Coup d’Etat de 1973 :
Un crime
sans coupables ?
Par Víctor de la Fuente (*) - Traduction de Libres
Amériques
Il y a quatre décennies, le haut commandement des Forces
Armées a commis des graves délits, de soulèvement et de rébellion en destituant
un gouvernement légal – délibérément constitué et mettant un terme à la
Constitution. Parallèlement, ils instaurèrent un régime dictatorial avec une
répression féroce. Ni les exécuteurs du coup d’Etat, ni les civils qui se sont
conjurés ont été jugés (1), jusqu’à présent a régné l’impunité.
Le régime civique et militaire, qui dura 17 ans, liquida le
projet d’un socialisme démocratique et instaura une dictature, qui fut un
laboratoire d’application des politiques néolibérales dans le monde, réduisant
le rôle des Etats-Unis, privatisant le plus possible, et faisant de l’éducation
et de la santé un négoce.
Une des conséquences a été d’amplifier les inégalités, et
toujours en faveur des plus puissants. Ceux qui succédèrent à la dictature ont
continué à gérer administrativement le modèle économique et même ils ont élargi
les privatisations (ouverture de l’exploitation du cuivre aux transnationales,
l’eau…).
Pour leur part, ceux qui firent le coup d’Etat et
éliminèrent la Constitution, aujourd’hui ont le toupet d’envisager que la
Constitution de la dictature, doit seulement être modifiée selon les termes,
qu’ils mirent en œuvre.
Le plus surprenant encore est que les opposants à la
dictature ont la même position et - avec la droite - ils se refusent à appeler à une Assemblée Constituante pour
élaborer et approuver démocratiquement, par un vote populaire, une nouvelle
Constitution.
CONSTITUTION
J’appelle l’attention, qu’au sein de notre pays, les années
de l’Unité Populaire ne sont pas très connues, ni revendiquées, bien plus elles
ont été dénigrées, alors que Salvador Allende – avec raison – a gagné – dû au
prestige et c’est beaucoup plus valorisant, cependant la grande oeuvre de
Salvador Allende est, précisément, l’Unité Populaire.
Les forces politiques qui ont été parties prenantes de ce
projet ne l’ont pas revendiqué, en partie – assurément – déjà parce qu’elles
n’ont pas ces positions révolutionnaires de transformation de la société,
puisqu’elles n’ont aucune perspective, pour prendre un seul exemple, la
nationalisation du cuivre.
Au fil du temps, ressort encore plus la figure d’Allende et
sa clairvoyance. Assez pour se souvenir de son discours sur le commencement de
la globalisation néo-libérale, à l’ONU, le 4 décembre 1972, en critiquant « le
pouvoir et les agissements néfastes des transnationales, dont les budgets
dépassent beaucoup de pays... Les Etats semblent être interférer dans leurs
décisions fondamentales – politiques, économiques et militaires – par des
organisations globales, ne dépendant, ni n’étant fiscalisées par aucun
Parlement, par aucune institution représentative des intérêts
collectifs » ».
Nous souhaitons mettre en relief l’engagement et la fidélité
d’Allende, jusqu’à sa mort, pour les causes sociales et politiques des plus
pauvres et en même temps son réalisme politique, sa capacité d’éveiller,
d’éduquer et surtout d’unir les forces autour d’un programme populaire, en
dirigeant ce gigantesque mouvement qui amena le peuple au gouvernement en 1970.
Il y a à récupérer la mémoire d’un président qui fit de
l’étique sa plus haute valeur, qui mourut dans le bombardement du palais de La
Moneda, en soulignant son combat pour un socialisme démocratique et
révolutionnaire.
Allende n’est pas un simple martyre, il ne doit pas être
oublié, que sous le gouvernement de l’unité Populaire du Chili, il nationalisa
le cuivre, il a approfondi la réforme agraire, il défendit l’enseignement
public et gratuit, il créa dans l’espace social de l’économie, et il promut la
participation populaire aux décisions.
Avec Allende, les Chiliens retrouvèrent la dignité
Dès le début l’Unité Populaire commis des erreurs et Allende
a réagi à chaque fois avec une certaine ingénuité (2), mais les erreurs ne justifient pas, en aucun cas, un
coup d’Etat, qui fut un crime contre le peuple et la démocratie. Comme ont pu
nous le démonter l’Unité Populaire et Allende, ils furent victimes des
transnationales, de l’empire étasunien, des grands entrepreneurs. Jamais il ne
faut confondre les victimes avec les bourreaux, jamais l’erreur d’une victime
ne justifie un crime contre elle.
L’exemple de Salvador Allende vit aujourd’hui dans les
combats des étudiants et des peuples,
aussi bien au Chili qu’en Amérique Latine. Son exemple nous aidera à
conquérir cet autre monde si nécessaire et possible avec lui, que nous rêvons
tant !
Notes :
(*)
Directeur de l’édition chilienne du Monde diplomatique.
1. Lire, Eduardo Contreras, A 40 ans, « Jugement des
civils du coup d’Etat », Edition chilienne du Monde Diplomatique, avril
2013 et aussi Jorge Magasich, Le
coup d’Etat cívico-militaire et le terrorisme, dans cette exemplaire du mois
de septembre 2013.
2. Regarder le documentaire « El último combate de
Salvador Allende » (Le dernier combat de Salvador Allende). Quand très tôt
dans la matinéee du 11 septembre 1973 ne trouvant pas à joindre Pinochet,
Allende dit à Carlos Jorquera, « Pauvre Pinochet, il doit être
prisonnier ».
Source : Le Monde diplomatique Chile
édition chilienne de septembre 2013 (N°144)