Par Lionel Mesnard
Après 19 jours de grèves de divers secteurs agricoles, un
accord en six points a été conclu dans les 4 départements les plus touchés par
les blocages routiers opérés par les petits exploitants agricoles colombiens
(Boyaca, Cundinamarca, Nariño et Huila). De même, après les sérieux
affrontements intervenus jeudi dernier sur la route Panaméricaine dans le
département du Cauca, le vice-président colombien ira dialoguer avec les
autorités représentatives des populations autochtones à Popayan dans le sud du
pays, notamment avec les responsables du Conseil Régional des Amérindiens du
Cauca (CRIC en espagnol).
Dans le Cauca, en début de semaine, 10.000 hommes, femmes et
enfants (en majorité d’origine amérindienne) avaient engagé un rassemblement et
prévu une marche sur la route Panaméricaine.
Il est a déploré des blessés et deux morts, dont Monsieur Víctor Alfonso Ortega, suite à un tir reçu en plein dans sa boîte crânienne, selon le médecin légiste de la clinique de Popayan.
Il est a déploré des blessés et deux morts, dont Monsieur Víctor Alfonso Ortega, suite à un tir reçu en plein dans sa boîte crânienne, selon le médecin légiste de la clinique de Popayan.
Il a fallu près de deux jours pour connaître un nom de
victime et le nombre réel des blessés, la télévision Caracol n’hésitant pas à
annoncer, qu’il n’y avait eu aucun mort dans le Cauca, quand par ailleurs
d’autres sources faisaient part de 4 morts, dont un enfant. Le déploiement de
force par blindés, hélicoptères et des forces de l’ordre armées jusqu’aux dents,
se sont déployés avec une violence ahurissante et ils ont provoqué une
véritable panique et une dizaine de marcheurs ont été blessés par des
projectiles létaux ou mortels. Sinon, il est à noter l’usage des gaz
lacrymogène en de très grande quantité a été utilisé et sans discernement.
Les éléments qu’en donnent les autorités du CRIC sont à ce
titre très clairs sur la disproportion des forces engagées contre de petits
paysans ou travailleurs originaires (102 morts en 2012), qui sont
malheureusement les victimes régulières de crimes par tirs létaux et avec le
silence ou l’assentiment des pouvoirs publics.
Les populations autochtones, noires doublement victime par
ailleurs du conflit armé entre l’armée nationale et les FARC. (Lire la
déclaration du CRIC par après…). Le Cauca au sud de la Colombie et plus
largement la région est d’une très grande diversité culturelle et aussi l’objet
de conflits autour des terres et territoires amérindiens ou appartenant aux
afro-colombiens et aux familles des petits colons très fortement métissés, une
Colombie qui tranche avec les élites politiques et les présentatrices
blondinettes des journaux télévisés.
En raison de la récente décision d’établir un état de siège
militaire (Fuero Penal Militar) contre les mouvements sociaux faisant barrages
sur les routes, 50.000 militaires ont été déployés à cet effet dans tout le
pays, en plus des escadrons de l’ESMAD, dont certaines voix se sont élevées
pour demander leur dissolution, et dont les preuves de ses actions
malveillantes ont été constatées par des vidéos, des photos, et elles ont
abondamment circulé sur les réseaux sociaux.
Une expression populaire transmise par divers canaux
alternatifs ou citoyens, qui à leur manière luttent contre le blocus des médias
de masse et les discours dominants en transmettant une information le plus
souvent à la hauteur des séquelles et traumatismes sans fins survenant de nord
en sud du pays.
Depuis cette décision du gouvernement de militarisation du
pays contre la population civile y compris urbaine, la répression n’a fait que
redoubler. Finalement après avoir nier les problèmes, c’est-à-dire été déclaré
par Juan Manuel Santos, que la grève des paysans n’existait pas suite à 11
jours de paralysie, puis après avoir effectué le remplacement de 4 ministres
clefs du gouvernement colombien (à l’armée, Monsieur Pinzon notamment), et
surtout suite une chute vertigineuse des sondages du président à 22%
d’intentions favorables, retournement de la situation.
Après les coups de bâtons et l’usage rapide de la matraque,
le gouvernement sort la carotte et a engagé des négociations qui lui sont
finalement imposées par une majorité de l’opinion publique. Et ce que déteste
avant tout le pouvoir colombien serait un écho à l’international négatif. A ce
sujet, le soutien des gouvernements dits de gauche ou révolutionnaires en
Amérique latine se fait encore attendre, la bonne soupe des complots est bien
plus profitable, qu’un soutien à un peuple aux aboies depuis des
décennies.
Peu à peu le volcan social qui a agité toute la Colombie ces
3 dernières semaines va souhaitons-le se faire entendre, mais le processus de
mise en application des mesures ne prendra effet qu’après des réunions qui se
tiendront la semaine suivante et dont rien n’assure qu’elles déboucheront sur
une fin du mouvement social.
Depuis 30 ans, la Colombie n’avait pas connu une telle
colère civile, mais à force d’oublier les évidences et d’avoir des politiques
publiques inappropriées à l’ouverture à tous vents des marchés, le président
Santos est enfin revenu à un peu de sagesse ou de lucidité. Et oui la
démocratie est un difficile exercice, et si ces messieurs de la Havane
pouvaient parvenir à un accord et surtout à un arrêt des combats, oui cela
pourrait engager le début de quelque chose en rupture avec le passé.
