilitaire s’appelant « les 12 apôtres ».

Eunisio Pineda Lujan (en photo, en haut à droite), dans son témoignage signale de nouveau, qu’à « La Carolina », propriété de Santiago Uribe, a opéré un groupe paramilitaire des Autodéfenses  Unies de Colombie (AUC), où sont venues des personnes armées et en uniforme, qui ont été impliquées dans les assassinats de personnes dans la localité de Yarumal (Antioquia).

Le témoignage de Pineda indique aussi, qu’en ce lieu venait la police de Yarumal, pour faire des réunions avec des paramilitaires et avec Santiago Uribe.

Les personnes qui ont signé cette déclaration ont pris connaissance de ce témoignage.

De même, il a été donné en personne par Eunisio Pineda Lujan, son témoignage (vidéo ci-après) à un procureur de Colombie au sein du Consulat de Colombie au Chili.

Témoignage en espagnol sur Santiago Uribe (En castillan)



Nous voulons signaler les éléments suivants :

Nous demandons aux autorités de la Colombie, au pouvoir judiciaire, d’enquêter sur ces faits et sanctionner les responsables de crimes atroces commis contre la vie à Yarumal, département d’Antioquia, et spécialement, nous sollicitons que soit déterminer la responsabilité qui pourrait s’abattre sur Santiago Uribe et toutes les personnes impliquées dans des crimes contre l’Humanité.

2 – Nous sollicitons le système de la Justice Colombienne, que ses larges bras s’ouvrent à tous les pouvoirs factices, qui ont causé tant de tort au peuple Colombien, en imposant le principe d’égalité devant la loi et que Monsieur Santiago Uribe soit déféré devant l’Etat et réponde aux graves accusations au sujet de sa personne. 

3 – Nous demandons au gouvernement de Colombie et à ses autorités d’assurer la protection du témoin Eunisio Pineda Lujan, ainsi qu’aux avocats et entités de défense des Droits Humains comme la Commission Justice et Paix (CIJP) ; le MOVICE (le Mouvement des victimes de l’Etat) ; les autres entités qui s’engagent en faveur des droits humains, la démocratie et la justice en Colombie.

4 – Nous demandons à la communauté internationale de suivre avec attention la situation des droits humains en Colombie et de condamner le harcèlement et la persécution que sont en train de vivre dans ce pays les défenseurs des droits de l’Homme. 

Nous sommes certain au regard de l’Histoire du Chili, que l’impunité des violations des droits humains n’a pu qu’encourager les faits s’étant produits. 


 Les Douze Apôtres du señor Santiago Uribe

Par Santiago O’Donnell, pour Página/12 (Argentine) – Traduction de Primitivi

Un officier de police colombien à la retraite accuse Santiago Uribe Vélez, frère du président ALvaro Uribe, d’avoir créé et maintenu dans les années 90 une structure paramilitaire qui a commis plusieurs crimes en connivence avec les forces policières dans la province d’Antioche. Il indique également que le président aurait appuyé les activités illégales de son frère.

La plainte de Juan Carlos Meneses Quintero, commandant de police à la retraite a été déposée à Buenos Aires il y a trois semaines devant un groupe de représentants des organisations internationales qui surveillent les violations des droits de l’homme en Colombie. Página/12 a été témoin du témoignage, qui a été maintenu secret jusqu’à aujourd’hui, à la demande de Daniel Prado l’avocat de Meneses, pour des raisons de sécurité.

Ont entendu la plainte le Prix Nobel de la Paix Adolfo Pérez Esquivel, directeur du Service Paix et Justice colombien, Carlos Zamorano pour la Ligue Argentine des Droits de l’Homme, le juge de la Chambre Fédérale Criminelle et Correctionnelle, Eduardo Freiler, le président consultatif de l’Association Américaine des Juristes, Beinusz Smuckler, et le représentant de l’Association Américaine des Juristes, Ernesto Moreau.

Meneses a commencé son récit en racontant comment il a connu le frère du président colombien et comment a pris un contact avec la structure paramilitaire dont la création et la gestion est attribuée à Santiago Uribe Vélez.

 “En 1993, étant lieutenant, on m’a nommé commandant du District 7 de la police d’Antioche dont le siège est à Yarumal. Comment je suis arrivé à Yarumal ? J’ai toujours été une personne engagée dans l’institution, plus que combatant la guerilla. A cette époque Yarumal était très dangereux, elle était assiégée par un groupe de guerilleros. Les colonels avaient peur, alors les commandants m’ont envoyé. Je reçois le commandement du capitaine de l’époque Benavídez, aujourd’hui colonel à la retraire. Il me reçoit et me dit ‘Meneses, ici il y a une situation très spéciale, ici il y a un groupe de personnes qui nettoie, ou bien un nettoyage social, ou bien fait disparaître les personnes identifiées comme guérilleros, comme voleurs, comme pirates de l’air, racketteurs, ou simplement vendeurs de vice, ou vicieux. Voyez, la seule chose que vous avez à faire c’est quand ce groupe ira faire un travail vous collaborerez avec eux’.”

“Je lui demande ‘Comment ça, capitaine’, et il me répond : ‘Le groupe a un chef qui s’appelle Santiago Uribe Vélez, qui est le frère du sénateur (de l’époque) Alvaro Uribe. C’est un éleveur de la région qui a une ferme près de Yarumal, la ferme La Carolina. Il est le chef de ce groupe paramilitaire’. Le capitaine me conte donc l’histoire : ‘J’ai collaboré avec eux, ce que je fais c’est qu’à chaque fois que ce groupe va commettre un assassinat ce qu’il faut faire c’est que la police ne réagisse pas, il faut que vous les gardiez occupés pour qu’ils n’aillent pas capturer ceux qui commettent ces assassinats, et c’est la manière de collaborer avec Santiago’. Alors il me met en rapport avec Santiago Uribe Vélez. Il me le présente (et Santiago me dit) : ‘Très heureux lieutenant, bienvenu à Yarumal, j’ai ce groupe qui va souvent collaborer avec vous, en contrepartie j’ai besoin que vous collaboriez avec eux, ils vont vous donner beaucoup d’informations et libérer la région quand vous aurez besoin de cela’.”

“A cette époque la Police Nationale était toujours vue comme celle qui avait le taux de délits le plus petit, en laissant de côté les homicides, ce qui intéressait la police c’était de maintenir ses taux de délinquance bien bas. Je me présente devant Santiago et il me dit ‘Nous allons vous et moi avoir une conversation par mois pour que vous collaboriez avec moi’. Le capitaine Benavídez me disait ‘Tranquille, il n’y a pas de problème, c’est coordonné avec les grands dirigeants, il ne va rien se passer’. Santiago me dit ‘Prenez cet argent ou ne le prenez pas, nous avons l’appui des commandants de police au niveau départemental et d’autres amis au niveau national, nous allons continuer d’agir’, et j’ai dit ‘Bon, puisque c’est comme ça, allons-y’. C’était l’engagement avec Santiago.”

“Ainsi nous avons commencé en janvier 1993, je suis resté février, mars, et début avril ils m’ont viré parce que le scandale a éclaté au niveau national avec les médias, on découvre le mal nommé groupe des Douze Apôtres. Tout le temps où j’ai été en poste on ne les a jamais appelé les Douze Apôtres. C’est les médias qui ont commencé à utiliser ce nom parce qu’on supposait qu’il y avait un prêtre dans le groupe, le père Palacios.

Moi ils m’ont viré parce que ça commençait à chauffer, ‘Prêt, mon colonel, je ne fais qu’exécuter les ordres’, et ils ont fini par m’envoyer dans un district encore plus difficile : Segovia. C’est qu’ils me considéraient comme une personne efficace pour combattre les groupes guerilleros. Durant ces trois mois il y a eu plusieurs incidents durant lesquels des personnes ont été assassinées et je collaborais avec Santiago pour que le groupe dont il était le chef puisse commettre ces assassinats.”