Mais un pays qui a vécu dans le silence des tourmentes
depuis l’invasion ou la conquête des Espagnols a laissé les plus fragiles
économiquement sur le bord de la route, soit pratiquement 50% de la population
vivant avec des salaires ou revenus miséreux, pour qu’il soit pris en compte le
marché intérieur et une véritable amélioration des revenus des prolétaires
colombiens.
Ces trois semaines de conflits sociaux auront mis sur le
devant de la scène toute la difficulté du gouvernement de Juan Manuel Santos a
dialogué et à savoir négocié avec les forces vives du pays, avant d’envoyer ses
escadrons antiémeutes réputées pour leur violence disproportionnée et
manifeste.
Des dizaines d’arrestations, des blessés par dizaines aussi
et de chaque part, mais sans qu’il soit fait part de blessure par arme à
feu, au moins 6 morts de civils (dont 2 jeunes tués à bout portant à Bogota en
marge de la manifestation étudiante dans la capitale) et un policier est
décédé.
Sans parler des combats, des villages ou hameaux menacés par les
paramilitaires, dont il est fait mention nulle part en dehors des ONG colombiennes
ou organismes de surveillance des Nations Unies.
Parent pauvre de l’information, la Colombie, reste à la
lecture des informations internationales trop souvent en décalage avec le
quotidien d’une population soumise à des conditions qui vont de la faim à
l’absence de politique sanitaire visant à éradiquer une misère endémique
notamment dans les campagnes, mais aussi dans les périphéries urbaines. Dont la
cause principale est la sauvagerie des oligarchies colombiennes et depuis 50
ans par le biais des mafias et de ses illustres paramilitaires dont certains
sont en prison aux Etats-Unis pour trafic illégal de stupéfiant, à l’exemple de
l’ancien chef paramilitaire des AUC , Salvatore Mancuso.
Messieurs du gouvernement, que cesse la guerre au peuple
colombien !
Le Conseil Régional Autochtone du Cauca – CRIC – condamne le
traitement de guerre que le gouvernement donne à la protestation et la
mobilisation sociale et dénonce devant l’opinion publique et la communauté
internationale l’usage d’armes létales contre les manifestants dans le district
de Mojarras (commune de Mercaderes, département du Cauca), sur la route Panaméricaine, le jeudi 5 septembre
2013.
Bien que nous sachions pas encore toute la gravité des
faits, nous avons connaissance et la confirmation d’un paysan mort et de 28
blessés par balle, l’argument consistant à assurer la circulation sur les
routes, n’est pas un indicateur de démocratie et de respect des droits humains
de la part de l’Etat Colombien. Sinon pour le moins, un indicateur de
militarisation de la vie civile et de perte de la continuité constitutionnelle
s’agissant du respect de la vie et de l’intégrité personnelle, comme droit
fondamental.
Il n’est pas possible d’agir contre une mobilisation
sociale, comme s’il en était d’un combat militaire. La population civile doit
être respectée, ainsi que les principes de distinction et de proportionnalité.
La Force publique ne peut agir en territoires autochtones, paysans, afro-colombiens,
ruraux et urbains, comme une armée d’invasion.
Le gouvernement du président Santos a dit qu’il était
disposé à travailler sur les politiques publiques concernant les campagnes
colombiennes de manière concertée avec les paysans et de même avec les secteurs
agraires; mais après avoir dit ceci devant la nation, il s’est mis à traiter de
façon brutale ceux qui exigent leurs droits, en niant leur humanité et leur
dignité.
Mauvais précédent pour commencer un dialogue avec le monde
agricole colombien, de cette manière, il laisse un message clair devant
l’opinion publique nationale, dans le sens que le gouvernement cherche à en
finir avec la mobilisation sociale et à empêcher les transformations de la
politique publique et du modèle de développement.
La vie ne se négocie pas dans les réunions mises en place
par le gouvernement de l’Etat, ni en dans aucun autre scénario. La vie est
sacrée. Les droits fondamentaux sont les minimums constitutionnels qui
garantissent que nous vivons dans un Etat de droit social et pas à l’intérieur
d’un « Etat » de fait.
Nous appelons les organisations sociales du pays, pour que
nous travaillions à la réussite de
l’Unité Populaire, que nous défendons de manière forte - et vous décidez de nos
droits – pendant que nous continuons à exercer une mobilisation sociale et une
protestation, comme unique alternative possible que vous nous laisser devant
l’arrogance, l’imposition et les actions inconstitutionnelles des secteurs
dominants dans le pays.
Dans le département du Cauca, nous exigeons de l’exécutif
départemental, du Défenseur du
Peuple, des mairies et membres statutaires du Sud du Cauca et du Nord du
département de Nariño, que soit accompli avec leurs fonctions, les garanties de
la protection des droits humains et de la constitution dans ses différentes
juridictions.
Le gouvernement colombien ne peut
transformer nos départements en scènes de guerre, ni la population comme
un de ses objectifs militaires.
Ville de Popayán, le 6 septembre 2013