Meneses a continué avec une description des membres du groupe, il nomme le propriétaire terrien Alvaro Vázquez comme co-financier du groupe aux côtés de Santiago Uribe, et dit que Santiago Uribe lui a désigné des agents de liaison avec le groupe pour les opérations urbaines et pour les opérations rurales. Il nomme les policiers a leur poste et leur ordonne qu’ils collaborent avec le groupe.

“Ce garçon Rodrigo (l’un des agents de liaison) a loué une chambre à côté du siège de la police qui avait une connexion avec ma chambre au siège. Là il avait plusieurs uniformes de police et de l’armée, des cagoules, des bottes, il y en avait tellement que le procureur a fait une perquisition de la chambre et a trouvé ces éléments”.

“À la troisième réunion avec Santiago il m’emmène dans la propriété, il dit que c’est parce que j’ai beaucoup collaboré avec lui. A l’arrière de la propriété il y a une petite arène de course de taureaux parce qu’ils élèvent des taureaux. Derrière l’arène il y a un parcours d’entraînement pour les paramilitaires. Un parcours avec tous les obstacles pour un entraînement militaire. L’escalier, la toile d’araignée, tout. Il me dit ‘Ici c’est là où j’entraîne mes gars’. Dans la propriété il y avait des gens armés de fusils de chasse, de fusils, lui avait une mitraillette. Cette fois Santiago me montre également une liste, parce qu’il avait une liste des personnes à assassiner. A cette époque Alvaro Uribe était sénateur et aspirait au gouvernement. Il me disait ‘C’est tranquille, quand Alvaro sera gouvernant ça va aller beaucoup mieux pour nous’”.

Ensuite, Meneses s’est mis à détailler cinq crimes commis par le groupe paramilitaire sous la protection de son mandat au commandement de police.

“Il y a une affaire où on a obtenu l’information qu’ils allaient attaquer un péage. Je leur dis ‘allez faire l’opération, il n’y a pas de problème. Alors ils se cachent et effectivement arrivent à attaquer le péage. Ça a été des gens de la Sigin (renseignement policier) et c’était le groupe de Santiago. Ils tuent deux délinquants au péage. C’est vu comme positif et que les choses commencent à fonctionner.”

“Il y a une autre affaire pour laquelle Santiago m’a demandé une faveur : ‘Il y a une situation spéciale : nous avons un collaborateur dans le groupe de guerilleros, je vais l’envoyer aux gars, nous allons commettre tuer cette personne qui collabore avec le groupe de guerilleros. C’est une personne connue, c’est un guerillero, il s’appelle Rodrigo Barrientos. C’est le conducteur d’une voiture qu’ils utilisent comme bus. Nous l’avons déjà identifié c’est la personne qui fournit les vivres au groupe de guerilleros. Nous devons en finir avec eux et c’est le chef visible.’ (Je réponds) ‘Bon, prêt faites-le, il n’y a pas de problème’. Ils ont commis l’assassinat.”

“Il y a une affaire d’extorsion faite à un commerçant d’Yarumal, Santiago m’appelle et dit, ‘Meneses nous allons lancer une opération contre une personne’. L’entrepreneur avait un restaurant qui s’appellait Las Rocas. J’y suis allé et j’ai pris la déposition de l’entrepreneur et j’ai lancé l’opération, les gens du groupe et de la police y sont allés. Quand les délinquants sont allés prendre l’argent un des deux a été descendu. L’autre réussi à s’échapper. J’ai émis un rapport en donnant un résultat positif. C’était la police, mais en coordination avec le groupe des Douzes Apôtres”.

“Qu’est-ce qui c’est passé ensuite ? Ce racketteur qui s’était échappé, le groupe le localise dans une propriété qui s’appelle La Sirena, alors mon escorte me dit ‘Lieutenant nous avons situé cette personne’. Alors je lui réponds ‘eh bien allez-y’. Puisque l’idée était celle-là : s’il était localisé... on lance donc l’opération et deux personnes de la famille Quintero Olarte sont assassinées, le père et le fils. Le fils c’est celui qui avait tenté l’extorsion. Et là ils m’impliquent dans le processus. Parce que l’agent Amaya, étant de mon escorte, je ne l’avais jamais autorisé à partir avec des fusils, mais il avait emporté son fusil et mon fusil. Ils y vont et tuent les deux Quintero Olarte et par-dessus le marché ils blessent deux mineurs. Peu après je suis allé avec l’inspectrice de police faire le relevé. J’ai moi-même recueilli les étuis, je les ai emballées et je les ai remis aux autorités. Après j’ai été informé qu’Amaya avait emporté les fusils pour commettre ces assassinats. Pour cela je fus arrêté à deux occasions, une fois six mois et une autre fois trois mois, pour le même fait la présence des étuis, c’est dans la procédure. Après j’ai été libéré, j’ai obtenu ma sortie avec mon avocat, parce que je savais que c’était un processus politique qui implique Santiago, mais j’ai dit que Santiago n’avait rien à voir. Lui me disait ‘Tranquille, le procès va bien se passer. Le frère est déjà au-dessus de ce procès et il va se clore’, comme c’est effectivement ce qui est arrivé.

“La dernière affaire a été une attaque de la municipalité d’Yarumal, le groupe de guerilleros avait attaqué un village au fusil, le hameau était à quarante-cinq minutes de la caserne. Je suis allé chercher Santiago et je lui ai demandé de l’aide et il dit que ce jour là il n’avait que trois gars. Allez-y avec mes gars ils connaissent un chemin pour aller là-bas. Ce jour nous étions environ quinze policiers avec trois du groupe de Santiago. Nous trompons les renforts du groupe de guerilleros et nous arrivons au village, les guerilleros étaient encore entrain de tirer sur le commissariat de police. Alors nous armons plusieurs mines et attendons le groupe de guerilleros, mais ils sortent par un autre chemin et m’ont laissé en attendant. Après j’entre au village et j’apprends que tout c’était bien passé pour la police, parce qu’il y a eu trois morts dans le groupe de guerilleros et seulement un pour la police.”

Pour conclure, Meneses a essayé d’expliquer comment il a fini au Venezuela.

”En vérité le procès n’ira pas jusqu’aux Douze Apôtres parce qu’à Yarual il y avait un soit-disant groupe de commerçants qui avaient armé un groupe de collaborateurs de la police contre de la papeterie, de l’essence, des produits d’hygiène. Le ministère public a ouvert un procès contre eux, mais c’était des allégations mensongères, les commerçants n’étaient pas impliqués, c’étaient les éleveurs qui étaient avec Santiago. Mais le ministère public n’a jamais découvert Santiago et les commerçants innocents ont pris plus d’un an, et le procès continue toujours contre ces commerçants d’Yarumal.

”Quand le procès démarre nous allons avec mon colonel au bureau de Santiago. Nous n’étions pas à Yarumal il avait un bureau à Medellín. Santiago nous dit ‘Ne vous préoccupez pas, avec mon frère nous avons parlé aux personnes auxquelles nous avions à parler pour que ce procès ne donne rien et que vous sortiez acquittés. Vous pouvez aller tranquilles. Mais : ne me mentionnez pas’

Les années suivantes, en 2002, 2003, je suis plus commandant de police et je me retrouve dans une mauvaise situation. Je localise Santiago, je l’appelle et je lui demande qu’ils ne m’emmènent pas. Il me dit ‘L’engagement c’était classer l’affaire, et ça a été fait. Ne réessayez pas de m’appeler’. C’était ma dernière communication avec Santiago. L’an dernier j’ai commencé à recevoir des menaces, Santiago sait que je suis une personne qui connais beaucoup de choses sur lui. Et comme la majorité du groupe des Douze Apôtres a été assassinée, j’ai pris la décision de m’échapper.”


Article d’origine en espagnol :



Sources : Comité contre la Torture du Chili – Contagio Radio - Primitivi